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Négociation avec les terroristes : Une équation à plusieurs inconnus

Après le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, il y a une semaine, c’est au tour de sa collègue en charge des Armées de séjourner dans notre pays. Paris veut-il faire tomber l’entrain général pour un possible dialogue avec les terroristes ? La question taraude les esprits. Pourtant, dans cette guerre, les stratégies déployées jusqu’ici ont montré leurs limites.

 

La force française Barkhane fait certes du bon boulot dans la zone dite des «trois frontières» et les FAMa montent indéniablement en gamme, mais la réalité sur le terrain est que l’insécurité s’étend sur le territoire national. Après la Région de Mopti, le Nord de la Région de Ségou est en proie au délitement de l’autorité de l’état.

Des contrées entières dans l’Office du Niger sont abandonnées aux groupes qui y font régner la terreur en toute impunité. Après l’enlèvement massif du bétail, les groupes terroristes s’avisent actuellement à empêcher carrément les populations à faire la récolte du riz. Le grenier à riz du pays est aujourd’hui sous une menace très sérieuse.

Au-delà de son coût financier et humain, l’option de la guerre amplifie les tensions intercommunautaires qui se révèlent plus meurtrières que le terrorisme. Cet argument, qui n’est pas sans poids, ajouté au fait que l’ennemi dispose d’une assise territoriale et politique non négligeable, devrait amener à envisager l’arbre à palabre. Négocier, essayer de trouver des solutions avec les extrémistes qui n’ont d’ailleurs jamais fermé la porte au dialogue.

Le groupe dirigé par Hamadoun Koufa pourrait servir d’entremetteur. Le chef terroriste n’a-t-il pas cité l’imam Mahmoud Dicko et deux autres figures, Mahi Banikane et Cheikh Oumar Dia, comme des partenaires acceptables pour un dialogue ? C’est une ouverture si mince soit-il au dialogue.

On sait que l’imam Mahmoud Dicko a exprimé à maintes reprises sa disponibilité à aider à nouer les fils du dialogue avec les groupes qui ferraillent pour imposer la charia dans notre pays. Lors de la dernière sortie du M5-RFP à la place de l’Indépendance n’a-t-il pas annoncé qu’il s’apprêtait à prendre son bâton de pèlerin pour aller prêcher la paix partout dans le pays ? Il avait même invité d’autres leaders religieux à se joindre à lui.

Reste à déterminer les modalités du dialogue. Que faut-il mettre sur la table pour amener les guerroyeurs à s’asseoir à la table de négociation ? Du côté des groupes extrémistes, les revendications principales sont connues. Ils veulent que le Mali soit régi par un «système théocratique» où la loi serait dictée par les préceptes d’un islam rigoriste. Ils réclament également le retrait des troupes étrangères et que le Mali coupe ses liens avec la France.

Or, ces liens sont historiques et multiformes. L’ancienne puissance coloniale est un partenaire de poids du Mali, aussi bien sur le plan sécuritaire que dans le domaine de l’appui au développement. Aussi, Paris est le parrain de la présence de l’ONU dans notre pays. Inutile de s’étendre sur l’importance de la Minusma dans la préservation de l’état malien sous sa forme actuelle.

Voilà pourquoi, l’International Crisis Group (ICG) a fait remarquer que «négocier ne veut pas dire accéder à toutes les doléances des terroristes et accepter l’instauration de la charia», dans son rapport intitulé « Parler aux djihadistes au centre du Mali : le dialogue est-il possible ? ».

À l’État donc de déterminer des compromis acceptables par les deux parties. Le chercheur Ibrahim Yahaya, auteur principal de ce rapport,  donne des pistes, comme les écoles coraniques, qui pourraient être réformées, voire intégrées dans le système éducatif. Il propose aussi la question des cadis, ces juges islamiques traditionnels qui n’ont aucune existence légale alors qu’ils sont utilisés très fréquemment dans les zones rurales. En la matière, l’état pourrait s’inspirer du cas mauritanien.

Le Mali ne manque pas de génie pour faire adopter une ligne pragmatique aux groupes extrémistes. L’état s’est forgé une expertise en matière de négociation, à travers la gestion de différentes insurrections rebelles dans le Septentrion. Certes, il faut distinguer la rébellion du terrorisme.

Mais, on sait que pour le dernier Accord en date, en 2015, Bamako a négocié avec des séparatistes qui ont mené des opérations dont la logique et les moyens étaient ceux du terrorisme. Aujourd’hui encore, difficile de départager, dans l’enchevêtrement inextricable des forces dans le Septentrion, ceux qui relèvent des groupes terroristes et ceux qui sont sous l’autorité de mouvements signataires de l’Accord. On retourne sa veste au gré des circonstances.

Au-delà, comme le souligne Ibrahim Yahaya, aujourd’hui, des acteurs étatiques comme non étatiques parlent aux terroristes en permanence. Des leaders communautaires locaux négocient l’allègement de certaines mesures qui pèsent sur les villages, par exemple. Parfois des compromis sont trouvés. Les humanitaires négocient aussi l’accès à des zones de crise.

Il a fallu dix-sept ans pour que les Américains comprennent que les terroristes sont incontournables en Afghanistan. Au Mali, il semble, après huit ans, évident qu’on ne pourra pas vaincre militairement ces groupes solidement implantés désormais à maints endroits du territoire. Dès lors, les autorités, qui ont le quitus du peuple, n’ont nullement intérêt à trainer les pieds. Surtout que des centaines de terroristes viennent d’être remis au service d’une machine de guerre qui sait se montrer d’une rare cruauté.

Issa Dembélé

Source : L’ESSOR

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