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Mohamed BA : « Le Mali est gouverné sur le mensonge depuis l’avènement de la démocratie, l’avenir de la jeunesse malienne est de plus en plus sombre »

Dans un entretien accordé cette semaine à Mikado FM la Radio des Nations Unies, Mohamed BA a livré sans complexe sa vision en tant que Jeune sur les grandes questions de la vie socio-politique du Mali dans le cadre du 56e anniversaire de l’indépendance du pays.

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Juriste spécialiste en Droit International, Professeur de Droit et d’Education Civique et Morale dans des Lycées et Universités Privées de Bamako, membre actif de l’Association Humanitaire « Soli-Jeunes », Mohamed BA est également militant du mouvement indépendant « Sininièsigi Gundo » en Commune I du district de Bamako, avec lequel il a participé aux élections législatives de 2013 en tant que plus jeune candidat du Mali.

Mikado : En tant que juriste internationaliste c’est quoi une souveraineté nationale et internationale ?

Mohamed BA : La souveraineté est un principe juridique, celui de l’autorité suprême. C’est le droit absolu d’exercer une autorité (législative, judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un pays ou sur un peuple.

La souveraineté nationale caractérise l’indépendance de l’Etat-nation par rapport à d’autres Etats ou à des instances internationales.

Ainsi la souveraineté internationale (légale) confère à un État sa reconnaissance internationale. Un Etat qui n’est pas souverain laisse donc la voix grandement ouverte à l’ingérence, à l’anarchie, à des vices susceptibles de compromettre sa stabilité.

Mikado : Le symbole que représentait cette indépendance s’est très largement effrité et cela depuis une dizaine d’années. Qu’est ce qui justifie cet état d’esprit chez la génération actuelle ? Est-ce à dire que les jeunes ne croient pas à cette question d’indépendance ?

Mohamed BA : Cet état d’esprit n’est que le reflet de la réalité vécue par la jeunesse actuelle.

Lorsque les facteurs  néfastes qui ont conduit à accéder à l’indépendance persistent de nos jours, il est tout à fait logique que l’on se pose la question à savoir si nous sommes un pays véritablement indépendant.

Quand l’on jette un regard sur l’histoire du Mali, de l’Empire à l’avènement de la démocratie, passant par la colonisation, les rébellions et les renversements de régimes, il est difficile de concevoir ce qu’ils (les gouvernants) ont fait du Mali ces dernières décennies. Notre pays est gouverné sur le mensonge depuis l’avènement de la démocratie, l’avenir de la jeunesse malienne est de plus en plus sombre. Il est temps pour la jeunesse de se réveiller et de sortir de la passivité.

Mikado : Ce désintérêt peut-il trouver son origine dans la condition de vie globale de la jeunesse actuelle ?

Mohamed BA : Ce désintérêt trouve son origine dans la mauvaise gouvernance et la précarité générale qui touche toutes les couches du pays, en particulier dans la manière dont la jeunesse malienne est traitée.

Il est fort regrettable de constater à ce jour, que priorité n’est plus donnée aux défis majeurs notamment l’éducation et l’emploi. Les injustices sociales, la corruption ou encore l’insécurité font que le pays marche à reculons.

Mikado : L’emploi est sans nul doute la préoccupation de la jeunesse aujourd’hui. On ne se hasarde même plus a donné une statistique au phénomène tant il semble être endémique. Quelle solution concrète proposez-vous pour sortir du cycle ?

Mohamed BA : La question de l’emploi ne cesse de faire couler de l’encre.

Je pense qu’il est temps que l’on dise la vérité aux maliens à ce sujet aux fins de trouver des solutions adéquates. Selon Amadou Hampâté BA : « Telle est la force du mensonge, à force d’être répété un beau jour le menteur lui-même finira par y croire ».

Il faut distinguer le Mali réel du Mali rêvé, car les chiffres fréquemment donnés sur le taux de chômage et le nombre d’emplois crées dans ce quinquennat ne correspondent pas à la réalité.

L’offre en matière d’emploi est insignifiante par rapport à la demande.

L’Etat doit faire revoir sa politique de formation notamment au niveau de l’enseignement supérieur. Il incombe de privilégier dans un premier temps les formations professionnelles et techniques, les formations scientifiques et agropastorales et ensuite de revoir à la baisse l’admission dans certaines filières dans les universités publiques moins porteuses.

Il est clair que nous ne pouvons compter sur l’Etat pour regorger ce taux pléthorique de chômeurs, il est donc important de miser sur le secteur de l’entreprenariat. La question du financement des projets doit être traitée en exigeant la transparence auprès des structures concernées.

Aussi, le secteur informel mérite une plus grande attention et demande un cadrage de la part des autorités en octroyant une qualification aux jeunes qui n’ont pas eu la chance de faire des études.

Quant à la fonction publique, nous ne demandons que l’application stricte et transparente des textes qui régissent les modalités de recrutement et d’organisation des concours.

Mikado : Dans une réflexion que vous avez postée sur votre mur sur la fuite des cerveaux surtout concernant les jeunes, vous dites que c’est pour mieux gagner l’argent. Est-ce à dire que l’esprit patriotique a disparu au profit de l’argent ? 

Mohamed BA : Le choix de rester à l’étranger après les études ne remet pas forcement en cause le l’esprit patriotique. Tandis que c’est un choix librement fait par les uns pour des questions professionnelles, c’est une question de survie pour les autres.

J’avoue qu’il m’était particulièrement difficile de décider de rentrer, il aurait fallu que je fasse abstraction de mes sentiments et autres considérations pour revenir au pays.

A vrai dire, l’état actuel de notre société n’encourage pas ceux qui partent étudier à revenir. En ce qui concerne les étudiants beaucoup se sentent plus utiles à leurs familles étant à l’étranger.

Certaines pratiques malsaines pour s’intégrer professionnellement et le manque considération des valeurs intrinsèques des diplômés de l’étranger sont à l’origine des fuites de cerveaux.

Mikado : Parlons maintenant de l’éducation l’autre grand malade. Aujourd’hui il y a unanimité que le système éducatif malien est improductif. Partagez-vous cette opinion ?

Qu’est-ce qu’il faut pour que le Mali retrouve ses valeurs d’antan en matière éducative ?

Mohamed BA : Nelson Mandela ne disait-il pas que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour développer le monde » ?

L’école malienne est gravement atteinte et les acteurs de l’éducation (parents, enseignants, Etat) n’en sont pas moins responsables.

Parce que je suis profondément attaché à nos traditions, je pense que pour traiter cette agonie, il faut recourir à nos anciennes valeurs sociétales, celles qui jouent leur rôle dans la famille, dans le quartier pour ensuite continuer à l’école. L’état de l’éducation malienne influe sur nos mœurs.

L’Etat doit s’investir davantage à promouvoir l’éducation civique et morale à l’école à travers le ministère de la Jeunesse et de la construction citoyenne, pour ainsi cultiver dans l’esprit des enfants de ce pays des valeurs telles : l’honneur, l’intégrité, la dignité.

Les groupements de jeunesse et les associations doivent être soutenus et encouragés à organiser régulièrement des campagnes de sensibilisation, des formations, des concours sur le civisme et le patriotisme.

Dans le fond, l’enseignement prodigué à besoin de réformes pour être mieux adapté aux réalités sociales du pays, notamment par la mise en valeur des langues nationales.

Le choix des enseignants par vocation contribuera également à renforcer la qualité des enseignements dispensés dans les écoles.

Mikado : La politique. C’est la locomotive qui tire tout le reste. Vous, vous avez déjà été candidat en 2013 aux élections législatives. Et vous étiez d’ailleurs le plus jeune candidat. L’espace politique au Mali aujourd’hui permet-il l’émergence d’une jeunesse consciente de son rôle dans les affaires publiques ?

Mohamed BA : La réponse est NON. La politique est devenue un métier au Mali et le politicien malien un entrepreneur.

Faute de repères, la jeunesse malienne est manipulée, instrumentalisée, désorientée et nombreux sont les jeunes qui vivent de leur parti politique.

Il est difficile pour un jeune d’œuvrer dans un parti tout en disposant de sa liberté de penser et d’agir. Dans ces conditions, le jeu politique actuel ne fait que renforcer la discorde entre les jeunes et leur dépendance au système.

Il est du ressort, de ceux qui sont considérés aujourd’hui comme Jeunes leaders de différents mouvements ou associations, d’interpeller l’ensemble de la jeunesse sur la nécessité de s’unir autour d’un idéal commun et de redonner un souffle nouveau à la politique malienne. Car seule une jeunesse unie peut exiger le changement et renverser la tendance. D’ailleurs nous n’avons pas le choix.

Mikado : Beaucoup de maliens parlent d’une refondation de l’armée pour assurer sa mission cardinale. Est-ce que vous aussi êtes dans cette logique ?

Mohamed BA : Si je devais donner mon avis en tant que citoyen, je dirai tout simplement que j’ai de la peine aujourd’hui voyant l’état de notre armée. Celle qui, à l’aube de l’indépendance était considérée par tous comme le pilier de la défense nationale, le garant de notre sécurité au-delà de nos frontières, a plus que jamais besoin d’une refondation pour assurer sa fonction régalienne.

L’armée malienne doit être soutenue par toutes les couches de la société, une union sacrée s’impose autour d’elle.

J’ai foi en notre armée. Lorsqu’elle aura retrouvé toute sa valeur Républicaine, le peuple regagnera en confiance.

La lutte contre le terrorisme passe par quoi selon vous ?

Mohamed BA : Sans détour, elle passe par le renforcement des capacités des forces armées de défenses et de sécurité.

Mikado : Sur un autre plan, un sujet qui fâche, c’est le cout actuel de la vie, les pères de l’indépendance disent qu’avant tout était accessibles, et vous, en tant que jeune, que constatez-vous actuellement ?

Mohamed BA : Bien que je n’ai vécu au temps des pères de l’indépendance, je ne peux que leur donner raison. Il est vrai que les temps ont changé et les réalités socio-économiques ne sont plus les mêmes que dans les années 60.

De l’indépendance à nos jours, notre pays n’a visiblement pas su profiter de ses ressources immenses. Les différentes crises ont répercuté sur les conditions de vie de nos populations locales. En parcourant le Mali profond, le constat est accablant. Cette situation de précarité ne saurait être justifiée et devient insoutenable.

Mikado : Pour vous, quel doit être le symbole fort du 22 septembre qui marque l’Indépendance du pays ?

Mohamed BA : Ce jour doit être l’occasion, plus particulièrement pour la jeunesse, de réfléchir, de se remettre en question et de déterminer sa part de responsabilité dans la construction de la nation.

C’est aussi le moment pour chacun d’entre nous, d’exprimer son engagement citoyen en posant un acte symbolique en faveur du changement.

 

Mikado : Croyez-vous que le Changement aurait-il lieu un jour au Mali ? Je me réfère à une de vos récentes publications ou beaucoup d’internautes ont réagi. Je vous retourne votre question.

Je ne peux me le permettre d’être pessimiste, je crois de toutes mes forces au changement au Mali.

Nous appartenons tous à une même nation et nous avons le devoir de répondre à l’appel.

Mikado : A l’instar de la communauté internationale le Mali célèbre aujourd’hui la journée internationale de la paix. La MINUSMA est au cœur de l’évènement. Croyez-vous à la paix dans le monde ?

Mohamed BA : En tant que jeune, je voudrai d’abord féliciter les nations unies pour leur effort à œuvrer pour la paix dans le monde.

J’ajouterai ensuite, que cette organisation internationale, quelques soient ces convictions, aura également en son sein des puissances, qui pour des intérêts politiques ou géostratégiques contribueront à menacer la paix dans le monde.

Je souhaite à la MINUSMA de réussir sa mission la stabilisation du Mali, de garantir l’intégrité territoriale de notre pays, et a un moment de permettre à l’Etat malien d’assumer seul toutes ces responsabilités.

Mikado : Dernier mot ?

Mohamed BA : Je lance un appel à la jeunesse malienne : Unissons-nous jeunes du Mali, parlons d’une même voix. C’est le seul moyen pour nous de sortir de l’emprise des Politiques. Notre pays a besoin de nous. Nous avons la capacité de bâtir, de concevoir notre avenir et de renverser la tendance. Soyons courageux, audacieux et déterminés, l’éveil de conscience n’aura lieu que lorsqu’il n’y aura aucun intérêt personnel derrière les revendications au nom du peuple.

 

Propos recueillis par THIECOURA GOITA

 

 

La rédaction

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