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Maman Sambo Sidikou : « Les difficultés majeures sont liées à la diffusion des terroristes au sein des populations»

Secrétaire permanent du G5 Sahel (Mali, Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso), depuis février dernier, le Nigérien Maman Sambo Sidikou a passé plus de 25 ans d’exercice dans des services nationaux et étrangers, notamment au sein des instances des Nations Unies. Dans le cadre d’une tournée mondiale, il travaille à renforcer l’engagement des différents acteurs de cette organisation  régionale qui est confrontée à de nombreux défis.

La Côte d’Ivoire ne fait pas partie du G5Sahel. Quel cadre de collaboration peut-il exister entre ce pays et votre organisation ?

Tant au point de vue de la réflexion que de l’action. Ce n’est cependant pas l’objet de mes rencontres. Je viens d’abord pour faire œuvre de pédagogie sur l’action conjointe des cinq États – membres du G5 Sahel. Par ailleurs, je viens aussi pour écouter et m’enrichir au contact des responsables de l’une des locomotives de notre région.

Abidjan est aussi le port de l’hinterland sahélien. Au point de vue économique, la sécurité des installations portuaires – et leur bon fonctionnement – est un important facteur de prospérité pour des pays comme le Mali et le Burkina Faso. Par ailleurs, grâce au volontarisme du Président Alassane Ouattara et du gouvernement de Côte d’Ivoire, l’ambition retrouvée des institutions de financement régionales (BRVM) et multilatérales (BAD) nous inspire et stimule notre intérêt.

Quel bilan faites-vous des deux opérations menées par le G5 Sahel dans la zone des trois frontières Mali – Niger – Burkina Faso ?

Le bilan souligne des progrès qui appellent une plus grande structuration de la Force conjointe du G5 Sahel.  Les opérations « Haw Bi » (« Vache noire » en langue songhay, novembre 2017) et « Pagnali » (« Tonnerre » en langue peul, février 2018) ont  confirmé la  capacité opérationnelle de notre organisation régionale. Il reste cependant beaucoup à faire, différemment.

La coopération prend du temps, celui requis pour que se crée la confiance entre États, entre administration et citoyens, etc. Au terme de ces deux opérations pilotes, les acquis du G5S incluent la maitrise et le bon fonctionnement du réseau des transmissions militaires, la sécurisation de la zone transfrontalière, la bonne coordination air avec les troupes au sol, une meilleure connaissance du terrain par nos soldats.

Plus aguerris, les contingents nationaux sont plus facilement déployables. Mieux formés et plus disposés à coopérer, les officiers des postes de commandement de Sévaré et de Niamey sont issus des contingents de nos cinq États. Depuis la chute de l’empire Songhay (1591), notre région n’avait jamais connu de coopération interarmées aussi prometteuse.

Pouvez-vous nous parlez de la troisième opération ?

Du 18 au 30 mai 2018, elle a rassemblé les contingents du Burkina Faso et du Niger, rassemblés dans « le fuseau centre de la Force conjointe du G5 Sahel ». L’objectif de l’opération était d’entamer la liberté d’action des groupes terroristes sur une zone d’environ 4 000 km². Au bilan, pas de contact direct avec les terroristes.

Par ailleurs, au-delà des actions militaires concrètes, les détachements ont organisé des aides médicales à la population, notamment des consultations gratuites de plus de 770 malades et des distributions de médicaments. Nos troupes ont également procédé à la distribution de denrées alimentaires aux populations vulnérables.

Quels sont les difficultés majeures que rencontrent les forces lors de ces opérations ?

Les difficultés majeures rencontrées sont celles liées à la diffusion des terroristes au sein des populations. De plus, il faut noter que notre force en est à ses débuts et que nous sommes encore en train de chercher à réunir les moyens nécessaires pour améliorer son équipement et sa capacité opérationnelle globale.

La première difficulté est celle de l’étendue des zones à surveiller. La seconde tient au coût considérable de ces opérations dans des pays aux ressources modestes. Quant à la troisième, elle tient à la nature asymétrique de la violence utilisée par des acteurs « invisibles ». Il ne suffit en effet pas de désorganiser leurs réseaux d’approvisionnement et de recrutement, il faut également prévoir les effets effroyables d’attaques menées au cœur des villes. Nos forces sont donc une composante d’un édifice plus large, incluant d’autres acteurs de la sécurité et bénéficiant du concours d’une population que nous devons continuer à protéger tout en l’informant des périls auxquels nous sommes exposés.

La lutte contre le terrorisme passe aussi par la collaboration avec les populations. Est-ce que l’incident de Boulkeissi, où une dizaine de civils ont été tués, n’est pas dû à la méfiance entre la force et les populations ?

Je regrette les morts survenues lors de l’incident de Boulkeissi. Je présente encore une fois mes sincères condoléances aux familles éplorées. Comme vous le savez, le contexte est particulièrement délicat, mais la lutte que nous menons contre le terrorisme est sans conteste une bataille pour le bien de nos populations. Il faut le rappeler, ces forces négatives sont des semeuses de malheur et leurs actions détruisent nos sociétés et déstabilisent nos États, avec des répercussions très dommageables pour l’ensemble de nos populations. Nous nous évertuons, au niveau du G5 Sahel, à éviter au maximum ce genre de situations malheureuses, en formant notamment nos troupes au respect strict des procédures opérationnelles, des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire. Enfin, un travail sera progressivement mené en vue de mieux communiquer sur nos actions et de nous rapprocher davantage de nos populations, afin d’obtenir une meilleure compréhension et une plus grande adhésion à ce travail, qui est totalement mené pour leur bien.

Comment le G5 Sahel compte-t-il se financer si la communauté internationale n’honore pas ses promesses ?

Le G5 Sahel est une organisation mise en place par cinq pays africains décidés à mutualiser leurs moyens pour faire face aux défis sécuritaires et à œuvrer en commun pour le développement de nos pays. Aussi, tout en comptant sur le soutien de nos partenaires et amis de la communauté internationale, nous mettons tout en œuvre pour faire notre part, car il s’agit d’abord de notre destin. C’est l’occasion de remercier tous ceux qui ont déjà contribué concrètement au financement de la Force conjointe. Je pense particulièrement à la solidarité fraternelle africaine, illustrée par la Côte d’Ivoire, qui a impulsé l’appui de l’UEMOA à notre organisation.

Comprenez-vous le refus des États Unis de placer le G5 Sahel sous le chapitre VII du mandat des Nations Unies, qui lui permettrait d’être plus autonome et plus efficace dans sa mission ?

La décision des États Unis résulte d’un choix politique. L’administration actuelle reconsidère une partie de son implication au sein des Nations Unies. Ce n’est donc pas uniquement lié au cas du Sahel et de sa force conjointe. J’ai donc bon espoir que des évolutions positives surviendront prochainement sur le plan du renforcement de la collaboration avec l’ONU et les États Unis dans tous les domaines d’action du G5 Sahel. En effet, loin du théâtre de la diplomatie, la contribution des forces armées américaines est parfois remarquable. Au niveau opérationnel, il peut s’agir d’experts dont le domaine de compétences est précieux, y compris pour garantir le fonctionnement des missions d’appui, comme pour les télécommunications ou les travaux publics.

 

Source: journaldumali

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