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Mamadou Sinsy Coulibaly, président du conseil national du patronat du Mali (CNPM) « L’Etat n’a pas d’argent, n’aura jamais d’argent et n’a jamais créé assez d’emplois . C’est nous qui créons»

Au mois d’octobre dernier, le Conseil national du patronat du Mali (Cnpm) a renouvelé ses instances dirigeantes. Le Bureau sortant, installé tout juste après l’inauguration de l’immeuble futuriste réalisé par l’Organisation patronale au quartier des affaires de l’Aci 2000 de Bamako, n’a hélas pas produit des résultats à hauteur de souhait. C’est dire que les attentes des entreprises affiliées sont actuellement grandes et nombreuses. Et c’est justement pour relever ce défi qu’une nouvelle équipe dirigeante a été installée. Elle est présidée par Mamadou Sinsy Coulibaly que l’on ne présente plus dans les milieux d’affaires du Mali et au-delà de nos frontières, tant il a consacré toute sa vie professionnelle à l’Entreprise et reste reconnu comme faisant partie de cette race d’opérateurs économiques qui prônent tout le temps l’émergence d’un secteur privé fort et dynamique, mais imbu des bonnes pratiques dans un environnement de concurrence saine. Nous vous livrons le contenu de l’entretien exclusif qu’il nous a accordé dans ses bureaux du Quartier du Fleuve.  

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Monsieur le Président, quels sont les grands axes de la vision que vous avez pour le Conseil national du patronat du Mali ?

Pour répondre aux nombreuses attentes, le nouveau bureau que je préside doit donner à l’organisation patronale davantage de dignité, de respect et de considération, eu égard à la place et au rôle que doivent occuper les employeurs et les entreprises dans le développement socioéconomique du Mali. Ce qui commande au président du Cnpm d’avoir une vision claire, à savoir faire du Cnpm une organisation digne de respect, de confiance et de considération. Les grands axes de cette vision sont déclinés en huit points. Il s’agit, du Cnpm mieux structuré, mieux organisé et plus opérationnel. Il a été élaboré à cet effet un plan stratégique à court, moyen et long termes. C’est aussi le Cnpm qui bénéficie de la pleine confiance du Gouvernement et qui devient l’interlocuteur privilégié des partenaires financiers et au développement du Mali, des investisseurs, des entreprises et du Gouvernement. En plus, le Cnpm est reconnu par toutes les entreprises de droit malien comme l’institution idoine de défense des droits et de conseil. En outre, le Cnpm est une organisation patronale déterminée et engagée à fond dans le combat pour la promotion de la bonne gouvernance, la transparence, l’innovation, la créativité et le transfert des bonnes pratiques. Et aussi, le Cnpm est à l’écoute du secteur informel et des clients, c’est-à-dire qu’il assume pleinement ses responsabilités sociales et il est l’oreille et la voix des partenaires sociaux. Le Cnpm opte pour l’interactivité est un autre axe de notre vision. Cela signifie qu’il s’est mis en réseau avec les experts et autres spécialistes nationaux dans tous les domaines où opèrent des entreprises de droit malien. Et enfin, le Cnpm se positionne comme le principal acteur de la transposition de la société malienne dans l’économie du savoir.

 En tant que président du Cnpm, si vous deviez faire l’état des lieux du secteur privé, quels points faibles auriez-vous relevés ?

Il faut qu’on ait confiance en nous-mêmes d’abord et nous dire que nous sommes les vrais acteurs de l’économie, les politiques n’étant là que pour nous accompagner et non pour nous aider, encore moins nous donner des subventions ou des aides. Nous devons nous débrouiller de nous-mêmes pour avoir une vision de ce que chaque entreprise veut faire. Il faut que les gens comprennent aujourd’hui que le Cnpm ou les entreprises affiliées au Cnpm ou ceux qui veulent créer des entreprises, ne doivent pas penser que c’est l’Etat qui doit tout faire. L’Etat n’a pas d’argent, l’Etat n’aura jamais d’argent, l’Etat n’a jamais créé. C’est nous qui créons des emplois.  Il faut que les gens se mettent dans la tête que l’argent de l’Etat, c’est l’argent du privé, notamment les impôts, les taxes et autres, que nous payons. Et que  l’Etat organise la société avec ces montants générés par les impôts et taxes.

L’autre difficulté du secteur privé, c’est que tout le monde veut faire une entreprise. Alors que tout le monde n’est pas fait pour créer une entreprise. Il faut que les gens comprennent que l’auto emploi, ce n’est pas la solution. Ce que d’autres prônent maintenant, à savoir aider les jeunes avec l’auto emploi, ce n’est pas ça. Ces jeunes-là, aujourd’hui, doivent penser vraiment à innover, à avoir un esprit créatif pour permettre à l’Entreprise de se développer et donner confiance aux entrepreneurs et ceux qui ont investi dans l’Entreprise pour que nous soyons compétitifs.

Un autre problème, c’est la compétition. Il faut aussi que la compétition soit égalitaire,  c’est-à-dire qu’elle ne soit pas biaisée par des dons, des aides et autres. Ça bloque, ça plombe nos entreprises. Il faut que la concurrence soit vraiment saine, notamment de la part de ceux qui régulent l’espace économique du Mali. Il faut que tout le monde ait les mêmes chances d’égalité pour réussir dans l’Entreprise. Par contre si on aide les uns et on n’aide pas les autres, cela ne peut que plomber les activités. Le jour où on arrête d’aider une entreprise, le lendemain elle va sombrer.

Et les exonérations alors ?

Les exonérations données à tort et à travers, cela ne développe pas. Ça fausse la concurrence. Mais le code des investissements est clair à ce sujet. Notamment toute entreprise qui se crée a droit à un certain nombre d’exonérations et bénéficie de cela. Et les investisseurs, qu’ils soient américains, français, sénégalais ou ivoiriens, pour ne citer que ceux-là, ont les mêmes droits que les investisseurs du Mali en ce qui concerne la création d’entreprise dans le pays. On a un code des investissements très libéral. C’est dans ça qu’on doit faire la compétition. Je suis d’accord qu’on donne des exonérations dans le cadre du code des investissements. Mais en dehors du code des investissements, on fausse la compétition, c’est très léger et on met en péril les entreprises qui ne fonctionnent que sur la base de ces exonérations. Parce qu’elles ferment le jour où ces exonérations vont s’arrêter. Une entreprise qui ne compte que sur les exonérations pour fonctionner va mourir de sa belle mort le jour où elle n’aura plus ces exonérations.

On cite aussi deux autres faiblesses de l’Entreprise malienne, à savoir le manque de ressources humaines qualifiées et les difficultés d’accès aux financements. Qu’en dites-vous ?

En ce qui concerne l’accès aux financements, vous savez que la Banque c’est une entreprise. Elle va prêter lorsqu’elle sent que c’est propre. Plus précisément, si les risques sont moindres. Les jeunes n’ont aucune expérience donc ça va être difficile pour eux de ce côté-là. En plus, les banques se cherchent. C’est vrai que ce sont des entreprises qui cherchent de l’argent par le prêt, mais il faut remplir les conditions pour y accéder. Et on a hérité d’un certain nombre de cas qui nous suivent encore. C’est que des entrepreneurs trainent des casseroles. Il y a énormément d’entrepreneurs qui doivent dans les banques des encours qui ne sont pas payés. Et les banques vont faire payer cela aux autres. Les taux d’intérêt sont élevés parce que les autres, avant, il y a quinze ans, n’ont pas payé. En d’autres termes, le niveau de risque est très élevé et les banquiers sont très regardants dessus. C’est pourquoi cet accès aux financements est difficile.

On en vient à l’autre aspect de la question, à savoir la formation. Vous savez dans tous les pays du monde, que ça soit aux Etats-Unis d’Amérique ou ailleurs, il n’y a pas d’adéquation entre la formation et l’emploi. Aucune entreprise ne peut trouver à l’heure actuelle quelqu’un de bien formé tout de suite. L’Entreprise est obligée de former. Et nous sommes dans l’ère numérique dans laquelle aucune entreprise ne ressemble à l’autre, bien vrai qu’elles sont toutes dans le même secteur. Je conçois donc à mon image, à l’image de l’économie et à l’image des consommateurs maliens. La quantité que je dois produire et comment je dois produire, etc… sont plusieurs facteurs de l’entreprise. C’est dire que trouver quelqu’un qui vient travailler tout de suite, comme on le voudrait, ce n’est pas possible. Nous sommes dans l’ère numérique avais-je dit tantôt. C’est pourquoi il faut que les jeunes qu’on embauche suivent la tendance, c’est-à-dire qu’ils soient des informaticiens ou des spécialistes d’autres secteurs qui répondent aux besoins de cette tendance, qu’ils aient le sens de la créativité et de l’innovation pour faire fonctionner l’Entreprise. Obligatoirement, nous devons avoir des entreprises numériques, que ça soit dans les services, dans la production industrielle, etc…C’est obligatoire et celui qui n’est pas dedans, il est à côté.

Mais malgré tout cela, les autorités du pays ont promis à la jeunesse 200 mille emplois. Qu’en dites-vous ?

Je pense que c’est une décision politique. Ce sont les entreprises qui vont créer les 200 000 emplois. Les autorités ont annoncé 200 000 emplois, nous, en tant qu’entrepreneurs, nous allons nous battre pour créer ces 200 000 emplois. Mais cela a un coût. Le coût de l’investissement. Et ce n’est pas l’Etat qui va nous donner les moyens de soutenir ce coût. Ce sont donc nos propres investissements qui vont créer ces emplois. Le rôle de l’Etat c’est de surveiller, de réguler, pour que tout le monde travaille dans les mêmes conditions. Que tout le monde paye ses taxes et impôts. Que tout le monde travaille dans des conditions de bonnes pratiques. En un mot, l’Etat doit créer l’environnement et les conditions permettant au secteur privé de créer les 200 000 emplois promis.

Mais trouvez-vous que le développement du secteur privé national est actuellement une préoccupation essentielle des autorités publiques au vu des actes qu’elles posent ?

Je pense que oui. Dans la mesure où la création de 200 000 emplois est une décision politique, je pense qu’ils ont conscience de cela. Mais l’environnement économique, sociologique et l’état de dégradation de l’Etat malien même, au regard de tout ce que l’on a vu, notamment les attentats dans le pays, l’insécurité, ne permet pas à l’Etat malien d’être présent 24h/24 pour réguler. C’est à nous-mêmes, investisseurs, entrepreneurs, de tirer la sonnette d’alarme dans des secteurs où il y a une déréglementation faite par un certain nombre d’entrepreneurs qui profitent de la faiblesse de l’Etat pour poser un certain nombre d’actes, en vue de fausser la concurrence. Nous devrons veiller à cela. C’est le rôle du Conseil national du Patronat du Mali. C’est pour attirer l’attention de l’Etat sur tel secteur où on est en train d’investir, disons où il y a un gros investisseur. C’est pour dire à l’Etat voilà ce qui se passe dans ce secteur et surtout ce qui ne va pas, afin qu’il corrige. Les autorités de l’Etat nous écoutent pour cela.

Si nous prenons un secteur stratégique celui des télécommunications, les gens pensent que les nationaux devraient s’y intéresser davantage car il y a actuellement trois licences de télécommunications, mais aucune n’est contrôlée par des nationaux ?

C’est un secteur qui n’est pas très compliqué, mais qui est très innovant et demande énormément d’investissements. Les entrepreneurs maliens sont très faibles financièrement, mais il y en qui sont quand même dans les deux sociétés de téléphonie qui fonctionnent actuellement, le troisième n’ayant pas encore commencé ses activités. Dans Orange Mali des Maliens sont actionnaires et dans Sotelma il y a certains Maliens tels que les travailleurs et l’Etat qui sont actionnaires. L’Etat va céder bientôt ses parts aux investisseurs maliens. Mais je rappelle que c’est un secteur très innovant, très créatif et qui demande énormément de fonds.  Nous ne sommes pas outillés pour cela. Bientôt on va pouvoir récupérer tout ça. Peut-être qu’il y aura une quatrième licence, cinquième licence…C’est un espace qui est très vaste. C’est de l’innovation qui est en train de se faire, l’Etat est en train de mettre en place des outils de régulation de ce secteur pour qu’un certain nombre de nationaux puissent prendre part ou être dans ce secteur de télécommunications.

Avez-vous un message à lancer à l’endroit des opérateurs économiques du pays ?

D’abord insister sur les bonnes pratiques. C’est très important. Il faut que tout le monde se mette à l’école des bonnes pratiques. Ensuite, si on investit dans les services ou dans les industries, il faut que ces investissements aillent vers le numérique. Investir dans des machines-outils numériques, des machines de production numériques. Partout dans le monde, le numérique s’impose. C’est l’ère numérique. Celui qui n’investit pas dans les outils numériques, son entreprise va disparaître. Il ne s’agit pas seulement d’investir dans le numérique. Il faut aussi être innovant et créatif. Voilà les conditions qu’il faut pour réussir, si on y ajoute un bon process de production, de distribution et de recrutement. Ce qui permettra d’innover et d’avoir une créativité permanente. C’est ce message que je dois lancer à tous les futurs investisseurs maliens ou étrangers qui veulent investir dans notre économie.

Et en tant que président du Cnpm, quel message lancez-vous aux autorités publiques du pays ?

Je leur demande d’écouter l’Entreprise. De nous écouter, de réguler pour que tout le monde se mette dans les bonnes pratiques et qu’il n’y ait plus de passe-droits dans notre pays.

 

La rédaction

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