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Mamadou Sidiki: L’autre virtuose chez les diabaté

Avec sa mythique compagne en bandoulière, il a parcouru le monde pour véhiculer des messages de paix, d’amour et de fraternité entre les peuples, en digne ambassadeur porteur des valeurs culturelles maliennes. Et quand il n’est pas entre deux avions (en solo ou avec le Rossignol Salif Kéita) ou bloqué dans un aéroport quelque part dans le monde, Mamadou Sidiki Diabaté dit Madou régale les habitués du prestigieux Club Africa Espace (CAE) avec ses doigts de fée qui restituent à la Kora toute sa magie mélodieuse. Avec son groupe, Manding Griot Groove, et la voix angélique de sa douce et talentueuse moitié (Safi Diabaté), il fait voyager les mélomanes dans le riche passé artistique manding pour véhiculer le métissage culturel afin de nous faire rêver de cette universalité que la kora symbolise.

 

Au Mali, beaucoup de téléspectateurs se rappellent sans doute ce beau, charmant et talentueux garçon qui, à partir de 1992, apparaissait régulièrement sur le petit écran avec une kora plus grande que lui, mais qu’il jouait avec une doigtée magique lui arrachant des mélodies éblouissantes. Il y avait une si grande complicité entre le joueur et l’instrument que l’un caressait l’autre pour le pousser à une confidence mélodieuse. Ce talentueux garçon, vous l’avez sans doute deviné, s’appelle Mamadou Sidiki Diabaté ou par le diminutif de son prénom, Madou. Un virtuose aussi connu par son surnom que par l’intense amour qu’a pour lui sa tendre épouse : Safiatou Diabaté dite Safi, une des cantatrices les plus talentueuses du moment.
Mais quand on apprend la filiation du prince des cordes de l’époque, beaucoup de questions sur son immense talent trouvent vite des réponses. Né un 23 septembre 1980 à Ouolofobougou (Bamako), le prodige est le fils d’une icône de la kora : Sidiki Diabaté ! Ce célèbre musicien qui a quitté sa Gambie natale pour s’installer au Soudan français avant les indépendances. Ce qui n’est pas surprenant pour qui sait que le Soudan français (l’actuel Mali) et la Gambie ne sont nés que de l’imagination du colon sinon nous sommes toujours dans ce vaste et légendaire empire manding.
Le très regretté Sidiki Diabaté est le premier à enregistrer un album solo de kora en 1971, «Ancient Strings». Une première de l’histoire de la musique ! De nos jours, Madou est un joueur de kora qui symbolise le pont entre la tradition et notre ère de métissage culturel. Madou est aussi le fils de feue Mariam Kouyaté. Grande griotte malienne dotée d’une superbe voix, elle a été l’une des premières chanteuses africaines inscrite à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique en France (SACEM).
Momo, comme on le surnomme aussi, est le jeune frère de Toumani Diabaté (triple Grammy Awards). C’est donc un héritier qui n’a jamais rompu avec ses racines, car il continue de jouer lors des mariages et des baptêmes dans le pays, notamment à Bamako.

Du tamani à la kora-La kora est un héritage familial qu’il a adoubé à ses 4 ans. Mais, déjà, à 3 ans, Madou faisait preuve d’une vélocité précoce en accompagnant sa maman dans les cérémonies sociales avec le Ntaman (tamani). Sa première kora lui a été offerte par Sounkalo, un ami de son père qui venait ainsi de mettre sur orbite la 71e génération des joueurs de kora mandingue. Surdoué, l’enfant appris à jouer l’instrument sans maître pour lui enseigner les notions élémentaires.
Au niveau scolaire, il faut rappeler que MSD a été d’abord inscrit à l’école coranique à Ségou où vivait sa grand-mère maternelle avant de fréquenter l’école du Camp Digue et la section musique de l’Institut national des arts (INA), où il allait se faire renvoyer pour absentéisme. En effet, très sollicité, le jeune virtuose voyageait beaucoup et souvent sans permission. Une exclusion quand même sévère car le jeune joueur de kora venait de faire trois ans d’études sans redoubler une classe.
à six ans, Madou Sidiki a fait sa toute première sortie en dehors des frontières maliennes, notamment à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), où il a accompagné ses parents au Centre culturel français. C’est à partir de cette sortie que son vénéré papa a décidé de le prendre à son école. Et ils ne vont plus se quitter jusqu’au décès de Sidiki Diabaté. «Madou a eu beaucoup de secrets de son père pour avoir été son compagnon inséparable, donc son confident, dans les dernières années de sa vie», nous confie un proche de la famille.
«La kora est un don de Dieu à ma famille depuis des générations», avoue Momo. C’est en tout cas une compagne à vie qui lui permet non seulement d’exprimer ses sentiments, ses opinions et ses convictions, mais aussi de gagner sa vie. En effet, en suivant ses parents dès le bas âge, le garçon a vite compris que la musique n’était pas seulement un héritage à transmettre de génération en génération, mais qu’elle est aussi un gagne-pain pour vivre dans la dignité.
«Il s’est attaché à la kora tout en s’inscrivant à l’école de ses aînés, notamment son grand-frère Toumani Diabaté et son cousin Ballaké Sissoko», souligne Ahmed Diabaté, son neveu qui lui a consacré son mémoire de fin d’études sous le thème, «La vie et l’œuvre de Madou Sidiki Diabaté».
Le mérite du virtuose, c’est qu’il ne s’est pas contenté de recevoir la kora en héritage. Il lui a apporté sa touche personnelle pour l’améliorer, en faire un instrument moderne capable d’accompagner tous les genres musicaux.
Des innovations en partie mentionnées dans l’œuvre d’Ahmed Diabaté. Il s’agit de l’apport des effets (pédale ou d’autres outils) en 2001 ; la programmation dans les boîtes à musique en 2003 ; la création d’une kora moderne sans calebasse qui donne des sonorités différentes de l’instrument traditionnel en 2007 ; et la réalisation en 2012 de la toute première «kora midi», c’est-à-dire un système permettant à la kora de reproduire les sonorités de tous les autres instruments de musique.

Expériences atypiques-«Son immense talent lui a permis d’accompagner plusieurs grands artistes du Mali et du monde entier», souligne Ahmed. L’époux de Djéli Safi a plus de 150 festivals à son compteur à travers le monde. Et depuis le 4 mars 2020, il a entamé son 4e tour du monde à partir de l’Australie.
En 1999, il a fait une tournée européenne de 3 mois avec Kandia Kouyaté et les Guinéens Sékouba Bambino et Oumou Dioubaté dans le cadre du Griots Groove Tours. Depuis, il n’a pas cessé d’être sollicité dans le pays et à travers le monde. La sortie de son 1er album en 2006 fut aussi le début d’une carrière solo émaillée de plusieurs collaborations prestigieuses.  Le virtuose a réalisé des featurings avec, entre autres Damon Albarn (avec qui Madou a fait une grande tournée en Angleterre où il a joué devant 14 000 personnes dans la salle Royale Albert Hall de Londres en 2013) ; Tony Allen, Dee Dee Bridgewater (USA) ; Brian Eno (Ukraine) ; Baaba Maal (Sénégal) ; Alex Wilson (Ukraine/Suisse) ; Ras Mickeal (Jamaïque) ; Paco Sery (l’un des plus grands batteurs au monde) ; Jean Philippe Rykiel (France) ; Daniel Moreno (USA), Mike Del Ferro (Hollande) ; Will Calhoun (batteur avec plus de 6 Grammy Awards) ; Jean Lamoot, Moussa Demba Diallo (Danemark) ; Tiken Jah Fakoly… Et aujourd’hui il ne cesse de parcourir le monde avec le Rossignol manding, Salif Kéita.
«Avec ce beau monde, Madou n’a cessé de démontrer la valeur musicale malienne avec son instrument de prédilection.
Pour pouvoir travailler avec toutes ces stars d’horizons différents et de styles atypiques, il faut une certaine aisance et une grande particularité pour faire la différence. C’est pourquoi, à travers sa kora, Mamadou Sidiki Diabaté est parvenu à imposer un style de doigtée et d’inspiration qui lui vaut la confiance et l’admiration de ces stars», admire son neveu.
Benjamin de la famille Diabaté et enfant unique de sa maman Mariam Kouyaté, Madou a eu le privilège d’être toujours aux côtés de ses parents, surtout dans les dernières années de leur vie. Il était donc dans leur confidence et en hérita, en plus des astuces et sécret professionnels, une sagesse précoce qui a forgé sa personnalité. Malgré son immense talent et sa grande notoriété, Momo est un homme très humble, à la limite effacé. C’est aussi un père conscient de son devoir de transmettre l’héritage familial.
Mentor de Sidiki, Balla et Ahmed Diabaté, il ne ménage pas sa disponibilité pour écouter, conseiller et orienter cette nouvelle génération pour qui il est une référence !

 

Une passerelle entre les générations pour perpétuer un précieux héritage

Le  créative contemporaine».
Autant dire que le génie a toutes les qualités pour être une référence pour la jeune génération d’artistes. Et surtout, une solide passerelle entre le passé et les nouvelles géprochain album de Mamadou Sidiki Diabaté est attendu entre la fin de cette année et le début de l’an 2021. «J’ai un agenda très chargé jusqu’en novembre 2020. J’ai beaucoup de tournées prévues cette année. Déjà, à partir du 4 mars 2020, je pars en Australie pour le début de mon 4e tour du monde», nous a-t-il confié lors de notre entretien en fin février dernier. Et, a-t-il précisé, son prochain opus sera entièrement «retro».
«Je veux que les mélomanes se retrouvent à l’époque des Fanta Damba N°1 et 2, Mariam Kouyaté, Penda Danté, Ba Tounkara… accompagnées par les Batrou Sékou, Sidiki Diabaté. Je souhaite restituer dans cette œuvre la manière de chanter de ces cantatrices et le style de jeu instrumental de ces virtuoses», a-t-il ajouté. Contrairement à ce qui semble être à la mode de ces derniers temps, l’album sera enregistré sans aucun effet spécial. «Ce sera un album naturellement fait avec des morceaux enregistrés autour d’un thé ou chez un Diatigui (noble).
Les chansons vont parler du Mandé, du Mali. à travers ce projet d’album, je veux faire découvrir à la nouvelle génération ce qu’était la musique des griots», promet Madou, polyglotte (bambara, français, anglais…) et père de trois enfants (Salif, Mariam et Ladji Fassama).
Un devoir de restitution d’autant plus, confie Momo, «j’ai eu la chance d’accompagner ma maman et mon père dans les dernières années de leur vie. J’ai eu le privilège de partager beaucoup de choses. C’est un devoir que de restituer aujourd’hui cet acquis afin que la génération actuelle et les générations futures puissent connaître la vraie musique traditionnelle du Mali. Ce sera un album inédit».
Cet attachement à la tradition musicale malienne, Momo l’a déjà manifesté en créant en 2013 son groupe «Manding Griot Groove» qui joue presque tous les samedis au Club Africa Espace de Bamako-Coura (derrière la Bourse du Travail). Un orchestre dont les compositions sont basées sur la valorisation des grands succès musicaux mandings comme Sunjata, Janjo, Duga… Il s’inspire aussi des œuvres des orchestres emblématiques comme le Rail Band de Bamako, le Bembeya Jazz de la République de Guinée…
Sans compter les titres de sa fabuleuse discographie avec des albums à succès comme «Mariam» (2006), «Bajuru» (2009), «Mali Latino» (réalisé en 2010 avec Ahmed Fofana et l’Anglais Alex Wilson), «Midi night» (en deux volumes entre 2014 et 2015) et «Chaoukil» (2016). Son album «Mali Latino» a été nominé aux «Dix meilleurs albums» de Songlines Awards en Angleterre en 2011.
«Les arpèges ondulants de Madou Sidiki, comme des harpes et des mélodies entrelacées vertigineusement complexes semblent descendre sur les ailes chaudes d’un paradis ardent de chaleur gonflée et parfumée», a commenté un critique, Daniel Spicer dans «The Wire» (janvier 2015/numéro 371) fasciné par ses œuvres.
«Ses performances exquises mettent en valeur la gamme d’émotions et la profondeur polyphonique possibles avec la kora. Une merveilleuse performance !», a aussi salué un confrère canadien de la radio «CKCU» (FM 93.1/Ottawa Canada). En résumé, ils sont très nombreux les critiques qui pensent que Madou Sidiki est «un joueur sérieusement bon et bien inspiré…Un joueur de kora exceptionnel».
Il est vrai que ce virtuose de la kora a cette touche fantastique d’un génie créateur que l’on sent dans toutes ses œuvres. Ainsi, Madou a su non seulement mettre en valeur son instrument fétiche, la kora, mais aussi et surtout la tradition musicale mandingue. Comme le dit si bien Ahmed Diabaté, auteur de «Vie et œuvre de Mamadou Sidiki Diabaté» (Mémoire de fin d’études à l’INA), dans «sa musique on sent le mélange de la tradition et l’ingéniositénérations !

M. B.

Source : L’ESSOR

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