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Mamadou S. Coulibaly: «Notre économie va pâtir de la situation sécuritaire mais sera gagnante à long terme»

Au centre du pays, le secteur privé ne pourra se projeter tant que l’Etat n’aura pas rétabli la sécurité et redéployé l’administration, estime le patron des patrons du Mali

Mamadou Sinsy Coulibaly, 62 ans, est le Président fondateur du groupe Kledu (du nom de sa mère), un conglomérat diversifié d’une cinquantaine d’entreprises dans l’imprimerie numérique, les médias, le tourisme, l’assurance, l’agrobusiness, la restauration, la distribution de courriers… A la tête du Conseil national du patronat du Mali (CNPM) depuis 2015, il est connu pour son franc-parler. Il revient pour l’Opinion sur la détérioration de la sécurité dans son pays, son combat pour le secteur privé et la nécessaire lutte contre la corruption.

« Les massacres intercommunautaires, comme celui de dimanche à Sobame Da dans le Centre, résultent de la mauvaise de gouvernance, du racket des forces de sécurité, du manque de vision des autorités pour prévoir les troubles dans des régions délaissées par le pouvoir central, explique Mamadou Sinsy Coulibaly. Sans réelles perspectives, les jeunes ont rejoint les milices et les groupes terroristes pour obtenir un statut et des subsides. D’autres sont venus se réfugier à Bamako. Si on ne fait rien, les choses pourraient s’enflammer davantage. »

Sans prévention, les alliances et pactes historiques entre communautés pourraient se retourner en rivalités. Le gouvernement malien prépare une nouvelle initiative pour pacifier ces régions. « Nous n’avons pas encore été consultés, poursuit le patron des patrons. La première des choses est de s’occuper des jeunes déplacés à Bamako. Beaucoup ont goûté aux lumières de la ville et aux routes bitumées. C’est illusoire de vouloir les renvoyer dans leur village. Il faut les aider à trouver un emploi dans les services, développer des petites activités. » Avec l’arrivée des déplacés et l’exode rural, la capitale est passée de 2 à 4 millions d’habitants en dix ans. Cela représente un défi urbanistique mais aussi des opportunités en matière d’emploi pour satisfaire la demande citadine.

Confiance. Au centre du pays, le secteur privé ne pourra se projeter tant que l’Etat n’aura rétabli la sécurité et redéployé l’administration. Une des priorités sera de restaurer la confiance avec les populations. « Les autorités devront envoyer des fonctionnaires vertueux sur le terrain, ajoute le président du patronat. Si les habitants se sentent protégés, ils seront alors enclins à coopérer avec la police et la gendarmerie. Il sera aussi nécessaire de relancer les activités autour des corridors routiers, allant de la Mauritanie au Burkina Faso. »

Les Maliens ont de moins en moins confiance dans l’armée françaiseet les casques bleus… Ils ne comprennent pas qu’une armée surpuissante qui a mis en déroute les terroristes en janvier 2013 ne soit pas capable d’en venir à bout. Certains pensent même que l’armée française entretient le climat de ni guerre ni paix. Les thèses complotistes se développent sur les réseaux sociaux. Et de plus en plus de voix s’élèvent pour que l’Etat malien entame des pourparlers avec les groupes djihadistes. « L’Etat ne peut négocier avec des personnes qui remettent en cause l’intégrité de l’Etat et la laïcité et veulent imposer la charia, rétorque Mamadou Sinsy Coulibaly. Notre économie va pâtir de la situation sécuritaire mais sera gagnante à long terme si l’on reste ferme sur les valeurs. »

Portée par les ressources minières, la croissance est d’environ 5 % au Mali, un chiffre insuffisant compte tenu de l’accroissement démographique. La progression du PIB n’est pas, non plus, assez ressentie dans les assiettes.

Corruption. Mamadou Sinsy Coulibaly met l’accent sur la lutte contre la corruption et a dénoncé récemment les agissements du président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, qui a déposé plainte pour « outrage et menace ». Soutenu par ses compatriotes le jour de l’audience, le chef d’entreprise poursuit ce combat. Le patronat a initié une plateforme de lutte contre la corruption. « Environ 250 milliards de Francs CFA (380 millions d’euros) sont détournés chaque année, indique le professeur Clément Dembelé, responsable de cette plateforme. Il s’agit de l’argent des contribuables maliens et occidentaux via l’aide au développement. Cet argent pourrait être investi dans les dispositifs de santé, les écoles, les infrastructures, l’agriculture. » La plateforme vise à informer, sensibiliser et mobiliser. Ses responsables organisent un sit-in vendredi devant l’Office central de lutte contre la corruption afin de demander la démission de son président. Outre cet office, le Mali s’est doté d’un pôle économique et d’un vérificateur général pour combattre ce fléau. Mais l’efficacité de leur travail est sujette à caution.

Le 25 juillet, le patronat organisera sa rentrée économique. Objectif : faire avancer la réflexion sur l’environnement des affaires et la sécurité juridique des entreprises. Le secteur privé ne se retrouve pas suffisamment dans l’économie nationale. « Presque 80 % de la richesse est distribuée via des marchés publics à des hommes d’affaires privilégiés, conclut le patron des patrons. Le marché du privé est plus réduit.  Notre ambition est de faire bouger les lignes. » Le patronat fonde beaucoup d’espoirs sur le nouveau Premier ministre, Boubou Cissé. Ex-ministre de l’Economie et des Finances, cet économiste de 45 ans passé par la Banque mondiale est à l’écoute des entrepreneurs et a amélioré la collaboration avec le secteur privé.

Source: lopinion.fr

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