Jeu de ping-pong
« Que s’est-il passé dimanche près de Douentza, dans le centre du Mali ? L’armée française dit que ses avions ont éliminée des dizaines de jihadistes tandis que des villageois rapportent la mort de plusieurs civils dans la frappe d’un hélicoptère non identifié », s’interrogeait l’Agence France Presse (AFP), le 5 janvier 2021. Cette interrogation reste posée faute de réponses certaines. Car à l’instar de la France, le Mali a nié avoir été mêlé à une quelconque frappe contre des civils à Bounty. « L’environnement observé n’a montré ni scène de mariage ni enfants ou femmes. Tous les renseignements recueillis en direct justifiaient que les cibles neutralisées étaient des objectifs militaires confirmés », expliquait le ministère malien de la Défense et des anciens Combattants dans un communiqué.
Toutes les deux armées confirment bien une offensive contre des djihadistes actifs dans la zone, mais pas contre des civils. Quant à la mission de stabilisation des Nations unies au Mali (Minusma), elle instruit l’ouverture d’enquête afin de faire toute la lumière sur la situation confirmant de la sorte qu’elle n’en est pour rien.
Les armées se serrent-elles les coudes ou y aurait-il une sorte de complicité entre les djihadistes et les civils dans cette localité de Mopti ?
Le MSF précise
Certes les armées affirment n’être pas des bourreaux d’une population pour la sécurisation de laquelle elles doivent leur existence, mais ce qui reste évident, c’est que des civils ont été visés par une attaque, le dimanche 3 janvier 2021 comme nous explique le Médecin sans frontière (MSF). « Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont pris en charge huit blessés graves suite à des bombardements sur les villages de Bounty et Kikara, dans le centre du Mali, le dimanche 3 janvier 2021 », déclarait le MSF dans un communiqué dans lequel il précise que ses équipes ont « pris en charge huit blessés graves suite à des bombardements sur les villages de Bounty et Kikara ».
Le village de Bounty aurait-il subi une attaque simultanée des djihadistes et des armées nationales ? Une version, à première vue, impossible. « Seule une commission d’enquête ad hoc et indépendante peut aider à faire toute la lumière sur ce qui s’est passé à Bounty », selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH).
Cinquante soldats morts dans le sahel
La thèse de bavure militaire fait l’affaire des djihadistes, car malgré les efforts fournis par l’armée française ainsi que la perte des soldats français sur le sol sahélien, l’opinion publique reste opposée à la présence militaire française dans cette zone. Une position qui s’enracine dans un sentiment anti-français qui s’empare de cette opinion et l’empêche de regarder la vérité en face. Toute chose qui met la France dans une position peu confortable.
Le « bombardement » de Bounty intervient surtout à une période où dans les coulisses une réduction possible des effectifs de l’armée française dans le sahel est en discussion et devrait trouver son couronnement lors du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel prévu pour février 2021 à N’Djamena, au Tchad.
De 2013 au 3 janvier 2021, l’armée française a perdu 50 soldats dans le sahel, a déclaré Florence Parly, ministre des Armées françaises, au cours d’un entretien accordé au journal Le Parisien, le 3 janvier dernier. Une intervention faite à un moment où Barkhane avait subi plusieurs attaques mortelles au Mali.
Sans tomber dans une quelconque théorie du complot, ces aspects ne permettent pas encore de faire la lumière sur la situation de Bounty. Alors, « que s’est-il passé dimanche près de Douentza, dans le centre du Mali ? »
Issa Djiguiba
Source: Journal le Pays- Mali