Dans cette contribution, Maître Cheick Oumar Konaré, avocat à la Cour, énonce des propositions qui, si elles sont appliquées, pourraient ramener la paix, selon lui.
En 1887, le député français Georges Clémenceau a lâché cette phrase devenue célèbre : « La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ».
Le propos de Clémenceau nous interpelle aujourd’hui au Mali. Car il s’avère de plus en plus évident que les armes et les soldats du Mali ne suffisent plus à sauver l’indépendance et la sécurité de ce pays. Certes, l’armée est indispensable à cette mission, mais il faut, parallèlement aux mesures militaires, des mesures politico-diplomatiques radicales :
1- L’État malien doit demander de toute urgence au Conseil de sécurité de l’ONU que le mandat de la Minusma soit placé sous le chapitre 7 de la Charte de l’ONU : ainsi, la Minusma cessera d’être une simple force d’interposition entre l’État et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) pour devenir une véritable force de combat destinée, avec le concours de l’armée malienne, à rétablir l’autorité malienne sur l’ensemble du territoire national;
2- L’État, sous le couvert de cette nouvelle Minusma, doit reprendre le contrôle de ses frontières avec l’Algérie, le Niger et la Mauritanie; des frontières qui, aujourd’hui, constituent des passoires pour les terroristes et bandits de tous bords;
3- L’État doit demander à la médiation internationale une révision de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, en vue d’obliger, dans l’immédiat, tous les groupes armés, y compris la CMA, de désarmer et d’être cantonnés sous la garde de la Minusma;
4- L’État doit exiger une relecture de l’Accord de défense signé avec la France pour que la force Barkhane, chargée de lutter contre les groupes terroristes, étende son mandat à l’élimination de tout autre groupe armé présent sur le sol malien;
5- L’État doit dénoncer et rompre ses relations diplomatiques avec tout pays qui reçoit ou traite, sans autorisation malienne, avec le moindre groupe armé malien;
6- L’État doit redéployer, dans l’immédiat, tous les officiers supérieurs (commandants, lieutenant-colonel, colonels, colonels-majors et généraux) dans les régions du Centre et du Nord, de manière qu’aucun camp ne soit plus dirigé par un officier subalterne : cette décision aura le mérite de regonfler le moral des troupes et d’améliorer la conduite de la guerre sur le terrain;
7- L’État doit tuer chez les militaires le goût de l’argent en les enlevant des structures de gestion financière ou matérielle : ces structures seront, en conséquence, confiées à des personnels civils ou paramilitaires qualifiés;
8- L’État doit briser, vaille que vaille, l’embargo de fait qui le frappe en vue d’acquérir des avions de combat dotés de tout l’équipement nécessaire : seule une vraie aviation permettra à nos forces de surveiller les immensités désertiques du nord, de prévenir les attaques rebelles ou terroristes et de riposter vigoureusement en cas de besoin;
9- L’État doit engager un audit du personnel et du matériel militaires afin de s’assurer que les chiffres donnés au gouvernement sur le papier correspondent aux chiffres réels sur le terrain : il faut, en effet, savoir que tout décalage entre les chiffres théoriques et les chiffres réels empêche nos forces de se défendre et que la défaite d’un camp démoralise les autres ;
10- Enfin, après avoir bien équipé et entretenu les troupes, l’État doit instituer un rigoureux système de sanctions contre tout soldat ou officier qui abandonnerait le combat sans justification.
On me rétorquera que l’ONU et la France pourraient refuser de réviser le mandat de leurs forces au Mali. En ce cas, l’État devrait prendre son courage à deux mains en rompant solennellement toute collaboration avec ces forces étrangères et aller chercher des appuis partout où il pourrait les trouver (Chine, Corée du Nord, Turquie, Iran ou Russie).
Je conclus en soulignant que l’action susvisée des autorités maliennes serait grandement facilitée si celles-ci parvenaient à l’entourer d’un consensus politique national en intégrant au gouvernement les forces les plus significatives de l’opposition.
Source: benbere