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Mahmoud Dicko le Roi du dédit : Le peuple ne vous comprend pas

Mahmoud Dicko est dans une bulle qui fait prendre à quelqu’un ses rêvasseries pour de la réalité. Le Mali n’est pas une scène de théâtre et les préoccupations des maliens encore moins une science-fiction. Vouloir prendre en otage le pays chaque fois qu’un NON vous est opposé à vos désidératas interminables et insatiables, n’est ni un réflexe musulman ni une attitude républicaine. Que doit apporter un chef religieux quand la nation est menacée ? 

Le refrain consistant à faire croire que la victoire du Président est tributaire de votre soutien en 2013 et que cela vous donne le droit de vous prendre pour un président bis à consulter sur tout et rien, est une extrapolation du jeu politicien qui traduit une vision biaisée.

Qui ignore le soutien de Sérine Abdoul Ahad Mbacké à Abdou Diouf ou celui de Cheick Falilou Mbacké à Senghor. Aucun d’eux n’a pour autant, réclamé d’exercer le pouvoir avec le président de la République. Qu’un leader religieux prenne position pour soutenir ou combattre un homme politique ou une action politique, est une vieille pratique que vous n’avez pas inventée et qui ne se terminera pas avec vous.

Au Sénégal jamais, on n’a vu qu’un chef de la confrérie des mourides, ultra puissante, incite les populations à descendre dans la rue pour faire des vagues, demander la démission d’un homme politique et patatras ! Aussi loin que je regarde dans l’histoire, votre action ne ressemble à aucun précédent qu’à du schisme avec l’esprit religieux. Et je me permets de vous rappeler ces quelques cas qui sont loin d’être exhaustifs.

Votre référent le vénéré Mohamed Ben Abdelwahhab (fondateur du wahhâbisme dont vous vous réclamez), a conclu un pacte avec Mohamed Ibn Souad, émir local de Dariya, dont le pouvoir finit par s’étendre au fil du temps sur toute la péninsule devenue aujourd’hui Arabie Saoudite. Est-ce pour autant, ce pacte décisif a induit son coauteur à vouloir exercer le pouvoir politique dans une cité qu’il a contribué à créer ? Non, il est resté dans son rôle religieux. Encore de nos jours, ses descendants (Al ach-Cheick), demeurent une notabilité établie qui a su rester dans les limites indiquées par leur illustre ascendant.

Plus loin dans l’histoire, l’un des plus illustres Mansa du Mandé, Kankou Moussa dont l’œuvre de foi nous est parvenue à travers les mosquées à son initiative dans lesquelles nous prions encore ! Ce pieux dirigeant a été l’assidu élève d’Elhaj Salimou Cissé, ancêtre des Souaré, et fondateur de la mosquée de Manfara, l’un des premiers lieux de culte du Mandé. C’est lui qui a béni l’intronisation du fils de Kankou qui lui voue une vénération sans limite. Est-ce pour autant cette élévation spirituelle a induit une volonté chez le marabout à partager le pouvoir de son élève ? Non il avait la sagesse de savoir les limites de sa sphère.

Ahmed Baba dont l’évocation du nom nous fait bomber le torse de fierté tant il a marqué son temps par sa droiture, sa foi, son érudition légendaire et son courage même face à la mort, n’a jamais voulu mélanger les genres, comprenant que son influence sur les décisions politiques est plus importante que l’exercice du pouvoir des hommes. Et pourtant, peu de dirigeants politiques d’alors s’abstenaient de recourir à sa sagesse.

Plus près de nous, Akgibou (celui qui doit durer longtemps) dit Aguibou Sosso, grand maître d’Al-Assirak, s’est illustré par sa foi et a laissé à la postérité le souvenir d’un homme bon. Il aurait pu demander le pouvoir au Mali tant son aura fut grande mais il s’en est abstenu car comprenant que la religion ne fait pas bon ménage avec la politique dans un pays où il n’y a pas que de musulmans.

Quand on confond la religion et la politique, on fait une grave erreur. A vous écouter lors des innombrables interviews que vous accordiez depuis que vous aviez franchi le Rubicon politique, un imam est un conducteur des hommes ; je vous le concède mais sa sphère d’action est bien encadrée et disjointe très nettement de la politique politicienne. Et cela est encore plus net dans une République n’ayant pas opté pour la théocratie islamique.

Que voulez-vous, imam ? Il me semble que toute votre posture incline à penser que vous voulez le pouvoir suprême au Mali mais que vous manquez de courage pour l’avouer, n’étant pas sûr que cela puisse marcher. On appelle ça l’ubiquité… qui en la matière est de l’ambiguïté, elle-même tranchant avec les principes de l’islam qui sont clairs ; l’islam recommande la clarté dans tout. Vous ne pouvez pas continuer à jouer sur le double tableau de la religion et de la politique sans assumer un choix clairement. Alors assumez votre choix et préparez-vous en conséquence à la dure réalité de la politique.

Des religieux ont investi la sphère politique avec des fortunes diverses. Votre autre référent spirituel, Cheick Hamallah dont le vénérable fils aiguillonne votre action, n’a pas fait mystère de son choix de combattre les mécréants qui infiltraient ses contrées et corrompaient la foi de ses ouailles. S’il a payé le prix fort, même s’il est évident que c’est sur une fausse accusation (Affaire Niro-Assaba), c’est parce qu’il a combattu à visage découvert, n’ayant jamais rien voulu de privilèges venant de ses adversaires. Refusant la compromission.

Elhaj Oumar Tall, Samori Touré ou Cheick Ahmadou Bamba avaient tous été des conducteurs d’hommes mais dans des empires qui ne faisaient pas la part entre la religion et la politique car chacun d’eux avait fondé une communauté basée sur la charia. Leur combat politique trouve sens dans ce choix éclairé ; ils étaient des chefs d’État (avant les États modernes), ils n’étaient pas des imams d’une mosquée ou président d’une faitière. Si leur cas peut être très lointain, celui de l’Ayatollah Komeni est près de nous. La République telle que conduite par le Shah Mohamed Reza Pahlavi ne répondait plus aux aspirations du peuple qui a combattu comme un seul homme ce dirigeant aux mains des occidentaux, pour imposer la loi islamique. C’était une volonté du peuple d’opter pour la loi islamique dans un pays qui a connu un calife.

Au Mali, le peuple ne revendique pas la loi islamique, vous savez, vous  l’avez reconnu, le peuple est tolérant et connait l’histoire de cette Nation à l’édification de laquelle chrétiens, musulmans, animistes ont apporté leur pierre. Vouloir parler du nom du peuple sous le sceau de la religion musulmane est une prétention creuse qui ne peut prospérer face à la réalité des faits. Nul ne vous a mandaté pour cet objectif car nul n’est dupe que le Mali ne peut devenir un Etat islamique.

Les musulmans très majoritaires au sein de la population malienne ont du respect pour les chrétiens minoritaires avec lesquels ils cheminent depuis des lustres. Les musulmans du Mali ont porté dans leur cœur et cela jusque dans sa tombe, Monseigneur Luc Sangaré pour l’œuvre de réconciliation accomplie par cet homme de Dieu qui n’a pas hésité à agir quand il a fallu le faire mais sans jamais exiger une part de pouvoir quelconque.

Les musulmans maliens ont avec beaucoup de fierté, accompagné un autre Monseigneur… Jean Zerbo pour sa création cardinale, 1ère dans l’histoire du Mali pluriel. Ce jour au Vatican, c’était le drapeau d’un Mali bien pluriel qui a flotté dans les airs du Saint-Siège.

Les musulmans majoritaires et les chrétiens minoritaires sont tous consentants de la présence à leur côté de ces autres maliens qui adorent autre chose qu’Allah.

On a du mal à vous suivre tant votre démarche est anachronique et vos arguments imprécis. Si c’était pour l’islam, il n’y a pas que vous pour le revendiquer mais il aurait pu avoir des millions de maliens pour le faire. Mais ceux-ci n’en veulent pas. Car chaque malien a du respect pour son voisin, son frère ou sa sœur chrétien ou animiste ou même athée. Si c’était pour les arguments politiques et pour lesquels, vous avez créé une organisation politique, il aurait été plus courageux de vous défaire complètement du manteau religieux et de descendre dans l’arène politique une bonne fois pour toute. Vous soutenez tous les régimes, vous finissez par les combattre tous. Est-ce les régimes qui ne sont pas bons ou c’est vous-mêmes qui êtes soit expectant ou mauvais analyste ?

Vos sorties ont un timing qui intrigue, vos propos sont entortillés, vos associés sont sulfureux. Prôner du renouveau au Mali aurait pu être plus convainquant comme projet si c’était fait avec de personnes n’ayant pas les mains mouillées dans le beurre du régime qu’ils prétendent combattre !

Comble de l’ironie.

Mon cher Mahmoud Dicko, le roi du dédit, quand on fait un choix, on l’assume. Et le peuple vous comprendra mieux.

Bakary Mariko

 

Source: Arc en Ciel

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