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Mahamdou Djéri Maiga : “Oui à l’Azawad, non à la Parition du Mali”

Entretien exclusif avec le Vice président du MNLA au lendemain de la signature par la CMA de l’Accord de Paix d’Alger.

MAHAMDOU DJERI MAIGA vice president du mnla mouvement national de liberation de l azawad REBELLE TOUAREG

Vice-président du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) depuis sa création en 2012 et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mamadou Djéri Maïga a été le porte parole de ce groupe armé lors de la cérémonie de parachèvement de l’accord pour la paix et la réconciliation, qui s’est tenue à Bamako le 20 juin. Dans l’entretien qu’il nous a accordé le xx juin, il réaffirme sa foi en le président Ibrahim Boubacar Keïta, mais prévient que les « peuples du nord » tiennent toujours à la satisfaction de « la problématique de l’Azawad ». Ce Songhaï bon teint, originaire de Gao, apparaît aux yeux de nombreux observateurs comme la « caution noire » d’une rébellion à dominante touareg. Pourtant, il cultive dans ses propos une ambiguïté sur le futur du nord du Mali, qui ne manquera pas de susciter de nouvelles controverses sur le vrai dessein de la CMA.

Journal du Mali L’Hebdo : Vous avez effectué le déplacement à Bamako, et avez finalement signé. Qu’est-ce qui a changé entre le 15 mai et le 20 juin ?

Mamadou Djéri Maïga : L’accord du mois de mai comportait beaucoup d’insuffisances et ne portait pas nos aspirations. Nous avions demandé la prise en compte des amendements que nous avions formulés pour signer. Ces amendements ayant été satisfaits à 90%, nous avons accepté de venir à Bamako et de signer avec l’espoir que la problématique de l’Azawad soit gérée. Nous sommes tombés d’accord sur la mise en place d’un cadre devant se pencher sur cette problématique.

Que voulez-vous dire exactement par la problématique de l’Azawad, dont fait mention l’Accord de paix ?

M. D. Maïga : Nous voulons que l’Azawad devienne une entité territoriale mais ceci ne signifie pas une partition ou une division du Mali. De Douentza à Kidal, nous aurons la zone géographique de l’Azawad et ceci engendrera un Mali nouveau, un Mali fort avec de nouvelles idées et une nouvelle mentalité. La naissance de l’Azawad n’est pas la division du Mali car nous reconnaissons l’intégrité territoriale du Mali. Cette entité, si elle voit le jour, va motiver la jeunesse et donnera de l’ardeur à tous pour le développement du pays. Il faut un changement de comportement pour l’avènement d’un Mali nouveau.

Reconnaitre cet Azawad, c’est accepter de fait, administrativement, la partition du pays !

M.D.MaÏga : Il y aura des changements car l’accord signé à Bamako en lui-même est un grand changement. Cet accord est un bon document de base de travail et s’il est appliqué totalement il conduira à la paix. Cependant, si l’idéologie pour laquelle les populations ont pris les armes n’est pas prise en compte, l’accord ne pourra pas produire une paix totale.

Quelle est cette idéologie ?

M.D.Maiga : Cette idéologie n’est pas pour diviser le Mali. Elle consiste à faire un Mali nouveau où nous nous sentirons en sécurité chez nous. Il est clair que nul ne viendra faire notre terroir à notre place. Nous avons été isolés, muselés et humiliés, il faut le dire comme tel. Celui qui ne vit pas avec nous ne peut pas nous comprendre ou comprendre ce que nous avons vécu. Nous gardons le nom Azawad pour amener les gens à reconnaitre qu’il y a eu beaucoup de gâchis et d’erreurs. Le Mali a tenté sans succès de se fédérer avec le Sénégal, avec le Niger et le Burkina, alors pourquoi pas avec nous.

Monsieur Maïga, à vous entendre parler, nous sommes encore loin de la paix !

M.D.Maïga : Pourtant, nous cherchons la paix. Nous voulons la paix mais la signature n’est pas la paix. La paix, c’est dans les faits. Nous ne serons pas un obstacle à la paix et nous croyons aux dires du président de la République, car quand IBK s’engage, c’est qu’il y aura la paix. Nous croyons en la main tendue du président de la République et nous respecterons ce que nous avons signé. Il est le premier garant de cette paix.

Quels sont les gages ou les assurances données qui vous font croire en cette main tendue du président IBK ?

M.D.Maïga : Nous avions demandé le retour des milices qui tenaient Ménaka à leur base antérieure. Nous avions demandé le cantonnement de l’armée malienne dans l’enceinte de la garnison de la MINUSMA. Nous avions exigé le contrôle de la ville de Ménaka par les forces de la MINUSMA et que les forces de l’Azawad restent à une vingtaine de kilomètres de la ville. Nous tenions Ménaka mais nous avons accepté de laisser la ville à la MINUSMA. Ce sont des arrangements sécuritaires. Quand on veut faire la paix, on ne doit pas enfreindre les termes d’un accord. Nous avons proposé, par ailleurs, une lecture claire des articles de l’accord et en ce sens, nous avons eu satisfaction. Par exemple, parmi les forces qui seront déployées demain dans la zone, la CMA en aura la majorité c’est-à-dire que les nordistes seront majoritaires au niveau du commandement et des hommes sur le terrain. Il ne faut pas se voiler la face, quand vous n’êtes pas des nôtres, quand vous n’êtes pas du milieu, vous ne pouvez pas le sécuriser. Nous n’accepterons pas que les erreurs d’hier se reproduisent.

Justement, vous maitrisez ce milieu et le travail de sécurisation vous revient. L’armée malienne ne peut-elle pas faire ce travail après le retrait du GATIA de Ménaka ?

M.D.Maïga : Je parle de l’armée malienne. Je parle de cette armée en pleine reconstruction. Il faut conscientiser les fils de notre terroir qui seront chargés de le sécuriser. Cette armée sera composée en majorité d’Azawadiens. Les conséquences de mauvais choix stratégiques nous tomberont dessus et nous, autochtones de l’Azawad, ne l’accepterons pas. Les nouvelles recrues déployées sur le terrain ignorent qui est qui et ne parviennent pas à se retrouver s’ils se perdent sur le terrain.

Pourquoi ne parlez-vous pas tous de la même voix ? Une dissidence s’est manifestée au sein même du MNLA après la signature définitive du 20 juin.

M.D.Maiga : Même dans une famille, on ne parle pas de la même voix. Certains se nourrissent de divergences mais nous serons des faiseurs de paix. Vous devez bien comprendre ce que nous demandons. Nous voulons l’émergence de la population de l’Azawad. Je connais bien le Mali, Je suis Malien, j’ai étudié au Mali et je sais de quoi je parle. Si on ne fait pas attention, l’affaire va nous échapper. C’est à l’Azawad de sécuriser l’Azawad. Il faut que des sanctions tombent. Il faut appliquer l’accord pour booster l’émergence du terroir et les cadres de l’Azawad pourront mettre à contribution leur expertise. Nul ne doit tricher. Que ce soit la CMA, la Plateforme, l’État, chacun doit se faire l’obligation d’appliquer l’accord pour que tout le monde se sente sécurisé.

Vous donnez l’impression de vouloir faire du nord une zone de non-droits, n’est-ce pas le cas ?

M.D.Maïga : C’est vous qui le dîtes. Si le nord du Mali se gâte, c’est d’abord nous qui en subirons les conséquences. Tout le monde sait ce qui se passe sur le terrain. Nous ne ferons du nord ni un dépotoir d’ordures ni une poudrière. Regardez de 1960 à nos jours ce qui a été fait dans le nord. Rien. La terre du nord est restée intacte. Nous n’avons pas vu les milliards mobilisés pour le développement du nord. Nous n’avons vu que des plaques de grands projets dont les fonds ont échoué à Bamako dans des éléphants appelés ACI 2000. Nous avons exigé que désormais les ressources à mobiliser aillent directement dans la zone de développement qui sera créée. Nous voulons vivre comme les autres peuples avec le souci de transformer positivement la terre qui nous a vus naître.

Vous semblez meurtri par la situation du nord que vous portez dans votre chair ! Comment oublier les blessures du passé pour construire une paix durable ?

M.D.Maïga : J’ai mal, j’ai vraiment mal parce que c’est chez moi. Je suis quadragénaire et j’ai vu le nord sombrer progressivement. Ce qui se passe dans ce nord du Mali est inadmissible. L’eau se raréfie. La barrique y est vendue à 1 500 francs pour un peuple qui vit beaucoup d’élevage. Je vois des gens qui restent deux jours sans manger ou des cultivateurs qui ne parviennent même pas à avoir trois sacs de riz à la récolte après des mois de labeur. Le nord est riche et s’il est mis en valeur c’est le Mali qui gagnera beaucoup. Nous avons l’envie de voir cette zone que nous voulons fortement nommer Azawad devenir un territoire où l’on peut circuler en toute sécurité. L’insécurité qui y règne n’est pas de notre responsabilité !

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