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L’Iran est-il réellement l’eldorado économique que l’on croit ?

Quelques jours à peine après la signature d’un accord sur le nucléaire militaire, de multiples études ont fait état de l’immense marché que pouvait représenter l’Iran. Il reste pourtant de nombreux dossiers en suspens, et il n’est pas certain que l’économie redémarrera aussi vite qu’espéré…
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Certes, Laurent Fabius se déplace en Iran, mercredi 29 juillet, essentiellement pour défendre l’accord sur le nucléaire militaire signé quelques semaines plus tôt entre Téhéran et un groupe de pays occidentaux dont la France et les Etats-Unis. Mais nul doute que le ministre français des Affaires étrangères n’aura pas perdu de vue son autre portefeuille qui est le secrétariat d’Etat au commerce extérieur, compte tenu des promesses économiques qu’offre ce marché.

Il faut dire que depuis la signature de cet accord, les milieux d’affaires n’ont pas non plus dissimulé leur enthousiasme au point que certains observateurs imaginent qu’ils ont encouragé les gouvernements à la conclusion d’un accord.

Des chiffres sonnants et trébuchants

Et pour cause, le pays représente un énorme potentiel de croissance. Pour Bank of America, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le dégel des actifs à l’étranger pourrait rapatrier près de 100 milliards de dollars dans le pays, quant aux exportations elles devraient rapidement passer de 80 à 200 milliards de dollars. De son côté, l’Economist Intelligence Unit estime que la croissance pourrait passer de 2% en moyenne, à un rythme de 5,2% entre 2016 et 2019. Mais l’Iran voit encore plus loin. “Le plan quinquennal du gouvernement espère atteindre un taux de croissance annuel moyen de 8% d’ici 2021, à cet horizon, l’Iran pourrait alors devenir un pays émergent”, explique Sofia Tozy, économiste Moyen-Orient chez Coface.

“Avec une population de 80 millions de personnes en 2016, l’Iran est le plus gros marché du Moyen-Orient en termes de potentiel de consommation mais également pour son potentiel de forces productives”, estime Sofia Tozy.

Ce n’est pas un hasard si les entreprises s’étaient ruées sur l’Iran dès l’ouverture des négociations en 2013. L’arrivée d’un nouveau président modéré, mais, surtout, le quasi-blanc-seing que lui a délivré l’Ayatollah Khamenei pour sortir le pays de l’asphyxie économique, avait permis tous les espoirs.

Les plus actifs étaient alors les constructeurs automobiles. Les groupes américains n’ont pas attendu la conclusion d’un accord pour manœuvrer en coulisse, voire à diffuser dans la presse locale des publicités de voitures yankees, pourtant vouées aux gémonies dans certains milieux conservateurs. Le marché automobile iranien est réputé comme étant un marché juteux. Les constructeurs français ne l’ignorent d’ailleurs pas, eux qui possédaient 40% d’un marché de 1,6 million d’immatriculations avant les sanctions, soit leur deuxième marché après la France.

La martingale des infrastructures

Mais les besoins ne vont pas se ressentir uniquement dans l’industrie automobile. La pharmacie, les matières premières, les banques, l’agroalimentaire sont autant de secteurs qui savent l’intérêt et le potentiel de ce marché. Mais le vrai marché que lorgnent les entreprises du monde entier est ailleurs. L’Iran a d’immenses besoins en infrastructures.

“Les besoins d’investissements en infrastructures devraient être très importants car celles-ci se sont dégradées pendant la période des sanctions”, analyse Sofia Tozy. “Les aéroports et les flottes aériennes, les télécommunications sont autant de secteurs qui vont nécessiter d’importants investissements dans les années à venir”, poursuit-elle.

Mais le gouvernement ne souhaite pas seulement rénover les infrastructures, il souhaite les développer. “Sur les seules infrastructures ferroviaires, l’Iran a programmé près de 15.000 km de rails supplémentaires. Le pays mise également sur l’ouverture progressive de ses frontières et souhaite investir dans le tourisme en espérant 7,5 millions de touristes en 2025, contre 2,2 millions en 2009“, ajoute l’économiste de la Coface.

Un appareil productif obsolète

Il n’y a pas de doutes, l’Iran va rattraper le retard pris pendant les années de sanctions. Mais ce ne sera pas sans embûches. D’abord, parce que les entreprises iraniennes ont beaucoup accumulé du retard. La plupart d’entre elles “n’ont pas ou peu renouvelé leur appareil productif qui souffre désormais d’obsolescence. N’ayant pas accès au marché international, elles sont restées coupées des avancées techniques”, avance Sofia Tozy. L’économie iranienne risque donc de continuer à souffrir au moins à court terme, d’abord en raison de ce déficit de compétitivité, mais également parce que les entreprises vont attendre d’optimiser leurs capacités de production avant de reprendre les investissements et les embauches.

D’un point de vue macroéconomique, l’Iran devrait mieux s’en tirer. Avec un taux d’endettement public qui n’excède pas 11%, d’après la Coface, l’Etat a une véritable capacité d’investissement qui pourrait avoir un effet vertueux sur le reste de l’économie. Mais, pour confirmer l’essai, il y a encore de nombreux dossiers à régler. “L’Iran devra moderniser l’environnement des affaires qui reste un vrai handicap pour le pays”, insiste Sofia Tozy. Enfin, cette croissance doit être maitrisée si le pays ne veut pas créer des déséquilibres macroéconomiques majeurs comme une forte inflation, véritable mal dans ce pays. A la Coface, on rappelle ainsi qu’“au plus fort des sanctions, l’inflation a atteint un pic de 40%”. “La stabilité monétaire reste l’un des principaux enjeux des mois à venir aussi bien au niveau économique que politique”, conclue Sofia Tozy.

La géopolitique, véritable épée de Damoclès

Mais, le dossier le plus pesant reste la géopolitique à laquelle l’Iran ne s’est pas soustraite en signant cet accord. Au contraire, le pays reste impliqué ou engagé dans un certain nombre de conflits régionaux qui mettent en péril son ambition de retour dans le concert des nations. En Syrie et en Irak dans la lutte contre Daesh, au Yémen où sa rivalité avec l’Arabie Saoudite a plongé le pays dans la guerre civile, au Liban où il continue à soutenir le Hezbollah en conflit avec Israël… Tous ces dossiers sont de véritables freins pour les investisseurs.

Sur ce point, les dernières déclarations du Guide Suprême n’ont rien arrangé. L’Ayatollah Khamenei a averti le monde que sa”politique ne changera pas face au gouvernement arrogant américain”. Des déclarations mal reçues à Washington, où Barack Obama doit encore convaincre un Congrès hostile (plus encore à l’endroit de Téhéran) de ratifier l’accord sur le nucléaire. Sans cela, ni General Motors, ni Boeing ni aucune entreprise américaine ne pourra poser le pied sur le sol iranien… Au plus grand désavantage de  l’Iran…

 

Source: latribune.fr

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