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L’INCENDIE DU GARBAL : Au-delà des émotions

Ceux qui ont subi l’incendie au Garbal sont les doubles rescapés dune guerre presque oubliée, d’un conflit dont on se détourne pour faire du business as usual. Ceux qui se sont retrouvés à Bamako sont les bras valides. Ils sont bien ceux qui avaient encore de la force de partir. De fuir. De s’échapper. Pour ne pas se faire violer. Pour ne pas se faire tuer

 

Quand on parle de réfugiés, de déplacés, d’immigrés ou encore d’exode, l’intelligence collective devrait comprendre par-là que ce sont des hommes et des femmes qui ont quitté leur domicile habituel à cause dune cause extérieure contraignante. C’est une course pour échapper à l’horreur de la guerre, à « l’insupportabilité » de la faim, à l’immoralité de la pauvreté ou encore à l’inconsistance dun environnement hostile.
Cela nous amène à l’injonction d’Eric-Emmanuel Schmitt, dans la « Nuit de feu » : « Partir, ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n’a d’autre but que de se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infini des possibles, voire à l’impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l’illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but ».
Dans ce cas précis, c’est bien l’horreur de la guerre qui aura poussé hommes, femmes et enfants à partir vers d’autres cieux pour trouver peut-être du réconfort, de l’empathie, de la compassion, de la sympathie, de l’hospitalité… Bien sûr que ces « bouts de bois de Dieu » ont été accueillis à Bamako. Au milieu des animaux. A côté dun dépôt d’ordures. Au milieu du vacarme. Au marché. Bien sûr qu’ils bénéficient, par moments, de maigres subsides de politiques et d’associatifs mus plus par la volonté de se donner bonne conscience que par un quelconque élan spontané de générosité humaniste.
Tous, caméras ou appareils photos au poing, prêts à photographier le moindre geste. Que du spectacle ! C’est une véritable esthétisantion de la misère. Mais, qui pour dire non ? Tous les arguments sont préchauffés : tout ce cinéma pour que les autres vous voient et vous aident aussi. « Nous mobilisons des dons pour vous » ; « Nous sommes avec vous » ; « Votre situation nous interpelle », etc. Que du baratin à la sauce de l’opportunisme le plus abject défiant notre intelligence collective !
Le fond est pire que toute l’oeuvre d’Hannibal Lecter. Dans cette lutte de contradiction, doxymore, il est quasiment impossible de démêler le vrai du faux, le bon du mauvais, la senteur de la puanteur, le juste de l’injuste. En espérant que David puisse gagner sa lutte contre Goliath, les vrais acteurs, ceux-là qui doivent protection et sécurité à tous les Maliens, se sont allégrement dérogés à leur responsabilité pour que perdure, ad vitam aeternam, L’Insoutenable histoire des laissés-pour-compte.
Voilà que l’on se plaignait de l’insuffisance du souper, l’âne, avec un coup de sabot a tout versé. Il n’y a plus rien. Le souper est annulé. Lécuelle est même brisée en mille morceaux. Mais, ne vous inquiétez pas, ils viendront vous voir. Très émus. La main sur le cur. Les larmes de crocodile en prime. Vous ferez la « une » des principaux médias et vous ne serez que du vulgaire matériau que les réseaux sociaux tritureront pour construire des hypothèses, des théories, des analyses les plus fantaisistes. C’est connu, les médias affectionnent le sensationnel. Ils aiment le spectacle. Ils aiment la mise en scène.
Et oui, ils adorent recenser aussi : quels sont vos besoins ? Qu’est-ce qui vous manque ? Qu’est-ce que nous pouvons faire pour vous ? A combien viviez-vous sous votre hutte ? Ne vous inquiétez pas. Ils reviendront. Avec quelques kopecks. Avec quelques vieux vêtements. Et ça va passer à la télévision. N’oubliez pas de sourire. Parce que vous êtes contents. Mais, je veux emprunter la sagesse africaine suivante pour que vous compreniez un peu.
Même si vous n’avez pas un taux d’acceptation ou de refus élevé : « Si on voit un lion débordé de gentillesse à l’approche d’un troupeau de brebis, il faut s’en méfier. Car cela n’est pas l’expression de l’amour qu’il éprouverait envers le troupeau mais plutôt celle d’un appétit vorace dissimulé derrière un simulacre de compassion qui cache mal sa réputation de prédateur. Et lorsqu’un prédateur se met à jouer au vigile ou au protecteur dans la proximité de la bergerie, il revient au berger de redoubler de vigilance ».

Celui qui veut faire du bien na pas besoin de tympaniser celui qui est déjà terrorisé, éprouvé. Tout est visible. Quelle indécence d’interroger sur ses besoins celui qui a déjà tout perdu devant Dieu et les hommes ! Si vous ne connaissez pas la situation, je vous la décris gratuitement avec laide du célèbre Alain Decaux : « Imaginez ce que la misère et l’abjection humaine peuvent susciter de plus accablant. Imaginez les ruelles les plus sordides, les façades les plus lépreuses, les ruisseaux les plus fétides. Imaginez des détritus innommables. Et dans ce cadre, des hommes, des femmes, des enfants que leurs guenilles déguisent en spectre ». Imaginez tout cela et vous êtes au Garbal de Faladié après – et même avant – l’incendie. Imaginez tout cela et vous êtes au centre du Mali depuis trois longues années.

La gloire de l’imposture

« Ne dis pas tes peines à autrui ; l’épervier et le vautour s’abattent sur le blessé qui gémit ». Il est si beau de secourir une personne en détresse, en danger. C’est l’instinct de tout être humain normal qui demande cet état de fait. Mais ignorer les causes profondes qui ont conduit la personne qui s’est mise en danger est dune irresponsabilité notoire. Ceux qui ont subi l’incendie au Garbal sont les doubles rescapés dune guerre presque oubliée, dun conflit dont on se détourne pour faire du business asoeusual.

Ceux qui se sont retrouvés à Bamako sont les bras valides. Ils sont bien ceux qui avaient encore de la force de partir. De fuir. De s’échapper. Pour ne pas se faire violer. Pour ne pas se faire tuer.
Là-bas, croupissent des personnes âgées, des femmes enceintes, des enfants apeurés qui n’ont eu d’autre choix que d’attendre leur tour pour ne même pas avoir le temps de dire Adieu à cette assemblée de cirque. Du théâtre de mauvais goût. De la tragédie. De destinées fauchées.
Sinon, qui ignore qu’il ne se passe aucun jour sans qu’un village brûle au centre ? Que des greniers soient incendiés ? Que des troupeaux de bétail soient emportés comme butin de guerre ? Des vies sauvagement écourtées ? Il est juste impossible de ne pas entendre ou voir. Plus le temps passe, plus la guerre au centre devient comme celle du Vietnam où le corps expéditionnaire français à bout de force se consolait avec une folle idée dune intervention américaine. Qu’un avion aurait survolé Dien Bien Phu ; que la bombe atomique serait bien larguée sur les hommes rouges. Mais nous connaissons la fin de l’histoire. Ils ont été taillés en pièce par les hommes du général Vo Nguyen Giap malgré le chant du commandant qui disait « Ne t’en fais pas la marine, nous allons gagner la guerre ». Une plaie profonde soignée de façon superficielle n’apaisera pas l’âme du malade.

Baara

Notre Printemps

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