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Liberté d’expression : La ligne rouge

Beau et inventif est notre processus démocratique, si beau qu’il sert de sport favori aux arpenteurs de bars du monde entier, fumure aux personnages les moins recommandables pour s’adonner à gosier fendre au seul et unique art qu’ils ont pu apprendre: l’injure, les grossièretés répugnantes, l’outrage publique, l’atteinte des mœurs, toutes choses étrangères à nos valeurs, traditions, culture, coutumes et us, civilisation ; bref, nos valeurs cardinales. N’est ce pas qu’il y a une sagesse de chez nous qui enseigne qu’on peut «vaincre un adversaire sans l’insulter ni l’humilier» ?

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Il est magnifique, notre processus de démocratisation, puisqu’après l’ère du totalitarisme et de la dictature, les aventuriers, les intrigants, les escrocs et les opportunistes de tous poils se sont précipités sur le pays, envisageant tous de se forger un destin. Et, mis en échec fatal dans leurs ambitions personnelles, ils se permettent à présent à cette stratégie de la terre brûlée, recrutant des « allumeuses » et des «insulteurs attitrés armés et fortifiés» pour tenter de démolir, de déstabiliser voire d’anéantir tout ce qui servait de vitalité, de dynamisme d’énergie à notre société. Il n’y plus de civilité, plus de retenue. Cela, ni dans les comportements ni dans les propos. Comme des féroces, ou dans une jungle, on offense tout le monde. Des mêle-tout, invectivant de tous les côtés, amènent le judiciaire à prendre ses luttes dans la mêlée.

Avant la mêlée ? Elle est jolie, notre liberté d’expression démocratique. Mais pourra-t-elle résister à cette nouvelle race de tribuns phénoménaux, baroques? Pourra-t-elle contenir l’assaut fracassant de ces agitateurs et arrivistes?

Sollicité par des partis politiques et mouvements associatifs locaux pour porter leurs couleurs pendant l’élection présidentielle de 2002, un ancien fonctionnaire international malien aux Nations-Unies s’est confié à nous un jour en ces termes: «Poliment, j’ai décliné l’offre ; car, nous-a-t-il expliqué, la politique africaine me dégoute».

Certes, la politique n’a jamais senti bon. Mais, pour le cas du Mali qui nous intéresse ici, surtout en cette période d’apprentissage démocratique et d’ancrage des libertés d’expression, il y a un plus que tout citoyen, responsable et soucieux du respect de sa dignité, a raison de craindre: les injures gratuites et les propos de caniveaux devenus une arme principale, les seuls arguments pour masquer des misères intellectuelles et morales. Dans une société policée, les protagonistes ne se battent pas à coups d’injures mais d’arguments.

Au Mali, même au temps de la totale barbarie, de la dictature, du totalitarisme, les adversaires ne s’insultaient pas, ni directement ni par presse interposée. Mais, aujourd’hui où la démocratie offre l’occasion à tout un chacun d’exprimer sa pensée, où la politesse devrait être de règle, c’est tout le contraire qu’on voit sous les yeux. Une telle situation n’est pas digne d’un Etat de droit, de Liberté d’expression. Pire, elle pourrait s’avérer être son tombeau. Car, après les invectives, il n’y a de place que pour les coups et blessures (scènes de violences, descente dans les rues…). Accepterons-nous de franchir le Rubicon? La question s’adresse à tout un chacun. Acceptons-nous que les « nangaraba» sans vergogne transforment notre rêve en cauchemar ?

La politique est dégoûtante certes, mais si les nobles d’âme, les Responsables, les patriotes convaincus,…,  se refusent à la faire, si les éléments sains de la société répugnent à descendre dans le cambouis pour mettre de l’ordre dans les débats, ce sont, au grand dam de tous, les canailles qui mèneront notre belle Démocratie à l’assommoir, l’abattoir. On n’a nullement besoin d’avoir glané Karl Marx ou Vladimir Lénine pour savoir que l’instabilité ne profite qu’à ceux qui n’ont rien à perdre, les aventuriers, les opportunistes. Donc, il est temps d’assainir les débats, d’y remettre de l’ordre et de la discipline. Bref, il faut éduquer la jeunesse et les militants, règlementer le secteur, professionnaliser les médias au lieu de laisser prendre des lanternes pour des vessies. Car, autrement, ce sera au détriment de la paix sociale, de la stabilité et de la sécurité pour tous.

Cela est d’autant plus important que le Mali, du fait de la fragilité de sa démocratie émergente, de son climat socio-économique avec la crise sécuritaire et institutionnelle généralisée, se trouve à la croisée des chemins, devenant ainsi au centre de toutes les préoccupations stratégiques, économiques et socioculturel. Autant dire que les leaders d’opinions ou ceux qui prétendent en être doivent rester vigilants, équilibrés et impartiaux dans chacun des actes qu’ils sont amenés à poser sur le plan politique et social. Les autorités compétentes doivent, surtout dans l’interprétation ou la mise en application des textes, mettre de côté tout esprit de parti pris au profit de l’exacte vérité (de l’intérêt général), la seule qui puisse aider à consolider notre processus démocratique. Pour tout dire, il faut que les uns et les autres sachent où mettre les pieds.

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