Les journalistes du service public encaissent mais se battent contre ces clichés, ont de l’initiative quand il le faut pour exprimer leur liberté de choisir des sujets, d’émettre une opinion sur un sujet d’ordre public. Cela se fait dans la mesure du possible.
Cependant c’est toujours la mort dans l’âme que nous attendons la comparaison faite avec les médias service exterieur français que sont RFI et France 24.
Sous couvert d’une bonne qualité de son, d’un réseau en FM et de correspondants denses dans nos pays, d’une grille de programmes riches et disponible pour tous les publics, ces médias ont investi les cœurs africains, les têtes africaines et ils font l’opinion car ils occupent la place des médias nationaux. Ils ont accès aux sources auxquelles nos médias n’ont pas, ils ouvrent les portes que les nationaux ne peuvent pas.
Certaines émissions sont des sondages matinaux des opinions africaines sur des sujets d’actualités africains surtout d’ordre politique et leur analyse aide à l’orientation ou à la décision de la politique étrangère française.
Les Africains de réveillent avec RFI et de couchent avec France 24. Cela a été pensé, mis en œuvre avec les moyens adéquats pour des résultats recherchés.
Leur force ? Leur label qui s’est imposé certes mais ce n’est que l’arbre qui cache la forêt. Oui la forêt qui cache leur notoriété et leur influence, c’est surtout et avant tout leur promoteur : l’état français. Dans une naïveté ambiante, bien d’auditeurs africains pensent que ces médias sont libres, indépendants. Ils peuvent le croire puisque les animateurs et dirigeants de ces entités eux mêmes le rappellent sinon le martelent chaque fois qu’ils sont mis en cause.
Ces médias ont tout simplement comme patron le ministre français des Affaires étrangères et actuellement c’est bien Jean Yves Le-Drian. Ce n’est ni un magnat pétrolier encore moins des telecoms qui les contrôle. C’est l’état français. Et ces médias sont le prolongement de la diplomatie francaise et des instruments de la politique exterieure française.
C’est à la faveur de la démocratisation de nos pays, avec dans les esprits la soif de liberté de pesse et d’opinion que l’ état français à entrepris tous les pays de son pré-carré pour installer le réseau FM de RFI. Des capitales, le réseau s’est étendu dans les villes secondaires et aujourd’hui elle a des programmes dans plusieurs langues africaines. Ça été bien pensé et ça marche pour celui où celle qui les a promus. Mais l’heure de la d’échéance a sonné car dans ce domaine l’Afrique a intérêt à se réveiller pour prendre sa bataille dans la guerre de l’info. De consommateur il faut passer au statut de producteur.
Un état est un organe vivant qui aspire à grandir, s’étendre et donc vise des intérêts même loin de son territoire. Et se donne les moyens.
On ne peut interdire à la France de défendre ses intérêts mais cela ne peut pas se faire au détriment d’autres États et de leurs intérêts.
Le monde est à un tournant et supposés grands et petits vont en prendre les coups et dans le domaine de l’info.
Les communiqués du quai d’Orsay et de l’Union européenne suite aux mesures prises par le gouvernement malien contre RFI et France 24 font rire. Oui parce que ces entités européennes ont ouvert une boîte de pandore qui va leur sauter à la figure avec la décision de fermer les médias russes sur leurs territoires. Elles les accuse exactement de ce que leurs médias font dans nos pays africains. Et il faut bien un moment que cela s’arrête.
Dans une boutade je me plais à dire à certains confrères que le journalisme est en voie de disparition dans sa coque de protection qu’est la liberté de presse. Et exactement dans les pays qui nous ont montré la voie à savoir ceux de Teophraste Renaudaut et de Joseph Pulitzer. Les magnats de l’économie ont mis la main sur les titres les plus prestigieux et contrôlent l’information. Quelques journalistes tentent de survivre dans cette jungle en se mettant ensemble pour créer des titres en comptant sur l’élan du cœur de lecteurs généreux.
En Afrique il est temps d’investir dans les médias nationaux, privés et étatiques en leur donnant les moyens de parler aux populations de leurs vraies problèmes et non de les laisser à la merci de médias étrangers pistonnés sinon contrôlés par les pouvoirs étatiques ou privés.
J’en appelle à un nouvel ordre africain de l’info impulsé par les responsables africains avec un investissement massif dans les médias nationaux et dans la production de programmes africains, de contenus pour que le développement de nos pays soit en adéquation avec une prise de conscience des citoyens de leurs forces, de leur identité, de leur culture, de leurs cultes, de leur histoire et de leur géographie.
Que l’Afrique puisse sortir de la machoire de la mondialisation et qu’elle se reprenne. Pour mieux repartir comme une force du monde. A part entière.
Bamako, le 17 mars 2022
Alassane Souleymane, journaliste