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Les idéaux de mars 1991 et la question de l’unité nationale

(Conférence prononcée par Tiébilé Dramé à la Pyramide du Souvenir à l’occasion du 24 anniversaire du vendredi noir, journée des martyrs) Je voudrais remercier l’ADVR ( association pour la défense des victimes de la répression de mars 1991) qui nous donne l’occasion ce matin, en rendant hommage aux martyrs de la révolution démocratique de mars 1991, d’évoquer la longue quête de liberté, de justice et de démocratie du peuple malien.

Mars 1991, loin d’être un aboutissement, est une étape ( certes cruciale ) mais une étape de la lutte de notre peuple pour l’indépendance et la dignité.

 

Cette lutte a commencé avec la résistance contre la conquête impérialiste. Les leaders de la résistance anti-impérialiste avaient, entre autres, pour noms: El Hadj Omar, Ahmadou Sékou,  Babemba, Samory, Mamadou Lamine, Souébou, Cheiboun et j’en passe.

 

La quête de la souveraineté et de la dignité s’est poursuivie avec les luttes multiformes contre l’oppression coloniale: le travail forcé, le régime de l’indigénat et l’humiliation.

Les résistants qui ont levé le drapeau de la dignité nationale pendant cette période sombre sont, entre autres, Komi Diossé, leader de la révolte du Bélédugu (1915), Banzani, intrépide dirigeant de la révolte des Bwas  (1916) et l’Aménokal des Oulliminden, Firhoun Ag Alinsar (1916).

 

Puis, il y a eu la naissance des syndicats, les luttes des cheminots du Dakar-Niger, luttes immortalisées par Sembène Ousmane dans le roman « Les bouts de bois de Dieu », la création de l’Union des travailleurs noirs ( UTN) par le Soudanais Tiémogo Garan Kouyaté.

 

Les activités des groupes politiques clandestins, celles des partis comme l’Union soudanaise RDA ou le PSP, la lutte pour l’indépendance nationale, le 22 septembre 1960 rentrent dans le cadre de cette longue quête de la dignité et de  la liberté.

 

L’indépendance conquise, les efforts pour forger une nation malienne et édifier une  économie nationale ont continué jusqu’au coup d’État militaire du 19 novembre 1968.

 

De cette date à la révolution de mars 1991, le peuple n’a pas courbé l’échine.

Inspirées et animées par le PMT ( parti malien du travail) et ses rameaux ainsi que par l’US-RDA et ses rameaux, des luttes multiformes ( à l’intérieur comme dans la diaspora) ont marqué la résistance du peuple.

 

Les rameaux du PMT sont: SVB, Sanfin, Union de lutte Tiémogo Garan Kouyaté.

Ceux de l’US-RDA sont le RPM ( celui de 1974 qui a diffusé un tract contre le référendum qui devait adopter la constitution du 2 juin 1974), le PMRD, le FDPM, puis le FNDP.

 

Ce sont ces deux grandes familles de la résistance qui ont créé et/ou animé les nombreuses associations et syndicats parmi lesquels on peut citer: Askia Nouh, CDLDM, STMF,  UNTM/SNEC, UNEEM,  Jamana, Club Nelson Mandela, ADIDE, AEEM, CNID, ADEMA….. En outre, des militants issus de ces deux familles politiques ont été parmi les pionniers de la presse libre dont la contribution a été décisive dans l’avènement de la démocratie.

 

Né de la lutte contre le coup d’État de 1968, le mouvement démocratique atteindra son point culminant avec la fermentation et l’ébullition démocratiques qui conduiront à la révolution de mars 1991.

 

Le mouvement démocratique malien est le père de la révolution de mars.

La 3ème République qui est la fille de cette révolution est consacrée de juré par la constitution adoptée par le peuple souverain du Mali le 12 janvier 1992.

 

Reprenant les idéaux de mars et réaffirmant l’aspiration profonde du peuple malien à la liberté, la justice et la démocratie, cette constitution proclame que le Mali est une République démocratique, laïque et sociale.

 

Alors qu’elle proclame que la République du Mali est une et indivisible, elle reconnaît le principe de la libre administration des collectivités territoriales tel que voulu par la conférence nationale souveraine réunie en juillet et août 1991 après la victoire de l’insurrection.

 

En vertu de ce principe, le Mali a mis en œuvre ( suite à un intense débat participatif à travers tout le pays) une grande réforme démocratique: la décentralisation qui a créé 703 communes!

 

La décentralisation a été une réponse institutionnelle à la demande  de démocratie exprimée par les populations à la base qui ont souhaité une gestion de proximité de leurs affaires.

 

Elle a été également une réponse politique aux revendications exprimées par les groupes armés du Nord lors de la rébellion du début de la décennie 1990.

 

Le Pacte national d’avril 1992 signé entre le gouvernement de transition et les mouvements armés d’alors a ouvert au Mali une période de vingt années pendant lesquelles ont été accomplis d’immenses efforts d’intégration nationale, donc de construction de la Nation malienne plurielle.

 

Cette ère caractérisée par une politique soutenue de stabilisation du Nord, de solidarité, de réconciliation, de développement et par la mise en œuvre du principe de libre administration des collectivités a été interrompue par la rébellion déclenchée par le MNLA en janvier 2012 suivie de l’occupation des 2/3 du territoire par des groupes djihadistes.

 

Il est vrai que la dernière décennie de cette période a connu des ralentissements dans la mise en œuvre de la décentralisation et même des reculs qui ont fini par réveiller au Nord des velléités identitaires notamment en 2006 et en 2012.

 

La présence des djihadistes étrangers sur notre territoire, le business des otages occidentaux et le narco trafic ont contribué à fragiliser notre pays et à déstabiliser le Nord.

 

La question de l’unité nationale est d’une brûlante actualité. Elle se pose avec acuité au regard de la profonde crise sécuritaire et institutionnelle déclenchée en 2012 par la rébellion du MNLA qui a vu l’effondrement de l’armée et de l’État.

 

Elle se pose avec inquiétudes au regard des résultats issus du long processus d’Alger et du blocage consécutif au refus des groupes de Kidal de parapher le projet d’accord du 1er mars.

 

Sans débat et sans bilan critique de la décentralisation, le projet d’Alger crée de facto des régions autonomes dirigées par des présidents de régions élus au suffrage universel direct et cumulant les fonctions de président de l’Assemblée Régionale, de chef de l’Exécutif et de l’administration de la région.

 

Les décisions des organes délibérants de ces régions seront exécutoires dès après transmission au Représentant de l’État qui ne pourra exercer qu’une mission de contrôle a posteriori.

 

La nouvelle gouvernance instaurée au lendemain de l’élection présidentielle a fragilisé l’État déjà affaibli par la crise sécuritaire et institutionnelle.

 

Dans ces conditions, beaucoup craignent que le projet d’accord d’Alger ne renferme les germes d’une désintégration à terme du Mali.

 

S’il impossible d’ espérer revenir au statu quo ante, celui d’un État central, dominateur et prédateur depuis Bamako, il y a lieu d’entendre les angoisses et les inquiétudes suscitées par plusieurs dispositions du projet d’Alger.

 

Le Mali de mars 2015 ressemble à un pays au pied du mur, coincé entre le marteau et l’enclume.

 

Il faudra alors, au vu du blocage actuel, que le Mali reprenne le contrôle du processus de sortie de crise et relance le dialogue inter-malien pour parvenir à un accord susceptible de restaurer la stabilité et la paix dans tout le pays.

 

Par dessus tout, il est urgent que s’engagent des concertations nationales pour débattre à la fois du blocage du processus de sortie de crise et de la situation générale du pays.

 

C’est à ce prix qu’il sera possible de conjurer les menaces qui pèsent sur la Nation et d’éviter les risques de guerre civile au Nord, de nouvelle rechute et d’effondrement du pays.

 

Ces concertations seront respectueuses de la constitution et de la légitimité de l’institution présidentielle.

Elles permettront de dessiner une feuille de route pour:

– relancer le dialogue inter-malien maîtrisé par notre pays,

– préserver l’intégrité du territoire, l’unité nationale et promouvoir  la réconciliation et la cohésion,

– restaurer la stabilité et la paix dans tout le pays,

– élaborer un consensus sur la bonne gouvernance et l’état de droit au Mali.

 

Bamako, le 21 mars 2015.

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