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Les enjeux d’un conflit

L’objet de cette présente contribution est d’analyser l’impact des tensions au Yémen, tant sur le plan géostratégique que sur l’évolution des cours du pétrole.

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Selon les observateurs internationaux, après le Liban, l’Irak, la bande de Ghaza, la Tunisie, la Libye la Syrie, sans oublier l’Afrique avec les tensions au Sahel et le groupe Boko Haram qui multiple les attaques au Nigeria et dans les pays voisins, nécessitant une coopération étroite de la communauté internationale et nécessitant l’engagement des Etats menacés qui doivent avoir plus de moralité pour contrecarrer les menaces, le Yémen entre à son tour dans la tourmente régionale pas tant motivée par des raisons religieuses que par la suprématie géopolitique au niveau d’une région très sensible, carrefour du monde. N’est-ce pas la mise en opération de la théorie du chaos (bouleversement systémique par des chocs externes pour aboutir à un nouvel équilibre à terme) de la stratégie américaine au Moyen-Orient, stratégie cristallisée à travers le Grand MO que je développerai dans une prochaine contribution? L’objet de cette présente contribution est d’analyser l’impact des tensions au Yémen, tant sur le plan géostratégique que sur l’évolution des cours du pétrole qui a été clôturé le 27 mars 2015 à 56,41 dollars le baril contre 59,19 la veille.

Situation socio-économique du Yémen
Le Yémen, avec la proclamation de la République unifiée en 1990, avec la capitale Sanaa, les autres populations étant concentrées principalement à Aden, Taëz, Hodeïdah, Mukalla, occupe le sud de la péninsule Arabique étant entouré à l’ouest par la mer Rouge, au sud par le golfe d’Aden, et par la mer d’Oman, à l’est par le Sultanat d’Oman (frontière de 288 km) et au nord par le Royaume d’Arabie saoudite (frontière de 1 458 km), quelques kilomètres le séparant de Djibouti et de l’Erythrée. Il occupe une superficie de 527 970 km², inclus les ïles de Perim et l’archipel de Socotra; la population au 1er janvier 2013 était estimée à environ 25 millions d’habitants, 60% à 75% de sunnites de rite chaféite, 25% à 40% de chiites zaïdites (nord du pays). Malgré ses richesses naturelles, avec un climat aride, c’est un pays très pauvre. Outre d’être un pays où la sécurité et la stabilité restent les deux préoccupations majeures, il est caractérisé par un faible taux de scolarisation, une malnutrition chronique et une absence d’accès à l’eau potable pour près d’un tiers de la population. Selon l’ONU, le nombre de personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté serait passé de 42% de la population en 2009 à 54,5% de la population en 2012, 61% des enfants souffrant de malnutrition (au lieu de 58% en 2006) et que 45% de la population se trouve en situation d’insécurité alimentaire (au lieu de 32% en 2009).

Les événements du Yémen et les cours du pétrole
Le produit intérieur brut est estimé au 1er janvier 2013 à 36,35 milliards de dollars (agriculture et pêche, 7.9%, industrie en majorité petites: PMI/PME 40.6%, services: 51.5%%), le PIB par habitant est de 1 470 dollars, le taux de chômage officiel de 17% mais selon le FMI et la Banque mondiale de 40% et l’indice du Pnud le donne pour la même date à la 154ème position sur 187 pays. Le taux d’inflation dépasse les 12% et le taux de change flottant depuis juillet 1996, en 2013 un euro dépassait les 280 rials yéménites et la dette publique par rapport au PIB avoisine les 50%. Le secteur pétrolier (entre 100.000 et 150.000 barils/jour) représente 90% des recettes d’exportation et 65% des recettes budgétaires de l’Etat en 2012. Les revenus pétroliers se sont chiffrés à 1,673 milliard de dollars en 2014, contre 2,662 milliards de dollars US en 2013, selon la Banque centrale dans un rapport publié par l’agence officielle Saba, ayant baissé d’environ 37% en un an, les raisons principales étant la chute des capacités de production au Yémen, la baisse des prix du pétrole, ainsi que les attaques contre des oléoducs reliant les champs pétrolifères de la région de Maârib à la zone côtière de Hodeïda. Rappelons que le Yémen a obtenu, en août 2014, un prêt de trois ans du FMI, au titre d’une facilité élargie de crédit d’un montant de 560 millions de dollars et les «Amis du Yémen» se sont également engagés à apporter une importante aide financière au pays, qui devait atteindre avant les événements récents environ 8 milliards de dollars, dont la plus importante est celle de l’Arabie saoudite de 2 milliards de dollars. Les cours après être retombés le 26 mars 2015 après l’attaque contre le Yémen sont repartis à la baisse le 27 mars 2015 car les fondamentaux n’ont pas changé et le rapport sur l’état des stocks de brut aux Etats-Unis a affiché en mars 2015 une progression bien supérieure aux attentes. Comme cela s’est passé et se passe en Libye, l’offensive de l’Eiil en Irak et Syrie n’a pas affecté la capacité d’exportation du brut irakien, les exportations se faisant uniquement au sud du pays, par les ports pétroliers de Bassora et de Khor Al-Amya, sur le golfe Persique, ou par ses terminaux offshore, la seconde voie d’exportation, l’oléoduc qui relie Kirkouk au port turc de Ceyhan, étant très peu plus utilisée du fait de la multiplication des attentats et des actes de sabotage. Avec 3,4 millions de barils par jour, dont 2,5 millions à l’exportation, l’Irak est devenu le deuxième producteur mondial au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), derrière l’Arabie saoudite, les ventes de brut représentant plus de 75% de son PIB et plus de 90% des revenus de l’Etat irakien.

Le Yémen et les enjeux géostratégiques
Tout en rappelant que l’Eiil contrôle certaines zones pétrolières et gazetières en Irak et Syrie, lui permettant selon certaines estimations un revenu de plus d’un million de dollar par jour, vente au noir et en destination, notamment de la Turquie à un baril entre 30/40 dollars. Il en est de même pour les affrontements au Yémen qui ont eu un impact limité sur les cours du pétrole. Car il faut tenir compte des enjeux géostratégiques, (tension avec la Russie, cas Ukraine, négociation avec l’Iran), des facteurs économiques (déséquilibre entre l’offre et la demande du fait des mutations économiques et énergétiques mondiales), la faible croissance de l’économie mondiale, notamment des pays émergents, la forte production tant de la Russie, des USA et de la majorité des pays Opep (ne représentant que 33% de la part commercialisée mondiale) et hors Opep, malgré les déclarations officielles -augmentation de la production physique pour parer à la baisse des prix. Ainsi, le cours du WIT 48,83 en baisse de 2,5 dollars par rapport au 26/03/2015, celui du Brent 56,41 une baisse de 2,78 dollars par rapport au 26/03/2015, le cours de l’or étant coté à 1999 dollars l’once et le cours de l’euro qui a approché, étant coté à 1,088 soit une hausse de près de 4%,par rapport aux jours précédents, haussant le cours du WIT et du Brent qui avec 1,05 dollar un euro, serait coté encore plus bas. D’ailleurs, le récent conflit au Yémen bien qu’étant à court terme peu touché du fait de la faiblesse de sa population et également d’importantes réserves de change en plus, dont des fonds souverains qui leur procurent d’autres ressources, peut pousser l’Arabie saoudite (et également pour affaiblir l’Iran) et les pays du Golfe qui totalisent plus de 60% de la part commercialisée Opep, pour l’effort de guerre, à accroître la production et dans ce cas permettre un cours inférieur à 60 dollars le baril. Mais le conflit au Yémen pourrait influer davantage sur le secteur, car le Yémen contrôle l’accès au stratégique détroit de Bab-el-Mandeb. Celui-ci qui sépare le Yémen et Djibouti, est l’une des voies maritimes les plus stratégiques de la planète, carrefour entre l’Asie, l’Europe et les Etats-Unis. Situé entre la mer Rouge et le golfe d’Aden, près de 40% du trafic maritime mondial, le détroit de Bab el-Mandeb fait tout l’intérêt de Djibouti, où la France, les États-Unis et le Japon disposent de moyens militaires et où la Chine et la Russie cherchent à s’y implanter. Reliant le golfe d’Aden et la mer Rouge et conduisant au canal de Suez, il est vital pour l’approvisionnement en hydrocarbures. Près de 4 millions de barils, à destination de l’Europe, des Etats-Unis et de l’Asie transitent en effet tous les jours par ce détroit, qui relie le golfe d’Aden et la mer Rouge. Car le contrôle des espaces stratégiques, notamment maritimes a souvent été une des clés de la puissance. Dans l’Antiquité, il s’agissait du contrôle de la Méditerranée. Depuis l’époque moderne, la domination des mers conduit à la puissance. On parle ainsi de «thalassocratie» (thalassa = «mer» en grec) pour l’Empire britannique au début du xxe siècle. Aujourd’hui, les 70% de la surface du globe recouverts de mers et d’océans constituent un enjeu majeur. Ces espaces sont à la fois des lieux d’échange et des lieux où les États affirment leur puissance. L’Arabie saoudite est le principal État côtier du golfe d’Aden. A ce titre, une éventuelle prise de contrôle du détroit de Bab al-Mandeb par les miliciens chiites houthis rallongerait les temps de transit, sans toutefois interrompre les approvisionnements, les tankers pétroliers se voyant alors contraints de faire le tour de l’Afrique. L’US Government Energy Information Agency déclare ainsi que «la fermeture de Bab el-Mandeb empêcherait les pétroliers venant du golfe Persique d’atteindre le Canal de Suez et le complexe du pipeline de Sumed, les forçant à contourner la pointe sud de l’Afrique. Le détroit de Bab el-Mandeb est un goulot d’étranglement entre la Corne de l’Afrique et le Moyen-Orient et un lien stratégique entre la mer Méditerranée et l’océan Indien. L’Iran contrôle déjà le détroit d’Ormuz, par lequel transitent 40% du trafic pétrolier mondial, d’où son importance stratégique et l’Occident ne tolérait pas que via les miliciens chiites houthis, que le régime iranien, contrôle le pouvoir au Yémen dont encore le détroit de Bab el-Mandeb situé entre la mer Rouge et le golfe d’Aden.
L’Arabie saoudite craint de voir ses exportations de pétrole vers l’Asie bloquées, mais touchant également les intérêts de l’Égypte étant donné qu’il donne accès au canal de Suez, ainsi qu’Israël, qui, avec Eilat, dispose d’un port donnant sur la mer Rouge ainsi que pour l’Arabie. Dans ce cadre, l’opération militaire menée par l’Arabie saoudite au Yémen a mobilisé 150.000 militaires et 100 avions de combat avec une coalition: les Emirats arabes unis avec 30 avions de combat, Bahreïn et Koweït 15 appareils chacun et le Qatar 10. Ces monarchies arabes du golfe Persique, voisines du Yémen, ont reçu le soutien d’autres pays sunnites, alliés de l’Arabie saoudite: l’Egypte avec quatre navires de guerre pour sécuriser le golfe d’Aden, la Jordanie, le Soudan, le Maroc, le Pakistan et également le soutien logistique du Soudan, de la Turquie, des USA et de l’Union européenne. C’est dans ce cadre que l’Egypte a abrité les 28/29 mars 2015 le sommet annuel de la Ligue arabe, à Charm el-Cheikh qui a été dominé par le projet de création d’une force militaire arabe commune. Certains pays, une minorité, notamment l’Irak, le Liban et l’Algérie ont émis des réserves.

Les événements au Yémen: peu d’impact sur les cours du pétrole
L’Algérie, selon la voix officielle, ne saurait faire intervenir son armée en dehors de ses frontières, pouvant contribuer pour la formation, financièrement et logistiquement dans certaines conditions, privilégiant la solution politique. Mais contrairement à certains soi-disant experts au lendemain des événements au Yémen, dans la précipitation, ne maîtrisant pas le sujet et induisant en erreur l’opinion algérienne qui annonçaient une forte reprise des cours du pétrole, les cours de brut (le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole), comme le montrent les cours boursiers en repli 24h après les événements, ne devraient bénéficier que d’un coup de pouce temporaire, avant d’être à nouveau plombés par la situation de déséquilibre entre une offre excessive et une croissance économique mondiale en berne. Pour l’année 2015, en moyenne annuelle, le cours devrait se situer entre une fourchette large de 55/65 dollars le Brent et 45/55 dollars le WIT, donnant un chiffre d’affaires à Sonatrach d’environ 35 milliards de dollars et un profit net après déduction des charges d’environ 26 milliards de dollars. Elle devra puiser dans les réserves de change si elle veut réaliser le programme d’investissement annoncé de 100 milliards de dollars entre 2014/2020. Et se pose la question, quelle sera la rentabilité au vu des coûts et du vecteur prix international? Sur le plan géostratégique, l’Iran présent à Lausanne dans le cadre des négociations sur le nucléaire qui doivent s’achever avant mardi 31 mars 2015, a mis en garde contre une escalade militaire, tout en assurant que les événements en cours n’auraient aucune répercussion sur la question nucléaire. Car l’Iran du fait de fortes pressions de forces sociales et politiques internes, souhaite la levée de l’embargo et la reconstruction de son économie largement dévastée. Par ailleurs, si l’insurrection des Houthis chiites est soutenue indirectement par Téhéran, il faut différencier les chiites en quatre branches dont les imamites majoritaires en Iran, les Zeidites du fait que si 70% de la population yéménite est sunnite et à 30% zaïdite, une branche, du chiisme, la secte houthie ne représente que 8% de ces Zaïdites, surtout présents dans le nord du pays. Aussi, avec une nouvelle carte géostratégique qui se dessine au Moyen-Orient, également en Afrique du Nord et en Afrique noire, la Russie et la Chine étant également présentes, l’Iran pourtant acteur stratégique incontournable, est affaibli économiquement, avec une dette publique en croissance. Elle a des potentialités avec une importante élite (la ressource humaine facteur stratégique), plus de 15% des réserves mondiales de gaz traditionnel, pouvant produire plus de 4/5 millions de barils/jour de pétrole fonctionnant sur la base d’un cours de plus de 120 dollars le baril. Avec la chute des cours et l’embargo, l’Iran sera appelé à des compromis devant aboutir, comme je l’ai annoncé lors d’un débat que j’ai eu à RFI(Paris France) en octobre 2014 avec un responsable de l’AIE, ancien économiste en chef au secrétariat d’Etat à l’énergie US, qu’un accord est fort probable avant la fin du premier semestre 2015… Car, si l’Arabie saoudite peut s’accommoder des prix bas du baril, Téhéran n’a probablement pas envie de se voir entraîner dans un conflit militaire coûteux. D’autant plus que selon bon nombre d’experts militaires, le Yémen, à l’extrémité de la péninsule Arabique et chasse gardée de l’Arabie saoudite via les USA, n’est pas une priorité stratégique pour Téhéran, bien moins en tout cas que l’Irak ou la Syrie, où l’Iran est un acteur majeur des crises en cours.

 

Source: lexpressiondz.com

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