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L’économie malienne après le 20 novembre : LA CAPACITÉ DE REPARTIR DOIT ÊTRE SAUVEGARDÉE

Les turbulences sont quasi inévitables pour certains secteurs, mais les chances de rebond existent

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Ce n’est pas jouer aux prophètes de malheur que de prévoir que l’attaque terroriste perpétrée vendredi dernier contre notre pays aura un impact négatif sur notre économie. Particulièrement sur la promotion des investissements et le retour des investisseurs. En cette tragique circonstance, il semble dérisoire d’invoquer les chiffres de la croissance face au bilan des victimes humaines. Mais l’on ne peut pas esquiver l’examen des conséquences que devra subir un pays à l’économie déjà grippée par les conséquences de la crise multidimensionnelle de 2012.
De prime abord, il faut insister sur le fait que l’attaque de Radisson Blu fait renaître les inquiétudes sur notre redressement économique juste au moment où les entreprises et les investisseurs potentiels semblaient avoir repris confiance en la destination Mali. Les indices en ce sens se constataient la semaine dernière lors des Journées minières et pétrolières. La tendance prometteuse aurait dû se confirmer lors du Forum des investisseurs « Investir au Mali », organisé par le Groupe de la Banque et appuyée par le gouvernement américain à travers l’initiative « Feed the Future ». L’événement qui aurait du se tenir hier a été annulé.
Ce qui est arrivé vendredi peut-il menacer la difficile reprise des investissements ? Peut-il dissuader les partenaires potentiels de de venir visiter un pays pour lequel les investissements étrangers sont vitaux ? S’il est encore trop tôt pour donner une réponse catégorique, les économistes ne se privent pas d’examiner déjà ces questions.
Le fonctionnement des banques et des institutions financières constitue un premier indicateur de la vitalité économique. Cela s’est vérifié vendredi dernier. Le jour de l’attaque, les établissements bancaires avaient fermé, invoquant les incertitudes dont la gestion échappait à leur maitrise. Mais ils ont rouvert sans exception depuis lundi et ont repris leurs opérations coutumières. Le retour à la normale se constate aussi dans le secteur du commerce et de l’industrie où cependant les transactions se mènent avec quelques hésitations du côté des importateurs.

UN SURCOÛT NON NÉGLIGEABLE. De façon générale, les spécialistes parient sur le fait que l’économie malienne bien que convalescente résistera à ce nouveau drame. Mais ils ne cachent pas leur appréhension quant aux perturbations que connaitront dans le court terme certains secteurs. Plus précisément celui du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration. Les activités de transports et de divertissement vont, elles aussi, ressentir le contrecoup négatif des événements du Radisson. Tout comme les services sollicités pour l’organisation des grandes rencontres et qui vont sûrement connaître quelques mois difficiles. En effet, ces secteurs sont très dépendants de l’afflux de visites d’affaires, des conférences et des rencontres. L’attaque terroriste va malheureusement dissuader une bonne partie de la clientèle traditionnelle de ces prestataires de venir à Bamako dans le court terme.
Pour les lieux de spectacles et de rencontres, l’impact risque malheureusement d’être immédiat et important. Déjà ont été annulés toutes les rencontres (réunions, conférences, séminaires, ateliers), les concerts et les spectacles prévus pour cette semaine. Lorsque toutes ces activités reprendront, les organisateurs devront prévoir dans leur budget un surcoût amené par le renforcement des mesures de sécurité. Ce qui représentera une dépense supplémentaire non négligeable pour des structures qui sont déjà pour la plupart déjà fragiles économiquement. En outre, la psychose créée par l’attaque mettra en berne pour une durée indéterminée l’engouement des spectateurs.
Au niveau de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, on ne se cache pas les désagréments que comporte le scénario qui se dessine en toute probabilité. Mais le président Youssouf Bathily reste tout de même optimiste. Il fait remarquer que les partenaires qui ont fait confiance au pays depuis 2012 sont aujourd’hui plus que jamais mobilisés pour accompagner une fois de plus le Mali afin que celui-ci franchisse ce cap difficile. « Mais, reconnaît notre interlocuteur, j’avoue que personnellement, je suis très peiné. Le gouvernement a tellement travaillé ces derniers temps pour la promotion des investissements, pour le retour des investisseurs, bref pour la relance de l’économie à travers la rencontre au Medef, puis la conférence de l’OCDE et ensuite les Journées minières et même le Forum des investisseurs du Mali qui devait s’ouvrir hier ». Rien ne sert cependant à se désoler, a indiqué le patron des affaires, il faut travailler à rassurer les partenaires. Cela afin que ceux-ci considèrent toujours notre pays comme une destination fiable et une bonne opportunité d’investissement.
Du côté des économistes, l’approche privilégie moins le volontarisme. Ici, on estime que l’effet post-attentat variera selon les secteurs et en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire dans le pays. Pour Dr. Etienne Fakaba Sissoko, professeur d’économie et directeur du Centre de recherches, d’analyses politique, économique et sociale, deux scénarios se dessinent pour notre économie. « En premier lieu, indique-t-il, les effets de cet attentat terroriste seront immédiats sur le secteur des investissements directs étrangers, les projets de développement et l’activité des ONG. On constatera le ralentissement et même la suspension de certains investissements ainsi que le retrait – pour cause d’insécurité – de certains investisseurs dans des opérations en cours ».
Pour l’économiste, il faut aussi craindre les appels au rapatriement lancés par certaines puissances étrangères en direction de leurs ressortissants parmi lesquels les chefs d’entreprises, les investisseurs, les hommes d’affaires. Ces appels amèneront une réduction des mouvements économiques. Il est même possible que certains ressortissants de la sous-région très dynamiques dans le secteur des BTP, notamment les Béninois, les Togolais et les Sénégalais, réduisent leur présence chez nous. Ce qui aura un impact certains sur le secteur où ces travailleurs pèsent d’un poids important.

UNE RÉACTION COLLECTIVE EST NÉCESSAIRE. Pour Dr. Sissoko, le secteur du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration qui avait été redynamisé ces derniers temps par la présence massive des étrangers et particulièrement des hommes affaires subira à nouveau un coup dur. Celui-ci s’ajoute à la longue liste de maux qui ne cessent de tourmenter ce secteur depuis la crise multidimensionnelle de 2012. « Alors que notre pays subissait encore les répercussions économiques de la crise de 2012, déplore notre interlocuteur, l’attentat vient altérer la situation. Et, bien sûr, le flot des touristes qui avait recommencé à faire confiance à notre pays sera brutalement interrompu ».
L’économie du pays se retrouve donc désormais face à de nouveaux défis. Notamment celui de développer de nouvelles approches ou stratégies susceptibles de rassurer des investisseurs et de promouvoir la destination Mali. Ce qui ne sera pas du tout aisé, comme le souligne l’analyste économique, Oumar Bouaré. « La plupart des victimes de Radisson, fait-il remarquer, étaient venues soit pour participer à des conférences internationales, soit pour discuter d’investissements. C’est le cas par exemple de la victime chinoise qui était venue pour le compte d’une entreprise de son pays. L’autre conséquence de cet événement, c’est le ralentissement des chantiers de rénovation et de construction de notre pays lancés par le gouvernement après d’énormes efforts de mobilisation des partenaires, des amis du Mali et des investisseurs internationaux ».
Notre interlocuteur ne souhaite cependant pas céder au découragement. Il rappelle le constat suivant : après l’attentat contre le restaurant La Terrasse, certains chefs d’entreprises s’étaient inquiétés d’un risque de ralentissement. Mais juste un mois après, grâce à l’accompagnement constant des partenaires et amis du Mali, le pays a renoué avec la normalité en enregistrant le retour des investisseurs. Les performances macroéconomiques l’avaient emporté.
Comparaison n’est cependant pas raison, tempère l’analyste. Aujourd’hui, beaucoup dépendra la réactivité du gouvernement. « Tout est lié à la capacité réelle de l’Etat de rassurer les partenaires à travers des mesures de renforcement de la sécurité et de la protection civile, soutient Oumar Bouaré. Il faut compter également sur la réaction collective, sur le sursaut national pour faire barrage à la peur et à la psychose qui gagnent les esprits. Aux Etats-Unis, les attentats du 11 septembre ne se sont pas traduits par un repli de l’activité, car les Américains se sont ressoudés. Il faut espérer que la même chose se produise pour notre pays  ».
L’économie malienne doit donc se donner un autre plan de marche après l’attaque terroriste du 20 novembre dernier. Les projections de relance économique sur lesquelles l’Exécutif s’était fortement mobilisé devront être ajustées aujourd’hui pour tenir compte de la nouvelle donne. La difficulté à attirer les investisseurs est plus considérable en raison de l’impact psychologique de l’attaque sur le milieu des affaires, notamment sur les investisseurs étrangers qui ont été les principales victimes des événements du Radisson Blu.
Il est donc indispensable de lever très vite les incertitudes pesant sur le niveau de sécurité si on veut éviter un ralentissement prolongé de la croissance économique. Pour beaucoup d’acteurs, un début de solution passe par le maintien impératif de l’activité. Pour cela, il n’y a pas de recettes miracles. Il ne faut pas laisser l’appréhension entraver la volonté de reprendre la marche en avant.

D. DJIRÉ

Source : Essor

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