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Le charbon a-t-il encore un avenir en Afrique  ?

ANALYSE. Alors que le sol africain regorge de charbon, la Banque africaine de développement se mobilise pour rendre les énergies propres plus compétitives.

Par Jean-Michel Meyer

Fin de partie programmée. « Le charbon n’a plus sa place en Afrique, il appartient au passé. L’avenir est aux énergies renouvelables. En ce qui nous concerne, à la Banque africaine de développement (BAD), nous sommes en train de nous débarrasser du charbon », a déclaré le président de l’institution, Akinwumi Adesina, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre. Pourtant, sur le continent, c’est encore la troisième source d’énergie (22 %), derrière le pétrole (42 %) et le gaz (28 %). Suivent, loin derrière, l’hydroélectricité (6 %), les énergies renouvelables (1 %) et le nucléaire (1 %), selon l’atlas de la BAD.

 

Changement de paradigme à la BAD  ?

Dans la foulée, le patron de la banque a annoncé le déploiement par la banque d’un plan de 500 millions de dollars en 2020 pour favoriser la production d’énergie verte, qui devrait générer au total des investissements de 5 milliards de dollars, prévoit l’institution. Akinwumi Adesina a également évoqué des projets d’investissements d’une valeur de 20 milliards de dollars dans le solaire et les énergies propres, offrant une capacité totale de 10 000 mégawatts à destination de 250 millions d’Africains. « Il y a une raison pour laquelle Dieu a donné la lumière du soleil à l’Afrique », s’est enflammé le président de la BAD.

Une offensive stratégique de la Banque de développement qui devrait faire des étincelles sur le terrain. Selon l’ONG britannique CoalSwarm, qui répertorie les infrastructures mondiales de combustibles fossiles, plus de 100 centrales à charbon d’une capacité de production cumulée de 42,5 gigawatts sont à différentes étapes de planification ou de développement dans 11 pays africains, hors Afrique du Sud  ! Soit plus de huit fois la capacité existante. Il en va ainsi des projets de centrale au charbon de Bargny, près de Dakar, de San Pedro, en Côte d’Ivoire, ou dans l’île touristique de Lamu, au Kenya, sur un site pourtant classé au patrimoine mondial de l’humanité.

De plus en plus contestés pour des raisons environnementales et de santé publique par les populations locales, ces projets sont pour la plupart cofinancés par… la BAD et des investissements étrangers, dont près de la moitié par la Chine. Dans son réquisitoire contre le charbon, Akinwumi Adesina n’a pas évoqué le sort de ces centrales.

Encore des questions…

Mais ce n’est pas le seul paradoxe. Face à l’urgence climatique, le charbon, responsable de plus de 40 % des émissions de CO2 mondiales, à l’origine de fortes pollutions des sols, de l’eau et de l’air, ainsi que de nombreux problèmes de santé publique (asthme, bronchites, etc.) pour les populations riveraines des centrales, est condamné d’ici à 2030 par une vingtaine de pays, de la France au Costa Rica, en passant par les îles Fidji, l’Italie ou la Nouvelle-Zélande.

Mais, si le charbon est mis au ban au profit des énergies renouvelables, il a connu une nouvelle année de reprise en 2018, après celle de 2017, selon le rapport BP Statistical Review of World Energy. La production mondiale a progressé de 4,3 % l’an passé, tandis que la consommation grimpait de 1,4 %, sa plus forte hausse depuis 2013, en raison des besoins de l’Inde et de la Chine.

… dans un contexte de hausse de la production

« Toute la croissance de la consommation mondiale de charbon est allée au secteur de l’électricité. L’énergie renouvelable a crû rapidement, mais pas assez vite pour répondre à toute la croissance de la demande en électricité, et le charbon a été aspiré dans le secteur de l’énergie en tant que carburant équilibrant », analyse Spencer Dale, économiste en chef auteur du rapport BP.

Dans ce contexte, la production africaine de charbon s’est envolée entre 2006 et 2018 de 140,5 millions de tonnes d’équivalent pétrole à 156 millions de tonnes. Au pays roi du charbon, l’Afrique du Sud, il assure 86 % de la production d’électricité, contre 2 % pour le solaire et l’éolien. La compagnie nationale Eskom, qui fournit plus de 90 % de l’électricité du pays, possède et exploite plus de 13 centrales électriques au charbon. Dont 12 dans la région de Highveld, l’une des plus polluées au monde en dioxyde d’azote et en soufre. Là aussi, la pression environnementale augmente. En juin dernier, deux ONG de défense de l’environnement, GroundWork et Vukani, ont attaqué en justice le gouvernement sud-africain pour avoir « violé le droit » constitutionnel des citoyens à respirer un air sain dans la région de Highveld. Un argument de plus pour Akinwumi Adesina.

Le point Afrique

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