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L’avenir politique au Mali : LES ARRANGEMENTS ET LES POSITIONNEMENTS

La bataille de représentation au Comité de suivi a été rendue inévitable par les méandres qu’ont empruntés les pourparlers d’Alger

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Bamako et Alger, mêmes embarras ? C’est sans doute l’impression que doivent retirer les observateurs et le grand public de la manière laborieuse dont ont démarré dans la capitale malienne les discussions à l’intérieur du Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Des complications presque similaires avaient émaillé le début de la Phase II des pourparlers d’Alger lorsque les représentants de la Coordination avaient refusé de s’asseoir à la même table que ceux de la Plateforme et avaient eu la brève tentation de la chaise vide afin souligner leur mécontentement. A l’époque, les mouvements dits belligérants revendiquaient l’exclusivité de la légitimité à négocier avec le gouvernement malien et exigeaient de faire tenir à distance ceux à qui ils reprochaient d’être « proches de Bamako ».
Actuellement, la querelle s’est déportée sur la constitution de la délégation de cinq membres (qui pourrait être étendue à sept ou à dix négociateurs) à laquelle a droit chaque partie. L’enjeu est loin d’être négligeable, la présence à la table de négociations représentant aussi la garantie de bénéficier des acquis figurant dans l’Accord. Il est donc facile de comprendre pourquoi après d’âpres discussions la première réunion du Comité tenue le 21 juin dernier a brusquement tourné court et pourquoi la deuxième n’a pas permis aux participants de s’accorder définitivement sur un règlement intérieur. Pour vraiment saisir les subtilités du casse-tête que constitue la représentation des mouvements dans le Comité de suivi, il faudrait se souvenir que le chemin des pourparlers a été non seulement sinueux, mais aussi jalonné de rebondissements, de dissidences, de changements de cap suivis de retours en zone.
Ainsi la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance (CMFPR) qui représente les populations sédentaires et qui est l’un des piliers de la Plateforme a donné naissance à trois courants dont l’un avait rallié la Coordination des mouvements de l’Azawad avant de faire le choix de contrevenir à la consigne donnée par son regroupement et de venir signer l’Accord le 15 mai dernier. Pour sa part, la Coalition pour le peuple de l’Azawad (CPA) a souvent varié dans ses choix. Lors de la phase I d’Alger en juillet 2014, son leader, Ibrahim Ag Mohamed Assalah, avait été signataire de la Feuille de route au titre de membre de la Plateforme. Mais deux mois plus tard, il choisissait d’accompagner la Coordination dans la décision de cette dernière de suspendre sa participation aux pourparlers. Cependant, une bonne partie des cadres de la Coalition fit le choix de poursuivre les pourparlers au côté de la Plateforme. Cette CPA dissidente se rapprocha ensuite de la Coordination avant de faire faux bond à celle-ci et de se trouver, tout comme le CMFPR 2, parmi les signataires du 15 mai.

UNE TACTIQUE D’INCLUSION. Le contre-exemple des errances des deux organisations citées plus haut est fourni par le GATIA qui, lui, s’est épargné les mouvements de pendule. Il ne figurait pas parmi les composantes originelles de la Plateforme, celles signataires de la Feuille de route d’Alger. Mais par son rôle prépondérant sur le terrain, il figurera à partir du round III régulièrement parmi les participants officiels de ce regroupement lors des pourparlers d’Alger. Sa place dans la délégation de la Plateforme ne se discute pas.
Face au paysage changeant des participants, la Médiation aurait pu choisir de ne pas reconnaître les arrivants, de s’opposer aux allers et venues et d’imposer le respect des listes bloquées comportant uniquement les signataires de la Feuille de route. Mais elle avait préféré, au contraire, s’adapter aux mutations. Elle a procédé tacitement à divers accommodements dans le souci de ne pas frapper d’ostracisme les protagonistes dissidents ou les nouveaux venus qu’elle estimait être des interlocuteurs incontournables dans la recherche de la paix. Dans la dernière ligne droite et alors que l’espoir d’un accord se dessinait, la Médiation décida de tirer profit de sa tactique d’inclusion.
Son communiqué en date du 18 avril dernier invitait et engageait « tous les mouvements politico-militaires parties à la Déclaration d’Alger du 9 juin 2014 et à la Plateforme d’Alger du 14 juin 2014 et/ou toutes les parties signataires de la Feuille de route du 24 juillet 2014  de procéder à la signature de l’Accord à l’occasion de la cérémonie qui sera organisée le 15 mai 2015 à Bamako à cette fin ». En s’adressant de manière explicite « à tous les mouvements politico-militaires » « et/ou à toutes les parties », les médiateurs proposaient de manière explicite à certains acteurs de se soustraire des consignes collectives données par l’un ou l’autre des deux grands regroupements (Plateforme et Coordination).
L’invite avait reçu la réponse que l’on sait de la part de la CMFPR 2 et de la CPA. Mais au moment de dresser la liste définitive des parties engagées dans le suivi de la mise en œuvre de l’Accord, les regroupements ne se sont guère montrés partageurs. La CMA a manifesté sa volonté de châtier les francs-tireurs du 15 mai en refusant d’inclure dans son quota de délégués les représentants de ceux-ci. De son côté, la Plateforme ne s’est guère disposé à faire une place à la CPA dont les allers et retours l’ont agacé. Elle n’a montré non plus aucune disposition à rendre visible le Front populaire de l’Azawad du colonel Hassan El Mehdi (dit « Jimmy le rebelle ») dont elle estime la puissance militaire insignifiante.

LA RADICALITÉ DES RAIDISSEMENTS. Cette tendance à la concentration des bénéficiaires de l’Accord autour d’un noyau originel s’était déjà constatée en 1992. Juste après la signature du Pacte national par le trio majeur Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA), Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA) et Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), deux autres mouvements , le Front uni de libération de l’Azawad (FULA) et le Front national de libération de l’Azawad (FNLA) – se déclarant tous deux des dissidences du FPLA – s’étaient présentés pour être intégrés dans les Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad, et par conséquent pris en compte dans l’application de l’accord de paix. Leur revendication fut écartée sans ménagement. Et comme aucun des prétendants n’avait les moyens militaires de ses exigences, l’incident se clôtura aussi vite qu’il avait éclaté.
La Médiation internationale a certes été perturbée par la radicalité des raidissements, mais elle ne peut laisser prospérer les méthodes expéditives qui ont la faveur des mouvements. Aussi pendant presque deux semaines, elle s’est employée à trouver une formule de compromis à la fois acceptable pour les poids lourds et qui ne rejette pas à la marge les formations moins cotées. L’entreprise est visiblement malaisée et même une augmentation de la taille des délégations ne suffit pas à arrondir les angles. Les protagonistes se sont donc donné, samedi dernier, un nouveau délai de réflexion pour finaliser le règlement intérieur qui entérinera les arrangements politiques et qui permettra de commencer l’essentiel, c’est-à-dire le chronogramme de la mise en œuvre.
Espérons que la reprise des discussions fixée pour après la fin du Ramadan permettra d’enregistrer des avancées définitives. Car les échos feutrés de ces batailles de procédure sont désagréablement perçus par le Malien lambda qui ne voit dans ce qui se passe au CICB que la premières des batailles pour le partage d’un gâteau qui reste encore à confectionner.
Le retard amené par ces divergences est d’autant plus mal accepté que les affrontements de couloir apparaissent en total décalage avec l’alerte qu’a fait sonner la multiplication des actes d’agression dont le dernier en date a coûté la vie à six Casques bleus burkinabé. Le gouvernement malien a perçu l’image fortement négative que dégage le piétinement actuel des discussions et des dégâts que le surplace est susceptible de causer dans une opinion nationale déjà très sceptique quant à la sincérité de la CMA à s’engager sans arrière-pensée dans un retour à la normale.

POUR FAIRE BONNE MESURE. C’est pourquoi l’Exécutif s’accorde avec la Plateforme et la Coordination pour que puissent être conclus certains arrangements inter maliens susceptibles de faire ressentir aux populations du Septentrion un début d’amélioration de la situation sur le terrain. Selon certaines informations, en attendant que s’établisse un vrai seuil de confiance, des mesures pourraient être prises dans un bref avenir concernant l’organisation du retour des déplacés et des réfugiés, ainsi que la libérations des prisonniers des deux côtés.
Des avancées, aussi modestes soient-elles, sont d’autant plus nécessaire à enregistrer que les maladresses de communication de la CMA ont fait monter la température de quelques degrés aussi bien chez nos confrères de la presse privée que dans l’opinion en général. Dans les colonnes de notre confrère « Journal du Mali », le vice-président du MNLA, Mahamadou Djéri Maïga, s’est livré à une théorisation tarabiscotée sur la nécessité de l’existence de l’Azawad en tant qu’entité territoriale à l’intérieur du Mali et sur tous les bienfaits qui en découleraient pour les populations du Septentrion. On pourrait se limiter à relever le côté grandiloquent et quelque bancal de la démonstration n’eut été le ton provocateur et la posture suffisante (délibérément ?) adoptés et qui ont fait réagir avec vivacité l’excellent interviewer, nos autres confrères et bien des lecteurs.
Par contre, l’entretien publié chez « Jeune Afrique » de Sidi Brahim Ould Sidati ne manque ni de précision, ni de concision. Mais le secrétaire général du MAA dissident en a fait sursauter plus d’un en énumérant les « portefeuilles-clés » auxquels prétend la Coalition dans un prochain remaniement ministériel. Pour faire bonne mesure, il réclame également l’ouverture au bénéfice des siens de postes au niveau des services nationaux et régionaux ainsi des représentations diplomatiques à l’étranger. En lançant ce qui ressemble à un coup de sonde, Ould Sidati ne fait qu’appliquer le principe bien connu dans les négociations, celui qui consiste à demander l’impossible pour obtenir le maximum. Mais ce faisant, il ne se rend certainement pas compte que dans le contexte actuel, il provoque surtout une crispation supplémentaire dans l’opinion.
Relever ces deux interviewes était nécessaire, car les cadres de la CMA se plaignent régulièrement des jugements qu’ils jugent erronés et agressifs portés sur eux par les médias maliens. Mais il leur arrive d’oublier qu’ayant pratiqué une communication essentiellement extravertie, eux-mêmes maitrisent mieux l’adresse aux amis du Nord que le plaidoyer en direction de leurs compatriotes. Pourtant l’un des grands défis de la période intérimaire qui s’est ouverte consiste en une « re-connaissance » mutuelle à réussir entre nous, Maliens. Pour briser le mur des préventions, il n’y aura jamais trop d’informations à échanger, ni trop d’explications à donner. En prêtant toutefois attention au poids des mots et à la justesse de l’intonation.

G. DRABO

source : L ‘Essor

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