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L’ancien ministre Moustapha DICKO aux putschistes: ‘‘si vous aimez le Mali, n’entendez pas les sirènes’’

Puisqu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, la seule tentation qui vaille pour vous et qui vous honore et qui couvrira le restant de vos jours de gloire est de reconquérir notre pays, de le débarrasser des terroristes, de créer les conditions du retour à la bonne gouvernance et à un État vertueux. Pour le reste, l’ancien ministre, fort de son expérience, pense qu’il vaut mieux pour nos hommes forts du moment de demander aux forces du changement, le M5-RFP, de leur proposer un schéma de sortie de crise rapide. Il propose la désignation par ces deux forces du changement, en toute urgence, d’un président civil de la transition qui sera secondé par un des membres du CNSP. Ils seront la tête d’un organe législatif qui se fixera une feuille de route qui permettra de relire le code électoral, la charte des parties et toutes autres dispositions liées aux élections. Voici son opinion qui tient lieu de conseil de doyen !

 

LE JOUR DE GLOIRE EST SI ÉVANESCENT
À la Conférence nationale de 1992, la question s’invita dans le débat. Fallait-il poursuivre la transition, lui donner plus de temps pour mieux «organiser la gestion future du pays» ou fallait-il rester dans les délais initialement fixés ? C’était visible que les services avaient fait leur travail. C’était visible que des hommes et des femmes avaient été entrepris pour mettre la pression et amener la salle à aller dans le sens de la prorogation. Toute la matinée, la pression avait été maintenue très forte ! Les tenants de la prorogation, ayant une place confortable dans le déroulement de la Conférence, ayant plus intérêt à conforter cette position dans une transition prorogée que d’aller à des élections libres et transparentes qui ne leur laissaient aucune chance ; ils tentèrent de convaincre du bien-fondé de la prorogation. Tous les nerfs étaient à fleur de peau. ATT lui-même était très tendu, ça se voyait à l’œil nu. La chape d’estime, de confiance et d’amour pour le parachutiste chaleureux était inestimable. À son passage ne criait-on pas partout «ATT, an mbe sa inofe !» ? Il venait de renverser une dictature ; il venait d’arrêter un bain de sang, il venait de sauver, avec ses compagnons, le peuple malien d’une hécatombe certaine, il était populaire d’une popularité, peut-être, n’a jamais été égalée dans notre pays. Ce jour, le Palais de la Culture symbolisait le Mali. Ceux qui y siégeaient étaient «représentatifs» de l’ensemble national. Leur choix, quel qu’il soit, valait plébiscite, incontestablement !
Il y eut la pause.
Dans les couloirs, le débat se poursuivit. Intense ! Souvent vigoureux ! Autour de toutes les tables lors du repas. Les yeux brillaient de passion. Conciliabules ! Concertations ! Apartés ! Le mouvement était fébrile qui préparait le retour en salle.
À la reprise, tous les yeux étaient suspendus aux lèvres du Président du CTSP, transis d’espoir ou d’angoisse, les nerfs tendus, les oreilles ouvertes grandement, la voix d’ATT résonna dans une salle où le temps s’était figé, on pouvait entendre voler une mouche.
D’une voix pathétique, il invita les Maliens à accepter pour une fois de donner «une leçon à l’histoire», de rester sur notre parole donnée et de ne pas proroger la transition ! Au contraire, il souhaita que les conférenciers adoptent nos textes pour qu’on mette en place nos institutions afin de construire au plus vite notre démocratie. À la fin du délai que nous avons fixé, les militaires rentreront dans leurs casernes. Et si un militaire veut venir au pouvoir, qu’il enlève ses galons, qu’il entre en politique dans les conditions prévues. «C’est normal, il faut le dire» finit-il ! Beaucoup de voix s’étaient élevées pour conseiller le Président du CTSP, dans le sens du respect des engagements. Parmi elles, celle qui résonne encore à nos oreilles, l’immense voix de Guimba National. Elle te fait rire et rend évident le danger qui te guette : le grand art !

La clameur qui salua la résolution d’ATT était inouïe.
L’homme venait de sauver une deuxième fois son pays. La première ce fut des griffes de la dictature et d’une répression aveugle, la deuxième en posant les jalons de la démocratie naissante.
L’homme est entré une deuxième fois dans l’histoire de son pays et de l’Afrique.
L’histoire de l’homme du 26 mars, culminera un certain 08 juin 1992 où il accomplira le serment de l’officier d’honneur en remettant le pouvoir au premier président démocratiquement élu de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré.
Malheureusement, la suite de son histoire n’a rien d’exceptionnel. Celle que décrit magistralement Léon Tolstoy dans «Le Père Serge» (ayant résisté à l’irrésistible, l’ermite succombe devant une tentation qui n’en était pas une et pêche !).

Ne vous leurrez pas, CNSP !
Si vous aimez le Mali, n’entendez pas les sirènes. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La seule tentation qui vaille pour vous et qui vous honore et qui couvrira le restant de vos jours de gloire est de reconquérir notre pays, de le débarrasser des terroristes, de créer les conditions du retour à la bonne gouvernance et à un État vertueux.
Pour le reste, demandez aux forces du changement, le M5-RFP, de vous proposer un schéma de sortie de crise rapide.
Désignez ensemble de toute urgence un président civil de la transition qui sera secondé par un des membres du CNSP. Ils seront la tête d’un organe législatif qui se fixera une feuille de route qui permettra de relire le code électoral, la charte des parties et toutes autres dispositions liées aux élections.
Il est urgentissime (cela fait bientôt trois mois que le Mali n’en a pas !) de mettre en place un gouvernement, restreint à l’essentiel. Le Premier ministre pourrait être un civil qui bénéficie du potentiel de confiance dont jouissait Zoumana Sacko en 1991 ou le chef de la junte pour veiller à ce que les forces armées et de sécurités soient mises dans toutes les conditions. Et que plus personne ne jouera avec le destin des Maliennes et des Maliens !
Fixez-lui une feuille de route : reconquête de l’intégrité du territoire, retour de l’administration d’État sur tout le territoire ; tous les services sociaux de base ; faire revenir les réfugiés et les réinstaller dans leur lieu de vie d’origine, créer toutes les conditions du vivre ensemble d’antan.
Mettre en place une Commission d’enquêtes sur les crimes de sang (lors des tueries des derniers événements) et les crimes économiques.
Refaire le fichier électoral, le mettre à jour, préparer les listes électorales, mettre à disposition les cartes Nina et les cartes d’électeurs infalsifiables, publiant tout sur internet.
Assurer la participation des groupes armés dans la transition de façon à ce que l’Accord d’Alger et sa mise en œuvre soit au cœur de la réconciliation ; accélérer le DDR en commençant par le Premier D.
Tout cela se fera prioritairement avec le M5-RFP. Bien sûr, les autres forces politiques devraient avoir une certaine participation pour la qualité même des débats et des décisions.
Que les forces qui soutenaient le régime défunt, pour l’essentiel, attendent les joutes électorales que vous rendrez avec les forces du changement, crédibles, transparentes et libres.
Il faut reconnaître que la défaillance fondamentale de notre système politique, c’étaient la mise à l’écart des partis politiques et les élections truquées depuis bientôt deux décennies.
Ces élections frauduleuses, seules, sont la mère de la déstructuration de l’État malien, dont le corollaire est tout le reste : la corruption, la déliquescence des forces armées et de sécurité, de l’administration, de l’école, de la santé, la justice, de nos institutions et, par-dessus tout, des partis politiques et de la société civile, etc.
Gérez la transition avec le M5-RFP, mais n’acceptez surtout pas qu’on relise la Constitution avant que le peuple malien n’envoie par la voie des urnes ses représentants légitimes. Eux seuls peuvent et doivent parler au nom du peuple malien. Et on ne doit y changer que ce qui sera convenu avec le peuple lors des campagnes électorales et de façon claire et nette. On ne doit plus accepter qu’un homme ou un parti vienne changer la loi fondamentale ou toute autre loi ayant un impact direct et important sur notre vie sans en convenir d’abord avec le peuple. Et cela se passe lors des campagnes électorales. Pas quand on a tripatouillé les élections, quand on a des députés qui vous obéissent au doigt et à l’œil et qui n’ont aucune connaissance de la gravité des textes qu’ils laissent changer ! Cela vaut d’abord et avant tout pour la Constitution. Cela vaut pour le Code de la famille et de la personne, pour la peine de mort, pour le découpage administratif, etc.
La troisième urgence, et d’elle dépendra la suite, c’est l’Accord à signer avec la CEDEAO. Ceci nous permettra de sortir de l’embargo et d’avoir une présence à l’international. Ceci nous permettra de juxtaposer, comme on l’a fait si maladroitement avec «loi fondamentale», le moyen juridique de gérer la transition sans suspendre la Constitution et de rester dans la légalité. Aucune charte ne peut s’imposer à la Constitution, à plus forte raison que ses dispositions priment sur celles de la Constitution. On vous a induits en erreur et vous devriez le rectifier très vite.
Il faut que dans l’accord de la transition, les positions compatibles avec les normes internationales actuelles et qui vous permettent d’avoir l’œil sur tout ce que peut faire la transition pour résoudre les problèmes sécuritaires, reconquérir l’intégrité du territoire national, pour l’organisation correcte d’élections libres et transparentes sur l’ensemble du territoire national.
Le cas burkinabé pourrait servir de jurisprudence. N’eût été la CEDEAO, le général Diendéré aurait renversé le régime de la transition burkinabé. Il l’a réussi d’ailleurs, c’est la CEDEAO qui a remis le président Kafando et le Colonel Zida en place.
Il n’y a pas de temps à perdre. Vouloir définir les termes de référence de la transition telle que vous êtes en train de vouloir le faire tend à prouver que vous avez juste tenté une aventure et elle vous a réussi, mais que vous n’avez pas parachevé l’immense travail périlleux, qui a coûté la vie à beaucoup de jeunes maliens, du M5-RFP, comme vous l’annonciez et que vous voulez rester dans cette aventure sans savoir ce que vous voulez pour le Mali, votre pays meurtri.
Le Mali ne se gérera plus jamais comme ça. Sauf dans la terreur et dans l’instabilité ! On en a connu d’autres et on sait surtout comment elles ont été balayées !
Et la transition ne devrait pas excéder un an, un an et demi. Plus vite, le terrorisme sera chassé de nos terres, plus la nation malienne vous sera reconnaissante. Plus vite la chienlit créée par la mal-gouvernance s’arrêtera, plus vous aurez mérité de la nation, plus vous aurez rendu son honneur à votre tenue, plus vous aurez vengé nos couleurs nationales, aujourd’hui sous perfusion internationale.

Moustapha Dicko,
Ancien Ministre.

Source : INFO-MATIN

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