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L’Accord est signé et l’enfer peut commencer : De la guerre chaude à la guerre froide

On quitte une crise pour une autre forme. De la guerre chaude à la guerre froide. Une longue et dure confrontation qui risque d’être exténuante. Bref ça va être la géhenne de tous les jours.

Il s’agit de ne pas succomber à la chimère beat et suave et croire aux catalogues colorés des marchands de rêves  qui sont venus vendre la « paix et la réconciliation » à coups de bâton en acier et de carottes suspendues au bâton de notre désespoir. Du reste au fond, combien de Maliens croient  réellement et fermement au fait que la signature de cet accord sera le bâton magique qui va faire disparaître la crise comme par enchantement ? Pas beaucoup. On y croit dans le sens : on espère.  La négociation est un marché et un marchandage où l’on ramène à la maison le panier rempli à hauteur de la somme d’argent emmené au marché. Avec combien est-ce que les Maliens sont allés à Alger ? Quel a été l’apport du peuple ? Ils vont se souvenir de cette phrase prononcée par IBK indexe pointé vers le ciel « : ne me faites pas grimper sur l’arbre pour me tourner le dos ensuite ». L’eau demeurant la force du poisson, qu’ont fait les citoyens pour venir en appui de leurs dirigeants en « guerre » sur le tapis pour l’avenir du pays ? Il va falloir se poser cette question à un moment donné pour situer les responsabilités. Tout mettre sur le dos du « blanc » est puéril.

Le Mali a donc paraphé, avec d’autres, un accord le 1er mars 2015. Puis, toujours avec d’autres, signé  le même accord un 15 mai de la même année. Et ce, dans des péripéties douloureuses ; péripéties qui ont redoublé jusqu’au 20 juin dernier où les enfants de dieu ont enfin daigné signer ledit accord. And, what then – quoi après- se demanderait un anglo-saxon ? Toute la question est là (quoi donc après ?).  L’accord est signé après près de quatre ans de sang versé, de déstabilisation de l’Etat-nation et l’avenir en point d’interrogation. Il est donc signé dans l’enfer et la misère généralisée : pour déboucher sur quoi ?

Une fois l’accord signé, le Mali a été affublé d’un gendarme séance tenante

Dans les conditions normales, lorsqu’un malentendu éclate entre deux membres d’une famille, un membre extérieur de la famille qui a la confiance des deux parties et qui a une autorité sur elles intervient. Pour réduire le conflit, trouver un arrangement qui satisfait les deux parties et retourne chez lui. Après le départ de cet intermédiaire, tout rentrera dans l’ordre. Dans le cas qui nous concerne ici, tel n’est pas le cas. Dans le dossier qui nous intéresse ici, l’intermédiaire, désigné sous le vocable de « médiateur » est venu en justicier, en juge et en redresseur de tort. Pour aller vite, la violence des Touareg et des autres est justifiée par la frustration : une circonstance atténuante qui  absout tous les crimes qu’ils ont commis. Le Mali est en même temps mis sur le banc d’accusation : le nord serait « en retard » par la faute de Bamako et Bamako doit payer.

C’est sur cette base que « la communauté internationale » (dominée par un système qui recherche à dominer le monde totalement) a obligé le Mali à jurer qu’il veut une solution et une solution qui passe par la seule négociation. A noter au passage que le Mali n’avait pas le choix étant donné que les maîtres du monde avait déjà soigneusement et méthodiquement « castré l’armée malienne ». Donc, ces négociations constituaient en réalité, pour la partie malienne, un vrai tribunal où les instructeurs ont enquêté en ce qui concerne le Mali à décharge – c’est-à-dire pour prouver les tors du Mali. Cela explique pourquoi ses autorités s’empressaient à tout accepter, à tout répéter et à tout signer à temps. Tout le monde sait que si c’était la partie malienne qui avait traîné les pieds pour parapher et signer l’accord…!

En signant le 15, le Mali a signé aussi pour réparer son « crime » de lèse-majesté sur la personne de ceux qui voulaient (et qui veulent toujours ?) ériger un Etat blanc et féodal au nord. En signant le 20, la Cma a accepté et l’idée et la quantité de « dédommagements » que le Mali devrait lui verser.

Ce qui explique le fait qu’à la minute où la Cma a signé, la Médiation est morte pour que viennent au monde le Comité de suivi – prévu  par l’Accord. En fait, c’est la Médiation qui s’est muée en Comité de suivi, renforcé par les membres du Conseil de sécurité qui n’y étaient pas. Une fois un inculpé jugé et condamné au tribunal, il est conduit sur les lieux où il doit purger sa peine par des hommes en uniformes. Ce fut le cas pour le Mali le 20 juin 2015 au Cicb. Une fois le jugement signé, la médiation a passé le dossier du condamné aux gendarmes : le comité de suivi. Il sera avec le condamné nuit et jour pour le surveiller et rendre compte.

Ainsi, cet accord est un vrai verdict, une assignation et une mise en demeure. Dans cet accord, comme dans ses « frères », seul le Mali doit…Les 30 pages de l’accord sont autant peines, de justification de peines et de modalités précises d’exécution de peine. Certains sont vis-à-vis de la partie Cma et d’autres vis-à-vis de la « communauté internationale »- qui est elle aussi bénéficiaire. Sur les 30 pages, une dizaine sont des catalogues très détaillés d’actions précises que le Mali doit entreprendre pour « développer le nord ». Le reste lui dicte de transformer de fond en comble les assises de son Etat, de sa gouvernance et de son devenir. Le tout assorti de chronogramme qui permet à chaque instant aux gendarmes de savoir l’état d’avancement de la marche du condamné et de rendre compte à l’étranger.

Agir dans ces deux axes, développer le nord jusqu’à rattraper le retard et transformer la gouvernance du pays, constitue un travail colossal au bout duquel  la partie malienne ne peut parvenir – ni en quantité de travail ni en respect des délais. Or les gendarmes – dignes de zabaniata – veillent et aucun cadeau ne sera fait au condamné.

Cela va être un enfer pour les hommes, pour les nerfs et pour les énergies (les maliens du domaine étatique sont habitués à travailler au rythme de l’escargot handicapé et paresseux). Mais cet enfer sera doublé d’un autre enfer pire que lui : un enfer infernal pour les gouvernants mais aussi pour les gouvernés. En effet les 12. 000 travaux d’Hercule ont un coût financier – nous ne serions pas surpris si l’on annonçait que cela va dans les dizaines  de milliers  de milliards de F Cfa. Des sommes d’argent que le Mali n’a pas alors qu’il s’est engagé à mettre. Il compte en cela sur les instigateurs des médiateurs devenus gendarmes pour le surveiller – et le livrer le cas échéant. Du coup, le Mali se trouve obligé vis-à-vis des « populations du nord » et investi dans un lien accru et diabolique de dépendances vis-à-vis des bailleurs de fonds – qui jouent dans la même équipe que les gendarmes.

Le Mali n’aura jamais autant d’argent pour faire face à cette condamnation et il devra désormais dévier sur le nord, tout l’argent dont il disposera. Ce sera un enfer pour les populations. Et un danger pour le pays. La paix est une quête volontaire, elle n’est pas servie sur un plateau d’argent. Celui qui la veut devra retrousser les manches en permanence. Les Maliens sont-ils prêts pour cela ?

Amadou Tall

 

Source: Le Matin

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