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La mission de l’ONU au Mali , des «touristes en uniforme»

Après des mois de retard et d’atermoiements, les discussions ont enfin repris entre le gouvernement malien et les groupes armés, notamment le MNLA. Elles portent principalement sur le cantonnement des milices touaregs.

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Mais entre une mission onusienne très largement décriée, un MNLA complètement étiolé et la mauvaise volonté affichée par Bamako, les négociations risquent de durer longtemps. Francis Simonis, de l’Institut des Mondes Africains, fait le point sur l’actualité malienne…

JOL Press : Depuis quelques semaines, les discussions ont repris entre Bamako et les Touaregs, spécialement autour de la question du cantonnement des miliciens. Quels sont les enjeux globaux de ces pourparlers ?

Francis Simonis : L’enjeu principal est l’application des accords signés à Ouagadougou en juin 2013. Ils prévoyaient une ouverture des négociations, 60 jours après la tenue du scrutin présidentiel, relatives au cantonnement et, plus globalement, au règlement de la question du Nord du pays.

Pour l’instant, rien ne s’est passé, concrètement. Et on s’accuse mutuellement de violer les accords de Ouagadougou. D’un côté, le Président de la République avait annoncé qu’il ne négocierait pas avec des hommes armés, et de l’autre le MNLA considère que le gouvernement ne joue pas le jeu.

JOL Press : Comment le gouvernement peut-il refuser de discuter avec des groupes armés, alors que les discussions portent justement sur le désarmement de ces groupes ?

Francis Simonis : Elles portent en effet sur le désarmement, mais ce n’est pas le point principal. Celui-ci est le cantonnement. Comprenons la position du gouvernement : dans la réalité des faits, les seules troupes cantonnées à l’heure actuelle sont celles du gouvernement ! Elles sont cantonnées à Kidal, alors que les rebelles armés du MNLA y circulent librement.

Le cantonnement débattu part d’une idée simple, à savoir créer des camps dans lesquels seraient regroupés les rebelles des différentes factions (MNLA, HCUA…). Le contrôle de ces camps serait ensuite probablement assuré par la MINUSMA.

JOL Press : Pourquoi un tel retard dans l’ouverture de ces discussions, plus de 8 mois après les accords de Ouagadougou ?

Francis Simonis : Encore aujourd’hui, le gouvernement malien n’a pas recouvert sa pleine souveraineté, surtout sur la région de Kidal. Fin-novembre, le Premier ministre a voulu se rendre à Kidal, il en a été empêché par une manifestation fomentée et manipulée par le MNLA, qui a interdit à son avion de se poser. Suite à cet incident (lors duquel l’armée malienne a tiré sur les manifestants), le Président IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) s’en est pris violemment à la MINUSMA, jusqu’à mettre en cause son utilité et son incapacité à sécuriser un aéroport.

Un sociologue malien, Hamidou Magassa, décrit d’ailleurs la MINIUSMA comme des « touristes en uniforme ». Cette formule exprime ce que tout le monde ressent au Mali. A quoi sert la mission de l’ONU ? L’image de ses soldats est déplorable, la population les voyant plus pourchasser les filles que les rebelles !

En marge de ces critiques, le représentant des Nations Unies est allé voir le Président IBK et a fait pression pour que les négociations reprennent.

JOL Press : La MINUSMA est-elle remise en cause sur sa présence même ?

Francis Simonis : Cette mission est de toute façon bancale. Elle devait compter 12 000 hommes mais n’en comprend pas la moitié. Ses soldats ne sont pas formés, n’ont pas le matériel nécessaire et ne sont pas aptes à maintenir l’ordre au Nord du pays.

La plupart de ces soldats viennent de pays d’Afrique tropicale, où le climat n’a rien de saharien. Ils ne sont donc pas habitués aux modes d’actions dans le désert.

JOL Press : Où en est l’influence du MNLA aujourd’hui ? Pèse-t-il encore vraiment sur les débats ?

Francis Simonis : La question pourrait même être : le MNLA existe-t-il encore ? Il a dû faire face à une dissidence d’un de ses principaux cadres, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh. Il était chargé des affaires extérieures du mouvement, et négociateur lors des accords signés en juin dernier. Mis sur la touche en novembre, il a créé hier son propre mouvement, la Coalition du Peuple pour l’Azawad, et prétend que l’essentiel du MNLA l’a suivi. Il est donc très difficile de savoir ce que pèse exactement le mouvement aujourd’hui.

Néanmoins, il ne représente rien au niveau démographique, ni sur le plan militaire. Et pourtant, il prétend avoir l’autorité sur la gestion des deux tiers du Mali !

JOL Press : Le MNLA ne s’est pas présenté aux dernières discussions – informelles – de ces jours-ci, relatives au cantonnement. Pourquoi ?

Francis Simonis : Il n’est pas le seul interlocuteur du gouvernement, qui cherche aussi à suivre les négociations avec le HCUA, le MAA…

La situation du MNLA n’est pas simple. Depuis l’assassinat de journalistes dans le Nord, le MNLA a perdu le soutien de la France, qui était fondamental. Par ailleurs, il refuse que les négociations se tiennent sous l’égide de l’Algérie, et insistent toujours pour la médiation du Burkina Faso. Une intervention burkinabé inenvisageable pour le gouvernement malien.

Le MNLA s’est ainsi cherché de nouveaux appuis sur la scène internationale : le Maroc, la Russie. Cependant, il est, depuis le début, survalorisé par rapport à son poids réel. C’est l’intervention française qui l’a remis en selle, alors qu’il s’était fait tailler en pièces, sur le terrain, par les islamistes du MUJAO.

En outre, les discussions s’apprêtent à durer longtemps. Elles doivent régler les lieux de cantonnement, le nombre de forces qui seront concernées… On est très loin d’une issue concrète.

JOL Press : La stabilisation de la région d’Azawad est-elle compromise ?

Francis Simonis : Le terme d’Azawad est déjà très connoté, puisqu’il est employé par le MNLA pour désigner ce territoire du Nord-Mali. L’Azawad n’existe pas, il est une pure construction politique, et une représentation géopolitique, des régions du Nord.

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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Francis Simonis est historien, spécialisé sur l’Afrique occidentale. Il enseigne à l’Institut des Mondes Africains, basé à Aix-en-Provence.

Source: JOL Press

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