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La fin de Barkhane : l’oubli et la fureur

Ce titre emprunte à la tirade de Macbeth dans la pièce du même nom : « La vie, c’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur ». Peut-être que la fureur qui semble avoir saisi l’exécutif français doit beaucoup à l’oubli des erreurs accumulées dans la relation avec le Mali. Le dossier est très vaste et aujourd’hui les spéculations portent plutôt sur le délai de retour à l’ordre constitutionnel et à la vie des partis politiques au Mali.

Ici, nous préférons insister sur la dimension militaire des évolutions politiques au Mali et, du côté français, sur la politisation de la clôture, pourtant programmée de Barkhane. L’exigence de la fin de la transition militaire malienne, l’association des Européens à la rupture de la coopération militaire avec le Mali et la mise en exergue de la nocivité de Wagner ont par trop ignoré les efforts qu’il aurait fallu consentir pour une meilleure interaction avec les Forces Armées maliennes. Cela d’autant plus qu’en décembre 2012, (bientôt 10 ans) lorsque le capitaine Sanogo chasse le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, ses prétentions sont de retrouver un niveau adéquat du budget d’équipement des troupes nationales dont il souhaite qu’elles se battent seules. La raison de son coup d’État initial était la corruption de l’État-major de l’époque et les protestations des veuves des soldats tués au front. Le renvoi de Diarra est le chant du cygne de Sanogo qui a détruit et fait exécuter une partie des bérets rouges des Forces spéciales et du 33ème régiment de commandos parachutistes. Au sein même des forces armées maliennes il existe depuis sa formation des conflits selon les affiliations et les position par rapport au pouvoir civil. Ces aspects seront sous-estimés par la partie internationale. Cela va influer sur le contexte de l’intervention de l’opération Barkhane puis de la task force européenne Takuba qui va privilégier l’aspect anti-terroriste sans concevoir le besoin d’un remaniement en profondeur de l’organisation de l’armée malienne, et sans doute des autres membres du G5 Sahel, à commencer par l’emblématique troupe tchadienne. Ensuite, la désagrégation de la collaboration entre la France et le Mali sur les objectifs de la guerre conjuguée à l’Exit Option de Barkhane sécrèteront la fabrication de la junte comme mauvais objet. Le passé de dissidence du Mali par rapport à l’ordre ouest-africain postcolonial sous-tend la vision négative de ses partenaires régionaux et internationaux. L’arrivée de la société militaire privée russe Wagner accentue bien sûr une perception critique de la trajectoire malienne. Faute d’une capacité opérationnelle française, alors que le nœud de la crise est militaire, c’est l’asphyxie financière du Mali qui est sélectionnée comme punition avec l’activisme d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), président de la Cote d’Ivoire et ancien gouverneur tout puissant de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L’ex-président ivoirien Gbagbo avait vu son aviation détruite au sol et les portes de son palais avaient été fracassées par un char français. Le Mali est sous pression mais le chef de l’État malien, le colonel Goïta, quoiqu’on dise, à la différence du capitaine Sanogo, a conquis une légitimité populaire que les partis qui le contestent auront du mal à dénier.

La coopération militaire parasitée

Le gouvernement du président Macron quand il poursuit le soutien politique et militaire au Mali s’appuie sur l’opération de la brigade Serval. Alors que le verrou de Konna tombe en janvier 2013 sous les coups de boutoir de la coalition de groupes djihadistes venue du nord, le Président malien de la transition Dioncounda Traoré demande en urgence l’aide de la France. Ce sera l’opération Serval, en préparation depuis des mois. Mais s’en tenir à la descente vers Bamako, c’est faire l’impasse sur les éléments qui ont enclenché le processus complexe de projection de la brigade Serval depuis plusieurs mois, à savoir la prise des trois capitales régionales, Kidal, Gao et Tombouctou. Une alliance de groupes armés islamiques préside à cette conquête des 2/3 du pays qui lui ouvre la route de Bamako qui passe par Mopti où se trouve le Quartier général de la sixième région militaire. En 2012 la base du MNLA est coincée non loin du Niger, à Ménaka. Serval donne sans doute l’illusion que le plus gros est fait et que des forces mobiles vont nettoyer des poches de résistance islamique. Il n’en est rien, les groupes insurgés, y compris le MNLA s’enkystent dans les capitales régionales, dont Kidal. Mais les stratèges français considèrent que le théâtre d’opérations est pansahélien et excède le site malien d’affrontement. Les formes habituelles d’un renforcement des capacités de combat de l’allié malien ne sont pas à l’ordre du jour. Cette faible mobilisation de toutes les ressources martiales maliennes correspond d’une certaine façon à une dénégation de la guerre par Ibrahim Boubacar Keita (IBK) le président malien, élu de force. Il n’est sans doute pas désireux de voir des généraux en pointe lui tenir la dragée haute. D’autant plus qu’il semble lui-même tenu à distance par Paris qui n’ignore pas la persistance du détournement du budget de la défense par son fils. D’ailleurs, Soumeylou Boubèye Maïga (SBM), Premier ministre du Mali depuis le 30 décembre 2017, déclare que le Mali n’est pas un pays en guerre et la ministre française des armées va lui rendre visite lors de son déplacement à Paris.

Jeune Afrique interviewe Florence Parly après son entretien le 1er novembre 2018.

« Q – Vous citez plus souvent Soumeylou Boubeye Maïga qu’IBK…

R – Le Premier ministre est là pour réaliser ce que le président décide. Le chef de l’État a un Premier ministre décidé à agir. C’est ce dont le Mali a besoin.

Q – L’armée française continue-t-elle à collaborer avec le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et le Mouvement pour le salut de l’Azawad ? N’est-ce pas problématique alors que ces groupes sont accusés de se livrer à des exactions intercommunautaires ?

R – À chaque fois qu’elle le juge utile, l’armée française collabore avec des groupes qui remplissent plusieurs critères : la loyauté vis-à-vis de l’État malien, l’engagement sincère et sans ambiguïté dans la lutte contre le terrorisme et le respect des règles du droit international humanitaire. À ma connaissance, ceux avec lesquels Barkhane est intervenue ne sont pas impliqués dans des exactions. »

La ministre française privilégie la lutte contre le terrorisme sans le définir et en refoulant l’occupation par des forces ennemies qui se prolonge au Mali. L’État du Mali et son armée ne peuvent se satisfaire à terme du rétrécissement de leur territoire comme de leur souveraineté. Le peu d’envergure de la vision de la ministre Florence Parly est peut-être à la mesure de l’intervention militaire française d’alors, encore discrète. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) est mise en avant et, avant même que leur redressement ne soit avéré, les FAMa sont sollicitées. Le Mali s’est lancé certes dans un lourd effort de guerre avec l’achat de matériel dans la foulée de l’opération Serval et de la remontée des Forces Armées Maliennes (FAMa) vers le Nord. En mai 2013, l’armée gouvernementale a pris le contrôle d’ Anéfis. Elle n’est plus qu’à une centaine de kilomètres de l’objectif symbolique primordial de Kidal. Elle poursuit son offensive sans aucun soutien extérieur. Mais le

21 mai 2014, elle est défaite dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas par les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). S’ensuit la démission du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) qui reviendra par la grande porte, en raison de l’insistance de ses amis parisiens. Il prendra le contre-pied de son prédécesseur, l’ex Premier ministre Moussa Mara, en se satisfaisant d’un statu quo qui va dégénérer du fait de la passivité du pouvoir central en conflits locaux. Pourtant, « le Mali consentira “des sacrifices” pour que son armée, sous-équipée et mise à rude épreuve en 2012 par des groupes islamistes dans le Nord, puisse assurer ses missions », avait déclaré à l’ORTM, la télévision nationale malienne son président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le 22 septembre 2013. Tout en jurant que « rien ne sera de trop » pour cet objectif.

Cette course aux armements d’un pays pauvre, où l’absence d’emplois génère la guerre, va continuer de 2016 à 2021. La première phase de ce projet de renouvellement de l’équipement a concerné l’achat de véhiculés blindés et semi-blindés Renault Trucks Défense et d’hélicoptères Super Puma. Pour remplacer les avions MIG russes, l’armée de l’air malienne a également passé commande auprès du constructeur brésilien Embraer. Ces achats en particulier d’équipements auprès de Renault Trucks Défense vont être dénoncés par l’assemblée nationale et le Vérificateur Général du Mali (VEGAL) et mettre en cause Soumeylou Boubèye Maïga. Celui-ci, ex-médiateur de la mission de l’ONU en Centrafrique (MINUSCA), connecté aux officiers de la force française Sangaris, fut aussi conseiller de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), et chef de la Direction générale de la sécurité de l’État – police politique construite sur le modèle du KGB. Il a toute la confiance de l’establishment diplomatique et sécuritaire français qui a trouvé là un « Soul Brother ». Ces rappels peuvent paraitre accabler un seul homme mais ils indiquent que la personnalisation des enjeux de la guerre, en dehors des officiers combattants maliens, a occulté les problèmes de fond d’une armée en permanence dépouillée de ses moyens et de sa dignité. Les partenaires gouvernementaux de la France, à commence par SBM, perdent encore plus vite que les officiers leur crédibilité et les signes de la décomposition du régime d’IBK se multiplient sans beaucoup de réactions à Paris comme à Bruxelles.

La démission morale et la transition militaire

Pourtant dès le 3 octobre 2014, SBM est placé en garde à vue dans les locaux de la Direction centrale de la police judiciaire, à Nanterre (Hauts-de-Seine). L’ex-ministre malien de la Défense y est entendu dans le cadre d’un contrat portant sur des uniformes militaires. Mais aussi sur l’affaire « Michel Tomi », du nom de ce chef d’entreprise corse dont l’activité principale au Mali porte sur les jeux de hasard et le recrutement d’espoirs du football. Le 21 janvier dernier, le fils d’IBK, Boubacar, chargé de prononcer le discours d’adieu à son père disparu, lors de l’hommage officiel, en l’absence de son frère Karim réfugié à Abidjan après maints scandales, a d’ailleurs évoqué Michel Tomi en ces termes : « ton frère, dont l’amitié ne t’a jamais fait défaut. » Ces fraternités douteuses, l’entre-soi d’élites corrompues et l’aveuglement des diplomates et des services de renseignement français ont accompli la défaite morale du régime plus que les groupes armés djihadistes qui pourtant sèment le désordre et la peur dans l’ensemble du pays. Ainsi l’intervention des militaires, une nouvelle fois, est une réponse à la démission internationale devant un pouvoir mal élu de nouveau en 2018 et empêtré dans le siphonage des maigres ressources de l’État. Le peu de résultats de la MINUSMA confirme le besoin, pour les militaires maliens, mais aussi la population, d’un sursaut national. Comme à l’époque du capitaine Sanogo, la première version de la prise du pouvoir se veut conciliante. Arrivé au pouvoir à l’issue d’un putsch le 24 mai 2021, le colonel Goïta reste encadré par son oncle qui rendait compte également à Paris des décisions de la junte. Ainsi dans un premier temps il n’a fait que sauver le système en place. IBK est accompagné respectueusement dans sa résidence personnelle et son fils part opportunément et sans beaucoup d’obstacles à Abidjan. Les dégâts du système IBK qui avait mobilisé contre lui la foule des jeunes urbains sans emploi et sans espoir de Bamako ont été évacués et la réprobation de la CEDEAO et de la communauté internationale, où Paris mène la danse, se concentre sur les putschistes. Pourtant durant le gouvernement civil les groupes armés du Nord n’ont fait que progresser en dépit des actions ciblées de Barkhane qui ne modifient en rien le rapport de forces sur le terrain et n’empêchent pas le désaveu d’IBK et de sa clique. La responsabilité de Paris et de l’Union européenne dans la dérive du pouvoir civil de Bamako est indéniable. IBK est mort et SBM reste le principal accusé d’un scandale d’État qui débouche sur la prise du pouvoir par un groupe de colonels qui, à contrario de ce qui a été abondamment écrit pour discréditer les FAMa, ont le mérite d’avoir l’expérience du feu, contrairement à leurs aînés, et de s’être battus sur le front. Le colonel Goïta est une figure éponyme de cette nouvelle frange de l’armée malienne qui prend plus en main son destin militaire que les rênes du pays. Mieux formés que le capitaine Sanogo ils ont conscience de l’impasse ménagée par 10 années d’une collaboration ratée avec Paris, l’UE et la MINUSMA. Le spectre des adversaires du Mali s’est renouvelé également, plus particulièrement depuis 2016. D’une part, les groupes liés à Al-Qaïda se sont fractionnés réalignés sur des conflits internes au Mali et d’autre par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) s’est implanté pour combattre Barkhane. Il a accepté l’allégeance d’ Abu Walid al-Sahraoui, ancien chef de Murabitoun, rallié à Aboubacar al-Baghdâdi, patron du Grand Sahara pour lSIS et qui justifie son titre par la multiplication des attaques au Burkina Faso, au Mali, et au Niger. Devant la prolifération des forces négatives et les effets terribles de leur compétition, une partie des officiers maliens sur le terrain cherchent plusieurs solutions dont la négociation avec certains de leurs ennemis. Cela va expliquer leur double démarche de concertation et de durcissement des positions.

Fermeté, dialogues, et jeu romain

Fils d’un officier malien, le nouveau chef de l’État, Assimi Goïta, âgé de 37 ans a un temps été basé à Anéfis, dans la région de Kidal. Il en connaît bien les enjeux militaires, symboliques et politiques, en particulier face à l’Algérie. En 2012, il a combattu les rebelles du MNLA et leurs alliés d’Ansar Dine, dont le chef charismatique, Iyad Ag Ghali, est devenu depuis celui du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans, organisation faîtière des groupes armés terroristes maliens affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique.

Ancien chef des forces spéciales maliennes, Goïta a une attitude de fermeté face à la Coordination des Mouvements de l’Azawad même si on l’accuse de rigidité. Ainsi, les hommes de la junte ont, dès le 4 septembre 2021, fait faux bond aux leaders touareg de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) avec lesquels ils avaient un rendez-vous, mais à Kidal. Officiellement, l’avion n’avait pas pu décoller pour cause de météo défavorable. L’excuse n’a pas convaincu le porte-parole de la CMA, Almou Ag Mohamed : « En plus, notre chef, Bilal Ag Acherif, était venu exprès depuis la Mauritanie ! Tant pis, ils sont les maîtres de Bamako, nous sommes ceux… de là où nous sommes. » Tout est dit. Chacun chez soi. Le Mali d’aujourd’hui n’est pas si différent de celui de 2012.

Après une volonté affichée, aux premiers jours de la transition, de relancer le dialogue en panne autour des accords d’Alger, les relations ont nettement fraîchi entre les autorités de la transition et les groupes armés du Septentrion, désormais unis au sein d’un Cadre Stratégique Permanent (CSP) où rebelles et loyalistes parlent d’une seule voix. Encouragé par l’Italie, qui s’est mobilisée pour éviter un nouvel effondrement du nord du Mali de nature à ouvrir une brèche aux migrants ouest-africains voulant traverser la Méditerranée, le CSP s’est déployé depuis octobre 2021 dans toute sa sphère d’influence à l’occasion d’une grande caravane destinée à montrer ses muscles et à passer un message d’unité aux populations. De nouvelles recrues sont en cours de formation. A croire que le CSP se prépare pour une nouvelle guerre. La toute récente réunion de Rome, le 30 janvier dernier, qui a permis de remettre autour d’une table, rebelles et autorités maliennes doit tout à la volonté italienne et à ses bons offices. Et si l’Algérie continue de peser en faveur de l’application des Accords d’Alger de 2015, malgré son influence certaine sur la junte, il n’est plus grand monde à Bamako qui croit encore en leur avenir. Au contraire, le Premier ministre Choguel Maïga, originaire de Gao, est réputé être l’un des pires détracteurs des rébellions touareg. Cependant, conscient de la répartition des rôles, il laisse la posture martiale à la junte face aux Touaregs et lui-même a commencé des négociations avec cet adversaire qu’il connait depuis l’époque de Moussa Traoré.

Rivalités des groupes armés et ardeur de l’armée

Pendant ce temps-là, le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) continuent de se disputer le Gourma. Depuis le début de l’année, les affrontements ont semblé donner l’avantage au GSIM près de Tessit, au point qu’on a cru DAECH, comme on l’appelle au Mali, anéanti. Mais les combats dépendent de mobilisations souvent conjoncturelles. Pour marquer des points le GSIM aurait mobilisé des combattants du centre du Mali et du Burkina Faso. Des centaines d’habitants soupçonnés de sympathie pour son ennemi ont été chassés et des collaborateurs présumés exécutés. Tessit est le dernier bastion de l’EIGS dans le Gourma. Le départ annoncé le 17 février de l’opération Barkhane et de la task-force européenne Takuba de la zone des trois frontières, autour du trépied Gao-Ménaka-Gossi, devrait redistribuer les cartes de la rivalité entre les deux groupes, qui étaient pourchassés de part et d’autre par des frappes européennes et françaises : les combattants, majoritairement nigériens, de l’EIGS, par le Groupement tactique désert 3, et les Maliens du GSIM dans le Liptako et le Gourma malien, par les GTD 1 et 2. Il est clair aussi qu’en cas de reconquête totale de la zone par les djihadistes maliens, le Niger se trouverait extrêmement exposé, en raison de la proximité de la capitale Niamey.

Dans le Centre du Mali, la montée en puissance des FAMa a commencé en novembre 2021 avec l’appui des soldats russes dont on estime le nombre à près d’un millier. La direction de la communication de l’armée malienne fait régulièrement état d’affrontements, de villages repris, de populations revenues : des dizaines de milliers de déplacés selon des sources proches du gouvernement. « La dynamique offensive de recherche et de destruction des sanctuaires terroristes se poursuit dans le cadre du plan Maliko et de l’opération Kélétigui. Les Groupes armés terroristes sont de plus en plus en débandade » écrit la direction de la communication des FAMa le 8 février. En marge de cette « montée en puissance », selon le terme consacré à Bamako, il est fait état d’un village peul incendié et de plusieurs soldats russes tués et pris en otages par les djihadistes.

L’armée malienne à la recherche de sa gouvernance ?

L’armée malienne en tant qu’institution et comme force belligérante est au cœur des préoccupations de la junte au pouvoir. Rien d’étonnant puisque les cinq jeunes colonels qui la dirigent en sont issus et connaissent mieux que quiconque les difficultés et humiliations qu’elle a connues depuis 2012 avec les comportements de prédation systématique exercés à son détriment par les dirigeants politiques et militaires. A l’occasion de la fête de l’armée, qui célèbre, depuis le 20 janvier 1961, le départ de l’armée française du pays, les autorités de la transition ont multiplié les gestes pour relever le moral des troupes. Des familles de soldats tombés sur le front ont été honorées publiquement. Des chèques individuels et collectifs distribués. Et un grand programme de logements pour les militaires annoncé. Les efforts de formation et de mentoring déployés par les partenaires extérieurs depuis presque dix ans commencent aussi à produire leurs fruits. Et l’arrivée des Russes, vieux alliés du Mali, fournisseurs traditionnels d’armes et formateurs des cadres de l’armée malienne, a permis de galvaniser les troupes. L’heure est donc à la « montée en puissance » qui ravit les Bamakois.

Le colonel-président Assimi Goïta continue d’habiter à Kati. Un cortège sobre l’y raccompagne tous les soirs de Koulouba. Il est l’idole des jeunes de la ville garnison. Son effigie est partout dans la capitale. Cette exposition contraste avec la discrétion affichée du colonel, toujours en treillis et cache-cou kaki, qui n’aime pas trop parler et, quand il s’y résout, s’exprime toujours avec calme et mesure, à l’inverse de son bouillant Premier ministre. Difficile de savoir quels sont les rapports de force à l’intérieur de la junte, au-delà des armes et fonctions de chacun. Le Président Bah N’Daw, tonton et ami du père d’Assimi Goïta, a failli créer la discorde par son obstination à écarter deux des cinq hommes du gouvernement en mai 2021. Assimi a dû trancher dans le vif et l’écarter. Il en allait de la survie même de la junte et de sa cohésion. Cela a coûté son poste à l’officier retraité qui depuis, garde le silence. Et un coup d’État dans le coup d’État au Mali, précipitant Assimi Goïta en première ligne comme Président. Depuis lors, la junte s’exprime rarement, soucieuse du risque que pourrait créer une personnalisation excessive. Et elle laisse le front politique et ses turbulences à son Premier ministre, dont la tête est réclamée de toute part au sein de la classe politique malienne exaspérée par les arrestations et auditions menées en son sein au nom de la lutte contre la corruption. La classe politique malienne, malgré l’ultimatum de la plus activiste de sa composante qui se propose de ne plus reconnaitre le pouvoir de transition le 25 mars prochain, est affaiblie. Choguel Maïga, venu de l’ère nationaliste et marxiste de Moussa Traoré a un capital politique et les officiers en ont besoin. D’autant plus que l’irascibilité du président Macron et de son ministre des affaires étrangère demandent un paratonnerre, fonction que le Premier ministre joue avec habileté, engrangeant des points à chaque invective française ou soupçon d’un monde partisan malien usé. La guerre, le départ de Barkhane et la dramaturgie utilisée par la partie française, appuyée par l’UE, ont sans doute modifié l’équilibre des forces politiques maliennes davantage que les vagues démocratiques. L’ostentation de la fâcherie entre deux pays longtemps très proche profite symboliquement à la nouvelle direction malienne.

Scénographie d’un départ

Exaspérés par le paternalisme et l’arrogance des dirigeants français, fatigués d’une guerre de position qui semble ne jamais approcher du but, du statu quo qui permet aux groupes armés terroristes de contrôler, en réalité, toutes les brousses du nord, d’actes de banditisme incessants, les colonels de la junte, à l’instar de leurs compatriotes, ont décidé le départ de la France et de ses alliés de Takuba, sans pour autant le demander explicitement. Mais la réalité profonde de ce rétrécissement militaire de la France au Sahel lui revient en fait. Le président Macron et le ministère français de la défense anticipaient depuis deux ans ce désengagement. La fureur contre la junte « illégitime » est sans doute surjouée. Mais cette instrumentalisation de la prise du pouvoir par des officiers jugés indociles pour traiter un nécessaire achèvement de Barkhane a péché par oubli de la particularité malienne. En effet, le souvenir du régime de Modibo Keita et de son engagement anticolonial, la nostalgie des empires des siècles passés, l’exaspération des jeunes, qui constituent la majorité des Maliens et ne connaissent de la France que les refus de visa, la montée de l’extrême-droite et la lutte contre la migration, tous ces facteurs ont probablement joué dans la réponse ferme de Bamako aux gesticulations françaises. Et bien sûr, la grande vague anti-française qui monte dans toute l’Afrique de l’Ouest conforte le Mali qui se trouve en position de victime avec la punition financière et économique infligée via la BCEAO

Un patrimoine de résistances

La pandémie de coups d’État en Afrique francophone, écho de l’échec cuisant des régimes issus de la démocratisation des années 90 et du désarroi né de la guerre sans fin contre les groupes djihadistes, tétanise les chefs d’État de la région. A raison. Car de même que les jeunes Sahéliens suivent sur Facebook l’avancée des convois militaires français et rivalisent de provocations pour les intercepter, les colonels des pays de la région s’inspirent les uns des autres. Plus les coups d’Etat se multiplient, plus les institutions régionales sont dans l’embarras pour y répondre. Le G5 Sahel n’est plus déjà qu’un G3. A qui le tour ?

S’interrogent les internautes de toute l’Afrique de l’Ouest. Les jeunes applaudissent les colonels et en redemandent. Mais le Mali paye cher son impudence. Si le Burkina Faso et la Guinée continuent de bénéficier d’une relative tolérance de la part des institutions régionales, il en va différemment du Mali et de ses positions ouvertement iconoclastes.

Le Mali a un passé qui constitue un passif pour la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) comme pour l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Avant même l’Indépendance, à Bamako, le Rassemblement démocratique africain (RDA), en voulant élargir la loi cadre, choisit une voie de rupture avec le scénario néocolonial avec lequel Houphouët-Boigny, l’ex-président ivoirien, sous de rudes menaces, va se rallier plus tard. Le père de l’indépendance malienne, Modibo Keita, va contribuer à l’aide logistique au Front de libération nationale (FLN) de l’Algérie et se rapprocher de deux autres pays voisins qui effrayent l’Occident et le reste de l’Afrique : la Guinée et le Ghana. Au Ghana, Franz Fanon est l’ambassadeur du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne et estime que le Mali peut offrir le terrain à une Wilaya V. Par un coup d’État, les militaires menés par le lieutenant Moussa Traoré, formé par les Français dans les guerres coloniales et entretenu par la CIA, renverse Modibo Keita et installe une dictature jusqu’en 1991. Tout en étant clairement rangé du côté de l’Occident, le régime tyrannique de Moussa Traoré gardera la propagande marxiste, les services de renseignement et les équipements des Soviétiques. Le coup d’État contre Amadou Toumani Touré (ATT) en mars 2012, ATT luimême tombeur de Moussa Traoré avant d’être élu Président, va déjà irriter Ouattara, installé depuis peu au pouvoir à Abidjan par les Nations-Unies, vivement poussées par Paris. Et les sanctions de la Cédéao qui en 2012 sont déjà lourdes, mais interrompues dès que la transition s’annonce, vont prendre une dimension explosive en 2022 avec le tandem Macron-Ouattara à la manœuvre. Le président ivoirien sera le bénéficiaire du départ de Barkhane car la Côte d’Ivoire depuis l’opération Licorne constitue un espace connu et offre un port d’évacuation. Mais son irritation contre le bouleversement introduit par les colonels maliens l’emporte. Dans une conversation avec l’ancien Premier ministre malien Boubou Cissé, mi-février, Alassane Ouattara ne mâche pas ses mots contre les colonels maliens. Piégé, sans doute, par son interlocuteur, le Président ivoirien qualifie les autorités maliennes d’idiots, de naïfs et d’ignorants. « Je ne comprends pas. On dirait qu’ils sont tombés sur la tête ! » Le président ivoirien avait, à la fin de 2021, remis en selle Marcel Amon Tanoh à la tête du Conseil de l’Entente conçu comme une machine de guerre contre le Mali et la Guinée dès l’origine. Ce sera le fédérateur des positions des États de l’UEMOA, hors le Sénégal, pour peser au sein de la CEDEAO en faveur d’un arsenal complet de mesures dissuasives à l’égard de Bamako. Le patron du quai d’Orsay Le Drian se satisfait de cette « Entente antiterroriste » en germe qui pourrait succéder au G5 Sahel. Ce dernier est déjà un roi nu, tant s’y tiraillent Niger, Tchad et Mauritanie tandis que le Burkina joue les absents. L’UEMOA a donc été mise en première ligne pour encercler d’un blocus financier le Mali avant même que la médiation de la Cédéao ait épuisé toutes les modalités d’un rapprochement.

L’arme de la zone franche

Les sanctions financières adoptées après les avertissements de Paris contre la présence de Wagner visent l’asphyxie monétaire du Mali et elles ont été obtenues, d’après le commissaire togolais de l’UEMOA, Kako Nubukpo, en contravention avec les règles de la Cédéao, tant vis-à-vis de son Parlement que des procédures internes. En gelant les avoirs de l’État malien et de ses entités à travers la BCEAO, la décision de la Cédéao d’accepter sans ambages le blocus décidé par l’UEMOA, aboutit à bloquer les transferts du et vers le Mali. En effet, quand un Parisien envoie par Western Union des euros à Bamako, ceux-ci ne sont pas compensés par des CFA par la BCEAO. Les transferts ne sont pas formellement interdits mais deviennent impossibles par défaut de signes monétaires, de liquidités, à remettre aux personnes venant chercher les billets libellés en CFA dans les bureaux de Western Union situés au Mali.

L’accès au marché monétaire de l’UEMOA est fermé pour l’État du Mali qui ne peut donc se refinancer à travers l’émission de bons du Trésor et rembourser ses dettes. Plus même, explique Kako Nubukpo, le Mali se retrouve ainsi isolé des flux financiers du reste du monde. Les rentrées douanières constituent aussi une recette de l’État, déterminante pour ce pays importateur. L’interdiction des transactions commerciales internationales faite au Mali aboutit ainsi à interrompre les prélèvements des taxes et impôts douaniers. le budget de l’État. Le système financier national ne peut plus venir au secours du paiement des échéances comme des salaires des soldats et des fonctionnaires. Le président Goïta et son gouvernement sont donc confrontés à une impasse, sans les marges de manœuvre dont l’ex-président ivoirien Gbagbo avait pu user pour desserrer l’étau que la BCEAO exerçait sur le système financier ivoirien, de plus autrement plus autonome que le réseau bancaire malien. Laurent Gbagbo et trois de ses anciens ministres étaient soupçonnés d’avoir forcé les portes de l’agence d’Abidjan de la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest pour obtenir des liquidités. C’était en janvier 2011, en pleine crise postélectorale. Le gouverneur de la BCEAO, Philippe-Henri Dacoury-Tabley, avait alors démissionné sous la pression des chefs d’État ouest-africains. Les mesures avaient été prises après l’octroi par le gouverneur d’un décaissement de 60 milliards de francs CFA en faveur de Laurent Gbagbo, outrepassant la décision des ministres des Finances de l’UEMOA. Ces derniers avaient donné au président reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, tous les pouvoirs pour qu’il gère l’institution.

Face à la provocation de la BCEAO aujourd’hui, certains pensent que le Mali serait tenté de rompre avec le CFA et de mettre en place une émission monétaire propre. Ce ne serait pas tout à fait une nouveauté dans la mesure où le franc malien a connu une parité spécifique avec le franc français, bien qu’en liaison avec le franc CFA. La Russie et la Chine sauront aussi fournir des devises pour les dépenses de souveraineté de l’équipe au pouvoir, démontrant le spectre élargi de leur soutien. Les voisins algériens et mauritaniens peuvent aussi, dégagés de toute obligation envers la Cédéao, acheminer des marchandises vers le Mali et consentir des crédits avec des dépôts de grands commerçants maliens dans leurs banques. Le FMI et la Banque mondiale ne se trouvent pas dans une solution aisée comme préteurs en dernier ressort du Mali.

Mais une attitude de complète fermeture aux demandes maliennes des Institutions de Bretton Woods constitue un risque. Les conseils d’administration ont leur mot à dire et au sein de l’UEMOA on hésite à poursuivre une méthode d’étouffement qui peut un jour se diriger vers un autre État membre et qui achève de discréditer la zone franc et la France. Le Drian et Ouattara espèrent que le gouvernement du Mali va craquer quand il ne saura assurer le paiement des salaires, dans quelques semaines. Mais il n’est pas sûr que le président sénégalais Macky Sall, qui pèse l’impact de ce blocus sur le commerce de son pays et le risque d’une migration malienne vers le Sénégal, ne milite pas pour l’allègement. Son homologue togolais Faure Eyadema quant à lui a de la sympathie pour les colonels du Djoliba et sait qu’il doit sa présidence à un coup d’État. La dissidence de Kako Nubukpo n’est pas tout à fait fortuite et sa fronde contre le grand frère Ouattara, ancien gouverneur de la BCEAO, intervient avec la tolérance de Faure, sinon sa bénédiction.

L’or et le marché noir

Les réserves d’or du Mali, provenant de l’exploitation active depuis 20 ans du sous-sol, offrent une garantie à des prêteurs ou des acheteurs. Elles sont en tout cas, avec la bonne volonté de la Guinée et les réseaux des opérateurs miniers, une solution éprouvée pour la junte en matière de contournement des sanctions : «Lorsque la junte militaire a organisé son premier coup d’État en 2020, les sanctions imposées par la Cédéao à l’époque ont eu un effet minime/limité? sur les quelque 13 mines d’or gérées par des multinationales, car l’embargo n’a duré que quelques semaines. Des compagnies comme le Canadien Barrick Gold, le Britannique Hummingbird Resources ou le Sud-africain AngloGold Ashanti ont pu voir vu le cours de leurs actions chuter, mais les opérations réelles n’ont pas été très affectées parce qu’elles ont pu continuer à évacuer l’or par la Guinée, et directement par avion », estime Robert Besseling de Pangea-Risk. Cependant la poire pour la soif qu’offre l’or pourrait se tarir si les pays concernés comme l’Australie, le Canada, où sont cotées nombre de compagnies aurifères, et les EUA décidaient d’étendre le régime des sanctions contre le Mali. Mais c’est aussi un exercice périlleux car il peut susciter un recours aux méthodes brutales mais sans respect des embargos des miniers russes et chinois. Sur le front des marchés agricoles de la région, l’arrêt des flux, pour cause de manque de billets de banque, aurait des conséquences graves sur la situation économique, alimentaire et politique du secteur rural. Le Mali, déjà très fragile et marqué par l’informel, peut glisser dans le marché noir des monnaies avec le risque de l’irruption d’acteurs nuisibles et une perte de confiance envers le secteur bancaire pour les transactions. Depuis longtemps les camions citernes de carburant s’achètent au Mali en valises de billets ; les décisions de la BCEAO vont induire l’extension du domaine de l’extra bancaire.

Un dérapage historique ?

Vouloir punir le Mali pour affaiblir ses dirigeants lancés dans la reconstruction de leur armée est un bluff dont on voit déjà les effets irréparables : la disparition de la confiance entre pays membres d’une communauté d’États et la perception de la France comme une nation sans clémence manipulant des valets locaux. Barkhane et Takuba vont partir. Au-delà de ce départ, qui, certes, marquera un virage historique pour la France comme pour le Mali, il faudrait être davantage attentif aux reconfigurations à venir, profitant du nouvel appel d’air. Rebelles, loyalistes, miliciens, terroristes, forces armées officielles : qui va gagner ? Le partage implicite du territoire qu’on connaît aujourd’hui va-t-il se perpétuer ? Certains acteurs vont-ils être détruits ? Quelle influence auront les nouveaux acteurs internationaux sur les équilibres du pouvoir ? L’Algérie continuera-t-elle de pousser en faveur des accords d’Alger, avec l’appui inattendu de l’Italie ? Libérée du voisinage de l’armée française, va-t-elle changer d’alliance ? Jusqu’où la Russie est-elle prête à la BCEAO accounts of the Malian government, closing the compensation chamber for the local banks, and stopping all transfers from Mali.

aller dans cette guerre ? Le redéploiement de la France et de Takuba au Niger affaiblira-t-il le Président Bazoum par l’effet de la contagion de l’exaspération anti-française ? Selon L’altermondialiste nigérien Moussa Tchangari, le Président Bazoum « s’est planté un couteau dans le ventre. »

Autant de questions que le pouvoir français n’a pas cherché à étudier et à partager. La cohorte d’experts qui l’accompagnent depuis des années en inventant une complexité nouvelle à des questions bien anciennes ne l’a pas aidé. Chacun s’est enfermé dans la mise en scène extravagante du départ partiel d’une force d’intervention à mission temporaire. Si l’ambassadeur de France à Bamako a été déclaré persona non grata, ce n’est pas le coup d’éventail du Bey d’Alger qui déclencha deux ans après la conquête de l’Algérie. Paris avait renvoyé l’ambassadeur du Mali deux ans auparavant. Ce qui est assez extraordinaire quand Marine Le Pen exigeait il y a peu que l’on mette l’ambassadeur malien dans un avion comme on le faisait avec les vols charters. Tout cela semble créer un Afghanistan du pauvre (français) débordé par la décomposition d’un État malien en faillite, une armée sans légitimité et des terroristes déchainés. Les conditions sont tout à fait différentes, il n’y a pas de Sahelistan en dépit de l’opportunité de rapprochements que nombre de chercheurs autoproclamés ont cultivé. La population ne demande pas plus d’État ou de service public. Elle souhaite modifier le rapport entre la société et l’État. La marchandisation de la terre, la monétarisation des rapports sociaux, la destruction d’une idée de la masculinité sont autant d’enjeux refoulés par les rentiers du développement incrustés au Sahel.

Olivier Vallée et correspondants à Abidjan, Bamako, Niamey et Ouagadougou

Source : le Sphinx

 

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