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Kidal : LES FRAGILITÉS DE LA NOUVELLE VIE

ville nord mali kidal gao tombouctouUne MINUSMA qui vit en autarcie, une certaine reprise d’activités, une insécurité rampante et la présence remarquée des groupes armés : la cité offre des visages multiples
Dans un contexte normal, l’événement relèverait de la routine. Mais le fait qu’il se déroule à Kidal oblige à une préparation toute spéciale. Le général de brigade français Hervé Gomart, le nouveau chef d’état-major de la Force de la MINUSMA, s’est rendu dans la capitale de la 8ème Région les 22 et 23 juillet, afin d’échanger avec ses troupes basées sur place. C’est à bord d’un hélicoptère de transport de la MINUSMA que le chef militaire est arrivé à l’héliport aménagé à l’intérieur du camp. En effet, depuis que les terroristes ont commencé à poser des mines ou des engins explosifs sur la piste de l’aéroport, une aire d’atterrissage été aménagée dans l’enceinte même de la MINUSMA.
Le général Gomart, qui était précédemment le commandant d’une prestigieuse brigade interarmes française (la 3ème Brigade légère blindée), a séjourné à Kidal pendant deux jours au cours desquels il a inspecté les travaux de renforcement de la sécurité dans le camp de la MINUSMA et de ses alentours. Il a aussi visité le marché de Kidal, la piste d’atterrissage de l’aérodrome, le lycée, le centre de santé de référence et le fortin. Aucun incident n’a été déploré lors de ces déplacements qui se sont déroulés sous une haute surveillance assurée par le contingent béninois. Mais cette absence d’accroc ne fait pas oublier que la ville est loin d’être totalement sécurisée. Kidal reste sous la menace des engins explosifs, des tirs d’obus de mortier ainsi que des attaques kamikazes.
Juste après notre arrivée dans la base, le programme de la visite nous a été remis par la section information publique. Avant d’aller poser nos valises dans nos chambres de fortune (elles sont situées dans des containers climatisés transformés en lieu de vie), nous avons été invités à rencontrer Vincent Mallé, l’homme en charge de la sécurité de la base. Ce Français a la haute main sur la sécurité du camp depuis deux ans.
Vincent Mallé fait part des consignes strictes de sécurité qui doivent être observées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la base. Le port du gilet pare-balles est de rigueur pour sortir du camp. Et le visiteur, qui se déplace dans un véhicule blindé, est flanqué en permanence d’un agent de sécurité. L’enlèvement, puis l’assassinat de nos confrères de RFI à Kidal le 2 novembre 2013, alors qu’ils étaient en reportage, semble avoir marqué les esprits.
« LA VOLONTÉ DE CERTAINS ». Avant de nous indiquer nos chambres, Vincent Mallé nous présente la carte de Kidal sur laquelle il pointe l’emplacement de la base, des lieux à visiter ainsi que des deux bunkers dont le second est en construction quelque part à l’intérieur de la base. Les recommandations qu’il dispense sont des plus précises.
En cas d’attaque de la base, nous devons enfiler rapidement le gilet pare-balles que l’on nous a attribué avant de nous allonger sous le lit. « Vous y restez, nous enjoint notre interlocuteur, jusqu’à ce qu’on vienne vous chercher dans votre chambre pour vous amener dans le bunker. Ne vous mettez pas à courir à gauche ou à droite dans la base. Si vous faites ça, vous êtes un homme mort ! » Le chef de la sécurité de la MINUSMA sait de quoi il parle, car il a vécu presque toutes les attaques ou les tirs d’obus contre le camp de Kidal. « Les attaques commencent tôt le matin, entre 4 heures et 6 heures. Une fois, il y a eu une attaque vers 18 heures », précise-t-il en soulignant qu’il s’agit des attaques indirectes. Car les auteurs profitent en outre des jours de tempête de sable ou de mauvaise visibilité pour poser les mines sur les pistes fréquentées par les militaires. « Mais depuis deux mois, il n’y a pas eu d’attaque », assure Vincent Mallé.
A la fin de sa visite, le général Hervé Gomart a indiqué que Kidal est le secteur le plus délicat pour les Nations unies. « J’ai voulu montrer que tout est possible. Que la mission des Nations Unies avait son rôle à jouer dans des conditions délicates. Les choses avancent et j’ai un grand espoir que l’aéroport de Kidal sera ouvert le plus vite que possible. Tout est en place pour le faire. Il faut encore la volonté de certains », a expliqué le général français. Par « certains », il faut entendre les groupes armés qui avaient saboté l’aéroport de Kidal lors d’une manifestation hostile. C’est l’impossibilité à utiliser cette infrastructure qui fait que depuis des mois, les hélicoptères atterrissent à l’intérieur de la base de la MINUSMA. C’est-à-dire dans une des zones les plus sécurisées de la ville.
Dans les rues de la Kidal, nous avons croisé lors de notre premier déplacement quatre véhicules pick-up bourrés de combattants armés jusqu’aux dents. Certains hommes en armes viennent s’approvisionner en ville en carburant et pour faire des provisions. Nous n’avons pas eu l’autorisation de sortir du véhicule pour discuter avec eux ou faire des images à cause de la présence parmi nous du journaliste français François Rihouai, correspondant de France24/Bloomberg News. Nous avons dû observer les scènes de rue de l’intérieur de notre véhicule, aux vitres teintées.
UN VÉRITABLE CAMP RETRANCHÉ. Souvent notre chauffeur saluait les combattants d’un geste de la main, mais sans obtenir une réaction quelconque de leur part. « On sait qu’ils essayent de se faire passer pour de bons garçons. On sait aussi que certains d’entre eux ont des liens avec les groupes terroristes comme AQMI et Al-Mourabitoune. Ces organisations disposent de cellules dormantes ici en ville. Kidal, ça reste Kidal. On n’est jamais sûr de rien. La ville est ouverte. On sait qu’ils sont partout», confie Vincent Mallé. Entendez par « ils », les terroristes et les contacts qu’ils conservent dans des groupes armés.
Ces groupes continuent de circuler dans la ville de Kidal, en attendant la mise en œuvre du processus de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Ce processus fait désormais partie intégrante des efforts de consolidation de la paix après un conflit et a occupé une large place dans les mandats confiés aux opérations de maintien de la paix au cours des 20 dernières années, selon un document des Nations Unies. L’objectif du DDR est de contribuer à la sécurité et à la stabilité dans un contexte d’après-guerre, de sorte que puissent commencer la reconstruction et le développement.
Cette approche aide à créer un climat plus propice aux progrès politiques et à la paix en général. Elle s’attaque aux problèmes de sécurité qui se posent inévitablement lorsque les ex combattants essaient de s’adapter à une vie normale pendant l’importante et délicate période de transition entre la fin d’un conflit et l’instauration d’une paix durable. Le processus de DDR encourage les ex combattants à devenir des participants actifs au processus de paix. Il consiste à récupérer les armes aux mains des combattants, à retirer ces derniers des structures militaires pour les intégrer à la société sur les plans social et économique.
Du fait de la présence des hommes armés circulant dans la ville, la mission onusienne est installée dans un véritable camp retranché. Les fonctionnaires en poste à Kidal sont cantonnés dans la base. L’accès à la ville leur est interdit, sauf dans le cadre des activités professionnelles. Dans ce cas, ils se déplacent sous haute surveillance de la police des Nations unies (UNPOL).
« C’EST LA LOI DU MOMENT ». Les occupants du camp mènent une vie rythmée par le travail, les activités sportives, les jeux et la musique. La cantine et le terrain de football sont les seuls endroits où se côtoient militaires et civils. Dans la cantine, les serveurs – deux hommes et une dame – sont Camerounais. Du côté de la cuisine, officie un Bamakois du quartier Kalabancoro. Pour notre dîner, nous avons payé 1500 Fcfa pour un plat de spaghetti et 500 Fcfa pour un verre de thé. C’est pratiquement le seul endroit où l’on peut dépenser de l’argent dans cette base, située en dehors de la ville, derrière le quartier Aliou, sur la route de Ménaka. Mais il est à noter qu’en dépit des passe-temps limités, l’intérieur du camp de la MINUSMA est beaucoup plus animé que les rues de la ville.
Les structures étatiques sont totalement absentes de Kidal. Les ONG internationales ont quitté la ville à cause de l’insécurité. Du coup, le camp de la MINUSMA qui abrite son bureau régional est le seul endroit grouillant d’activités. La mission onusienne emploie de nombreux jeunes de la ville. Ce qui a manifestement fait baisser la tension et découragé les manifestations contre « la présence des forces étrangères » dans la ville.
Les diplômés travaillent dans l’administration tandis que de moins qualifiés occupent des postes de mécaniciens, de chauffeurs, d’électriciens, de gardiens, etc. Mais tous n’ont pas réussi à se faire une place au soleil de la MINUSMA. Ceux qui restent à la périphérie continuent de « protester » contre le Mali chaque fois qu’ils sont en présence d’un journaliste ou d’une délégation.
C’est le cas de Baye Ag Abdalla. « Je n’ai pas de travail, mais je ne veux pas le retour du Mali à Kidal. Non au Mali, oui à l’Azawad. Tout, sauf le Mali », nous a-t-il lancé. Les jusqu’au-boutistes comme cet homme sont aujourd’hui une minorité à Kidal où beaucoup espèrent le retour définitif de la paix. Les habitants qui sont restés fidèles à la République gardent toujours profil bas. « Car c’est la loi du moment. On fait avec », nous a confié un autochtone de Kidal autour d’un déjeuner. L’homme travaille présentement pour la MINUSMA.
Dans la ville, on est loin aujourd’hui de l’époque de la chasse aux populations noires. De nombreux représentants de celles-ci travaillent comme mécaniciens, soudeurs, menuisiers et boutiquiers. Mais les spectacles de désolation ne manquent pas lorsqu’on tourne dans Kidal. Les bureaux régionaux des structures étatiques avaient été saccagés par les groupes armés, maîtres de la ville. Le bureau régional de l’AMAP qui était occupé par les combattants d’Ançardine, puis du HCUA, est aujourd’hui désaffecté. Les battants des portes et des fenêtres ont disparu. Le portail arraché, gît dans la rue.
Envoyé spécial
A. DIARRA

source : L’ Essor

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