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Kayes : silence, on détruit les forêts à Kéniéba

Alors que le tocsin de la mobilisation a été sonné contre la déforestation à travers le monde, des élus communaux et chefs coutumiers sont accusés de complicité avec les exploitants forestiers dans la région de Kayes.

La région de Kayes compte 19 forêts classées, selon la direction régionale des eaux et forêts. Le village de Paparah, dans la commune de Hawa Dembaya (cercle de Kayes), abrite la première forêt classée du Mali créée en 1935. Aujourd’hui, ces pinèdes sont menacées de disparition. Et pour cause, les contrebandiers, dont certains témoignages disent qu’ils sont en complicité avec des élus communaux et chefs de villages, exploitent frauduleusement même les espèces d’arbres protégés par la loi, tels que le Caïlcédrat, le Kapokier.

Malgré les nombreuses conventions signées par le Mali, comme celle de Ramsar protégeant certaines zones contre les exploitations forestières, des sociétés de boiserie s’adonnent, depuis des années, à la destruction des essences végétales protégées. Chaque année, des milliers de planches quittent les forêts de Kéniéba de façon frauduleuse. Des témoignages recueillis citent l’entreprise Farota, qui serait basée à Bamako.

Interpellation

Sur la base d’une simple délibération communale, les élus locaux, censés protéger ces forêts, délivrent des autorisations à des entreprises pour abattre les arbres. Tout cela se ferait sans l’accord du service forestier, seul habilité pourtant à délivrer des permis d’exploitation forestière.

En décembre 2019, une descente des agents des eaux et forêts dans la localité avait conduit à l’interpellation d’un élu communal et un responsable coutumier dans le village de Sakalo, à environ 250 km de Kéniéba. Conduits à la gendarmerie de Kéniéba, ils ont été « relâchés », selon un habitant. Une source locale nous apprend que les prévenus ont été mis en liberté en attentant leur jugement prévu le 24 février 2020, à Kéniéba.

« Atteinte au respect dû aux morts »

En Afrique et particulièrement au Mali, les cimetières sont des endroits considérés comme sacrés. Et pour beaucoup, l’abattage d’arbre dans ces lieux est considéré comme une profanation et une atteinte au respect dû aux morts. Mais, dans le cercle de Kéniéba, la coupe de bois se fait jusque dans le cimetière. « Quelle indignité ! », s’insurge un villageois de Sakalo. Avant d’ajouter : « J’ai été très touché en apprenant que les exploitants forestiers abattent les arbres du cimetière. Dans ce cimetière, repose mes parents et je considère cela comme un crime. Il faut agir et vite ».

Accusations

Les agents du service forestier de la région de Kayes sont régulièrement accusés d’être de connivence avec les exploitants forestiers. Des habitants du cercle de Kéniéba disent ne pas comprendre pourquoi les abatages clandestins continuent.

Contacté par Benbere, Ibrahima Camara, le président de la jeunesse de Dabia, l’une des 12 communes du cercle de Kéniéba, se lâche : « Le laxisme des agents des eaux et forêts est à la base de la coupe abusive des arbres et du pillage des forêts. Je n’ai aucun doute sur la complicité que nos agents forestiers et nos élus locaux entretiennent avec ces exploitants forestiers ».

À la direction régionale des eaux et forêts, un démenti véhément est apporté à toute implication des agents forestiers. Le Commandant, Allaye Sangaré, chargé de la division réglementation et contrôle à la direction régionale des eaux et forêts de Kayes, réfute les accusations à l’encontre de ses agents. « Ces pratiques sont cautionnées par les villageois eux-mêmes qui coopèrent difficilement avec nos services, confie l’officier. Les accusations d’implication de nos hommes sur le terrain sont mensongères. Chaque année, il y a un quota de sujets fixé par une commission présidée par le préfet du cercle, qui détermine les modalités. Mais dire que ce sont les agents qui encouragent cette forfaiture est une fausse allégation ».

Le commandant évoque aussi des difficultés liées à l’effectif et à la mobilité sur le terrain pour mener à bien leurs missions. Selon lui, les fossoyeurs trouvent toujours les moyens de détourner la vigilance des agents. Il met aussi en garde les commanditaires : « Plus rien ne sera toléré. Nous sévirons pour préserver les forêts ».

Les textes et conventions qui protègent les forêts doivent être appliqués avec rigueur. Au Mali les textes existent, mais l’application reste un vœu pieux. Selon la direction régionale des eaux et forêts, la coupe abusive de bois et des espèces d’arbres protégées est punie de 100 000 francs à 600 000 francs CFA d’amende ainsi qu’une peine allant de 6 mois à 5 ans de prison.

benbere

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