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JEAN-YVES LE DRIAN : “J’AI DÉCOUVERT QUE MON GRAND-PÈRE ÉTAIT UN HÉROS”

En lisant le livre d’une journaliste de Match, le ministre de la Défense a appris la vérité sur son aïeul qu’il croyait « mort de boisson ».

jean yves ledrian ministre defense francais

Paris Match. Cent ans après Verdun, grâce à l’enquête effectuée pour ce livre*, vous avez découvert que votre grand-père paternel avait fait 14 !
Jean-Yves Le Drian. C’est une histoire invraisemblable. Invraisemblable, déjà, que mon père ne m’en ait jamais parlé, lui qui avait pourtant 9 ans à la mort de son propre père. Il y avait un tabou, un secret de famille. Je savais que grand-père était mort de boisson, qu’il était docker. Point final. Ma mère, peut-être, savait. On n’en parlait pas. Je n’ai même jamais pensé à demander ! Depuis vos révélations, je me pose des questions. J’ai interrogé ma tante et mon oncle maternels, mais eux aussi n’en avaient jamais entendu parler.

Votre grand-père était à Verdun, mais pas seulement…
Maintenant que je sais ce qu’il a fait pendant la Grande Guerre, je comprends mieux mon histoire familiale. Son parcours est incroyable. Il est sur presque tous les fronts ! Je pensais que c’était mon autre grand-père, marin, qui avait fait les Dardanelles, mais non, c’était lui. En plus, il a été gazé et je viens d’apprendre qu’il avait perdu ses 10 frères pendant cette guerre. Sa souffrance, y compris psychologique, a dû être terrible. Sa femme, ma grand-mère, tenait un bistrot sur les docks à Lorient, un endroit très populaire, avec beaucoup d’ambiance, où l’on mangeait des plats sommaires. C’était une maîtresse femme, assez grande, une matrone qui fermait le soir, avec autorité, son bistrot. Ma grand-mère n’a sûrement pas compris la souffrance de son mari quand il est rentré.

 

“VERDUN EST LA PLUS GRANDE BATAILLE DE L’HISTOIRE DE FRANCE, PEUT-ÊTRE MÊME LA PLUS GRANDE DE L’HISTOIRE DU MONDE”

Vous racontez que votre père, fils du poilu, a fugué. En savez-vous un peu plus ?
Non. Pendant sa fugue, il échoue dans un presbytère à Pontivy. Et c’est là qu’il se “convertit” : il redécouvre la religion. Mon père entrera à la Jeunesse ouvrière chrétienne, la Joc, dont il deviendra un des dirigeants. Et il rencontrera ma mère, qui était responsable de la section féminine. Bien après, je deviendrai secrétaire général de la Jeunesse étudiante chrétienne. Voilà la filiation… C’est donc grâce à cette fugue, liée à son père, que je suis devenu ce que je suis.

Votre père doit probablement la vie à un acte de bravoure de son propre père qui, en juin 1918, après une attaque, parvient à ramener le corps d’un officier dans les lignes françaises. Cette action lui vaut une citation, et vraisemblablement une permission. Votre père naît neuf mois après. Une vie pour une mort…
C’est exact. Cette histoire que vous m’apprenez sur la naissance de mon père est assez incroyable.

Son régiment, le 2e RIMa, existe toujours, c’est même le plus décoré de l’armée française !
Oui, et c’est d’autant plus émouvant que je connais bien les hommes du 2e RIMa : je les ai croisés à plusieurs reprises, notamment en Afrique pour l’opération Serval. Je vais retourner les voir et aurai alors une pensée très forte pour mon grand-père. L’année dernière, je suis allé à Gallipoli pour les 100 ans des Dardanelles. C’était bouleversant et, pourtant, j’ignorais encore que mon grand-père en était.

En 14-18, le régiment a perdu 20 000 hommes…
Verdun est la plus grande bataille de l’histoire de France, peut-être même la plus grande de l’histoire du monde. Chaque famille a été touchée. Verdun, c’est le drame absolu et, en même temps, la raison pour laquelle, aujourd’hui, une frégate allemande accompagne le “Charles-de-Gaulle” en opération. On voit aussi que dès qu’on touche aux frontières, qu’on les déstabilise, on fragilise notre sécurité collective. Désormais, on fait face à d’autres menaces, d’autres formes de conflits, mais les enjeux restent liés aux frontières. Et celles-ci sont en partie issues de la Première Guerre mondiale. C’est ce qui me marque, après la lecture de votre livre : on sort de l’enfer du XXe siècle avec une Europe sécurisée dans ses frontières et dans sa culture commune de la paix. Aujourd’hui, la même guerre, qui casse les frontières au Levant, casse l’unité nationale sur notre territoire. Finalement, c’est cette longue histoire de l’aspiration à la sécurité et à la paix qui est remise en question.

 

“NOUS DEVONS RESTER VIGILANTS, PLUS QUE JAMAIS”

Les guerres actuelles sont moins mortelles pour l’armée française.
Elles sont différentes. Nos soldats font preuve de courage et d’abnégation. Ils défendent nos valeurs et notre sécurité à tous, avec le même attachement à la patrie que leurs aînés, les poilus de la Grande Guerre. Ils forcent mon admiration.

Vous, le petit-fils de poilu, vous êtes un ministre de la Défense guerrier ! Vous avez, avec le président de la République, ouvert plusieurs fronts. 
Oui. Par nécessité. Et il y a des moments très durs. J’ai en moi ce souvenir terrible du 11 janvier 2013. A midi, on engage l’opération Serval au Mali et, à 17 heures, on a le premier mort, Damien Boiteux, un pilote d’hélicoptère. Personne ne le sait encore. Dans la nuit qui suit, on lance l’opération d’exfiltration de Denis Allex, l’agent retenu en Somalie. L’opération a été décidée dans mon bureau deux mois plus tôt. Je la suis, au ministère, quasiment en direct, et elle se solde par trois morts et un échec… Le lendemain, je dois annoncer ces deux drames.

Et aujourd’hui, face au terrorisme, l’armée est déployée sur le territoire national…
Oui, la guerre est venue chez nous. Et les forces militaires ne sont pas des supplétifs aux forces de sécurité intérieures. L’opération est placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, mais elle reste une opération militaire, en cohérence avec les opérations extérieures. Avec les mêmes soldats. Il n’est pas question qu’il y ait une armée de l’intérieur et une de l’extérieur. C’est essentiel car, pour la première fois, on compte plus de militaires en opération à l’intérieur de notre territoire qu’à l’extérieur.

Quels enseignements tirez-vous de la guerre de 14 ?
Ne pas être des “somnambules”, pour reprendre le titre du livre de Christopher Clark. En le lisant, vous voyez comment l’aveuglement, dans les jours précédant août 14, a abouti à un drame absolu. D’où l’exigence de lucidité. Il y a des risques sur notre territoire. Il reste encore 40 blessés des attentats du 13 novembre dans nos hôpitaux. Nous devons rester vigilants. Plus que jamais.

* « Mon grand-père était un poilu. Dix politiques livrent leurs secrets de famille », par Caroline Fontaine et Laurent Valdingué, ed. Tallandier 

Source : parismatch

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