Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Interpellation de David Sagara et de Seydou Nantoumé : Les dessous de l’affaire

 Depuis le jeudi dernier,  l’ancien ministre des Domaines et des Affaires Foncières, David Sagara, le géant de l’engrais au Mali, Seydou Natoumé, l’ancien directeur national de l’Urbanisme, Amadou Diallo et Etienne Dioné, conseiller technique au secrétariat général du gouvernement sont détenus au Pool Economique, pour répondre de la gestion de la zone aéroportuaire.

david sagara ministre logement

Leur  interpellation  s’est vite répandue à travers la ville vu le statut des interpellés  et de leur présumé complice, le PDG de Toguna industrie, Seydou Nantoumé qui n’a  finalement pas passé la nuit au Pool Economique grâce aux nombreuses interventions. C’est aujourd’hui qu’il doit se présenter à nouveau devant les enquêteurs. Jusqu’au moment où nous mettions sous presse notre papier, aucun chef d’inculpation ne leur avait été notifié, nous a confié un proche du dossier. Alors, que leur reproche-t-on ? A en croire certaines sources proches du dossier, on reprocherait au ministre David Sagara, l’occupation temporaire de la zone aéroportuaire. L’interrogatoire dirigé par un commandant de la gendarmerie aurait porté essentiellement sur les autorisations d’occupation temporaire dans la zone aéroportuaire que le ministre sous la transition aurait accordées à des opérateurs économiques,  notamment Seydou Natoumé, qui aurait bénéficié de 36 hectares. Selon les informations à notre disposition, Toguna Industries avait dans un  premier temps fait la demande de 10 hectares qui lui ont été accordés. Ensuite, il a fait une demande de transfert sur le site de 20 hectares en face du  marché de poisson et du magasin de mangue pour raison de sécurité et d’éloignement  de la zone l’aéroport.  Cette demande datant du 04 janvier 2013, a été acceptée et il obtiendra 20 hectares de plus pour lesquels il établit un bail avec l’Etat après s’être acquitté des frais y afférents.

Après, Toguna Industrie fera une autre demande de 20 hectares supplémentaires sur lesquels il obtiendra 16. Ce qui fait en tout les 36 hectares.  Mais il se trouve qu’au moment de faire le bail sur le reste du terrain, c’est -à-dire, les 16 hectares,  le ministre Tiéman Hubert Coulibaly avait pris une décision d’annulation d’attribution de terrain. Ce qui fait que les frais du bail sur les 16 hectares restant non pas été payés.   C’est justement pour cette raison qu’il a été interpellé.

Le crime du ministre David Sagara est d’avoir répondu favorablement à cette demande qu’il a héritée de son prédécesseur. Or, le premier arrêté portant attribution des 10 hectares à Toguna Indusries a été signé par le ministre Yacouba Diallo. Cela est confirmé par une demande adressée au Directeur National des Domaines de l’époque, Abdoulaye Imran par le ministre Mme Diallo Fadima Touré pour lui faire la situation des demandes de parcelles dans la zone aéroportuaire. Une lettre de réponse en date du 06 décembre 2012 signée par le chef de la division des domaines et de la curatelle, mentionne 45 demandes et trois arrêtés d’occupation temporaire déjà signés pour la SODIMA de Oumar Niangadou, le ministère des Télécommunications, des Nouvelles Technologies et des Postes pour la fibre optique, et les 10 hectares pour Toguna Industries. Donc, ce n’est pas David Sagara qui a signé le premier arrêté d’occupation temporaire accordé à Toguna Industries.

Pour le pauvre ancien directeur national de l’Urbanisme, on lui reproche d’avoir fait  et transmis au ministre David Sagara certains projets d’arrêtés sans bordereau d’envoi. Alors qu’à la suite des saccages des bureaux de l’administration, des logiciels par les mutins du 22 mars 2012, il était devenu impossible le respect de certaines procédures administratives. Quant au conseiller technique au Secrétariat Général du gouvernement, l’infortuné paye le fait d’avoir mis le OK sur des dossiers sans bordereau d’envoi.

Les faits reprochés aux interpellés relèvent-ils du code pénal ? Pour les juristes versés dans le foncier, il s’agit d’un acte administratif dont l’annulation met fin à toute interpellation. Selon les mêmes avis, il n’y avait pas lieu d’humilier un ancien ministre et un opérateur économique respectable pour des fautes administratives, sauf s’il y a des raisons non avouées.

Que disent les différents arrêtés ?

Les différents arrêtés signés par les différents ministres depuis Yacouba Diallo, Mme Diallo Fadima Touré et David Sagara disent la même chose. L’article 2 stipule que : « Les parcelles de terrain, objet de la présente occupation temporaire, sont destinées à la réalisation d’installations démontables. Elles pourront être aménagées pour recevoir un complexe  commercial, conformément aux plans décrits dans l’avant projet qui a été mentionné dans le dossier ». L’article 3 ajoute que : « Le droit d’occupation accordé à ….se limite aux besoins indiqués à l’article 2 ci-dessus. Il est révocable à première réquisition pour tout motif d’intérêt public et ne donne droit au paiement d’aucune indemnité ; en cas de révocation, les lieux doivent être remis en leur état initial par l’occupant ». Ces deux articles à eux seuls lèvent tout équivoque sur les soupçons de pots de vin et d’occupation illicite ou de transformation de vocation

David Sagara victime d’un règlement de comptes politiques ?

Aujourd’hui, vu l’acharnement avec lequel l’interpellation du ministre David Sagara est pilotée, le doute sur un règlement de compte politiques est permis. En sa qualité d’ancien ministre de la république, il bénéficie des privilèges de juridiques. Selon des avis d’experts, son interpellation devait d’abord requérir l’avis de la Cour Suprême. Or, il semble que ce n’est pas le cas. Un des vice-présidents du parti Codem et non moins coordinateur de la région de Mopti, David Sagara  est accusé d’être à la base de l’invalidation de liste UDD à Bandiagara lors des dernières élections législatives. A Koro, l’UDD qui était le premier parti le mieux implanté sous Maître Hassane Barry, a totalement disparu. Le président de l’UDD, Tiéman Hubert Coulibaly et non moins ministre des Domaines de l’Etat, des  Affaires Foncières et du Patrimoine, qui hérite d’une partie de l’ancien  ministère de David Sagara, est-il à la base des dossiers pour lesquels l’ancien ministre Codem est aujourd’hui interpellé. Certains le pensent.

Moussa Mara serait-il le principal instigateur ?

En sa qualité de Premier ministre, Chef du gouvernement, sa responsabilité est forcément engagée. Il ne peut pas ne pas être au courant de l’interpellation d’un ancien ministre et du plus gros industriel malien. D’après certaines indiscrétions, le Premier ministre aurait écrit au ministre de la Justice pour lui demander d’interpeler les personnes en question. Selon les mêmes indiscrétions, le Premier ministre aurait obéi à deux sollicitations. La première viendrait d’un des mentors bien connu du jeune Chef du gouvernement. La seconde sollicitation ne serait pas désintéressée car venant d’un grand opérateur économique de la place pour des raisons non avouées. L’opérateur économique en question dont nous taisons volontairement le nom chercherait à se venger de Seydou Nantoumé. Et pourtant, le même commerçant est détenteur de l’arrêté N° 2013/2875/MLAFU-SG du 16 juillet 2013 portant autorisation d’occupation temporaire des parcelles de terrain N° N,M,3,4 et 5 à déduire du   TF N° 7616 de la commune VI du district de Bamako d’une superficie de 04 hectares 93 ares 26 centiares dans la même zone aéroportuaire. Pourquoi n’est-il pas interpellé ?

IBK est-il au courant ?

Selon des sources proches de Koulouba, le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta ne serait pas au courant de l’interpellation du ministre David Sagara et de Seydou Nantoumé. Si la Codem dont David Sagara est vice-président, a soutenu IBK au second tour des présidentielles de 2013, Seydou Natoumé aurait mouillé le maillot financièrement lors des mêmes campagnes électorales d’IBK. Aujourd’hui, leur porter un tel coup à l’insu du président de la république est un coup de poignard dans son dos, murmurent certains proches. D’autres disent simplement que ceux qui sont à la base de cette action cherchent à mettre en brouille le président IBK avec ses alliés politiques. Pour le moment, l’opinion piaffe d’impatience de savoir ce qu’en dira le Chef de l’Etat.

Qu’en pense  la CODEM ?

Au niveau de la Convergence pour le Développement du Mali, la déception est totale. Le parti se dit trahi. Le président de la Codem et non moins ministre des Sports était en déplacement au moment où on interpellait son vice-président et ancien ministre. Selon ses proches, il serait dans tous ses états et compte se faire entendre au sein du gouvernement et auprès de qui de droit. Par solidarité gouvernementale, il devait être consulté et informé avant par qui de droit. Le Premier ministre et le ministre de la Justice, n’ont pas respecté le pacte de solidarité gouvernementale, disent-ils. Aussi, la Codem accuse le RPM de ne pas tenir compte de l’alliance politique qui unit les deux partis au sein de la mouvance. Selon les radicaux de la Codem, c’est une vengeance du Chef du gouvernement contre le ministre Housseyni Amion Guido qui lui avait ravi la vedette au sein du regroupement des PUR (partis unis pour la république). Au sein de ce regroupement, le président de la Codem a été choisi candidat avec 15 voix contre 2 voix pour Moussa Mara. Ceci expliquerait cela ?

Comme cela se comprend aisément,  l’interpellation à la fois de David Sagara et de Seydou Nantoumé fait l’objet de plusieurs interprétations. Au de là de la lutte contre la corruption et de l’indépendance de la justice, cette affaire a des ramifications politiques et financières. D’abord, il s’agirait de faire payer à David Sagara son apport aux résultats politiques obtenus par son parti car soupçonné d’avoir financé les campagnes avec l’argent perçu dans l’attribution de la zone aéroportuaire. Dans cette panique, annuler les autres occupations temporaires pour pourvoir ensuite les attribuées à de gros industriels qui misent sur les lieux avec espèces sonnantes et trébuchantes.

Nous y reviendrons !

Ibrahima Coulibaly

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance