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Interdiction d’orpaillage pendant la période hivernale : les orpailleurs de Kobada se «rebellent»

Le gouvernement malien veut faire du secteur minier un moteur du développement socio-économique pour créer des emplois et réduire la pauvreté. La stratégie a consisté à attirer les investisseurs miniers privés, cibler les exploitations minières industrielles, semi-mécanisées et l’orpaillage. Mais, la cohabitation entre mines industrielles et orpaillage constitue de nos jours une source de conflits dans les zones minières. L’orpaillage qui occupe de nos jours des centaines de milliers d’acteurs nationaux et étrangers, dont les activités sont au cœur de nombreuses controverses, a plusieurs incidences dangereuses, notamment sur la vie des orpailleurs en période hivernale. D’où l’arrêté interministériel interdisant l’activité de l’orpaillage en cette période. C’est justement sa violation par les orpailleurs de Kobada (Arrondissement de Kangaba) qui est à l’origine de morts d’hommes, de blessés graves et de dégâts matériels importants dans cette localité.

 Docteur Boubou Cisse ministre industrie mines biographie cv

Nous sommes jeudi 3 juillet 2014 aux environs de 8 heures. Au cours d’une mission de surveillance pour l’applicabilité de l’arrêté interministériel 2014-1663MM-MIS-MEEA-MDV du 6 juin 2014 portant «Interdiction de l’activité de l’orpaillage pendant la période hivernale» qui court du 15 mai au 30 octobre de chaque année et signé par les ministres des Mines, de l’Intérieur et de la Sécurité, de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, de la Décentralisation et de la Ville, une équipe de patrouille surprend des orpailleurs clandestins opérant, en violation dudit arrêté interministériel, à Kobada dans l’Arrondissement de Kangaba,. Les gendarmes en poste sur le site sont alors pris à partie par des individus mal intentionnés qui ont tiré sur eux avec des fusils de chasse, faisant un mort et huit blessés.

Invités à quitter les lieux, les orpailleurs se «rebellent» contre les agents de la force publique qui, au regard de leur nombre très élevé (un millier d’orpailleurs), utilise des grenades lacrymogènes pour pouvoir rejoindre leur base. C’est alors qu’une foule de manifestants hostiles et armés s’est attaquée au détachement composé de 37 gendarmes. Ils tirent avec des fusils de chasse, blessant 9 gendarmes dont un succombera lors de son évacuation sur le Centre de santé de Sélingué. Le bilan matériel très lourd se traduit par le saccage et la destruction des installations de l’unité pilote, bureaux et le stock de combustible de la société d’African Gold Group (AGG) que les manifestants ont entièrement incendiée.

À la suite des investigations menées sur le terrain, pour l’heure, 56 interpellations ont été faites dont deux individus en flagrant délit de tirer avec des fusils de chasse et chasseur traditionnel. Des saisies de matériels ont été faites dont 4 motos pompes, 6 manchettes, 2 appareils détecteurs d’or, 20 marteaux, 50 pioches.

Un décret interministériel pourtant salutaire pour les orpailleurs !

Dans ce pays, on ne semble rien comprendre et on pense toujours que les décisions gouvernementales sont prises pour nuire aux citoyens. Sinon, ce qui vient de se passer à Kobada est inacceptable, inadmissible. En fait, face au niveau élevé du prix de l’or, les orpailleurs se focalisent maintenant sur les sites exploités par les sociétés minière avec utilisation des méthodes et techniques modernes (broyeurs, détecteurs de métaux, minage aux explosifs.) et l’usage de produits chimiques toxiques et dangereux (mercure, cyanure, acide), sans respect des normes d’hygiène et sécurité.

Ils affichent leur désaffection et leur refus catégorique à s’installer dans les couloirs délimités par l’Administration minière, au prétexte que lesdits couloirs ne contiennent pas beaucoup d’or. Ce qu’ils ignorent, c’est leur comportement et leurs pratiques sont autant nuisibles au pays qu’à eux-mêmes. En effet, l’orpaillage a de graves incidences socio-sanitaires, environnementales, juridiques, sécuritaires, économiques et financières.

Sur le plan socio-sanitaire, l’orpaillage provoque une surpopulation sur les sites concernés, aux conséquences négatives multiples : prostitution, prolifération des IST/VIH-Sida, alcoolisme ; circulation, vente et consommation de la drogue, déscolarisation des enfants (travail des enfants), perte de l’autorité parentale et perturbation de l’équilibre familial, malnutrition, morts d’hommes et des cas de blessures graves suite à l’effondrement des galeries, emploi et effets négatifs des produits chimiques sur l’homme et sur l’environnement.

Au plan environnemental, l’activité se traduit par une intensification de la déforestation (coupe abusive de bois), la fragilisation du sol, l’occupation des terres agricoles, la destruction du couvert végétal, de la faune et de la flore, la circulation et l’utilisation de produits prohibés et le comblement des cours d’eau.

Sur le plan juridique, l’orpaillage hors des couloirs d’orpaillage est une activité illégale. La difficile cohabitation née de l’envahissement des sites miniers, les moyens utilisés constituent dès lors une source d’inquiétude et d’insécurité juridique pour les sociétés minières. Une bonne sensibilisation et large information s’avèrent nécessaires pour prévenir l’envahissement des sites miniers.

Au plan  économique et financier, l’orpaillage, tel que pratiqué de nos jours, ne génère aucun revenu financier pour le Trésor public. Aucune statistique fiable n’existe sur la production et la commercialisation de l’or produit dans le cadre de l’orpaillage qui fait le bonheur d’une poignée de personnes autour des sites. À cela, s’ajoute l’évasion fiscale.

Au niveau sécuritaire, les sites d’orpaillage se caractérisent par la surpopulation due à la porosité des frontières et à la fermeture des sites d’orpaillage de certains pays voisins ; la multiplication des cas de braquages à mains armées ; la circulation abusive et incontrôlée des armes légères et de petits calibres. Toujours dans le cadre sécuritaire, les risques liés à l’orpaillage artisanal sont nombreux. Les derniers accidents graves et mortels enregistrés sont les suivants : Bougoudalé (Yanfolila), 4 morts le 7 juillet 2012 ; Loulou (Kéniéba), 1 mort le 18 mai 2012; Loulou (Kéniéba) : 3 morts et 3 blessés graves le 25 mai 2012.

De l’analyse des accidents, il est apparu que c’est en hivernage que les effondrements mortels sont les plus fréquents, du fait de la nature fragile des sols; d’où la demande d’interdiction en cours. Des différents impacts y découlant et, soucieux de la sécurité des personnes et des biens, de la préservation de l’environnement, de la sécurité alimentaire, les ministres des Mines, de l’Intérieur et de la Sécurité, de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, de la Décentralisation et de la Ville ont un arrêté interministériel 2014-1663MM-MIS-MEEA-MDV du 6 juin 2014 portant «Interdiction de l’activité de l’orpaillage pendant la période hivernale. Elle court du 15 mai au 30 octobre de chaque année».

Dans le cadre de la mise en œuvre du présent arrêté, le département des Mines a organisé plusieurs réunions de partage, de sensibilisation avec des parties, y compris les structures faîtières et la société civile. Sur le terrain, les gouverneurs des régions de Kayes et de Sikasso ont également fait la sensibilisation et des actes administratifs dans le cadre de la mise en œuvre de cet arrêté. Ces différentes actions ont été menées à la suite des missions de terrain des cadres du département des mines dont la dernière remonte au 5 juillet 2014.

Espérons que nos concitoyens, notamment ceux qui excellent dans le domaine de l’orpaillage, comprendront le bien-fondé de cet arrêté interministériel pour que notre pays puisse résolument s’engager sur la voie du développement socio-économique.

Bruno LOMA

SourceLe Flambeau

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