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In memoriam GMT : Jiriba ye i sèmè !

Le dimanche, je suis en route pour Koutiala, dans le cadre de la campagne de sensibilisation et de proximité pour faire face à la pandémie du corona virus. Arrivés au niveau de Konobougou, une de mes compagnons de voyage, dans le bus, Tiouta TRAORE, Conseillère technique au ministère de la Communication, cheftaine de notre équipe, m’a confié : « Pour aller chez moi, à Barouéli, on prend cette bifurcation à gauche ». J’ai réagi en ces termes : « C’est dire alors que tu connais mon fiston Moussa Sadio TRAORE, ancien député, élu de la localité ? ». Elle s’est retournée vers moi : « Mais, comment ? Moussa Sadio est un frère du village ». J’ai pris prends mon téléphone et composé le numéro : « Mon fils ? Une grande surprise pour toi. Je suis avec Tiouta, ma fille ». Il m’a rectifié : « Ah, dis plutôt ta Tante ». Après, on a plaisanté et, avant de se quitter au téléphone, il m’a interpellé : « J’espère que tu as été voir ton grand-père GMT pour des bénédictions avant le voyage… ». Je lui ai répondu que non, avant de lui promettre d’aller te voir dès mon retour de voyage. Le même dimanche, nous sommes arrivés à Koutiala, la capitale de l’or blanc, et, le lundi, notre campagne de sensibilisation est organisée dans la grande salle de conférence du Conseil de cercle.

Ensuite, nous sommes revenus à Ségou pour y passer la nuit et pouvoir bien nous reposer afin d’être d’attaque le lendemain mardi. Je séjournais dans la grande famille, à Sokalakono, lorsque mon téléphone a sonné et c’était mon propre frère de lait, Hamouné BAH, qui m’informait des rumeurs sur les réseaux sociaux, annonçant ta mort. Je lui ai dit de m’accorder une minute, le temps pour moi de pouvoir infirmer ou confirmer cette terrible nouvelle. Je me suis renseigné auprès d’un frère, Lamine DIARRA, un ancien béret rouge, qui te fréquentait assidument. Lamine me l’a effectivement confirmé, à mon grand désespoir. Quand il n’y avait plus de doute sur ton décès, ton homonyme parfait de Barouéli m’a présenté ses condoléances, avant d’insister : « Le devoir t’incombe de témoigner pour la mort de ton ami, ton grand-père ». Après ton inhumation, il est encore revenu à la charge : « C’est un ordre, il te faut écrire quelque chose pour honorer, ne serait-ce qu’en partie, ta promesse faite 72h auparavant… ». En vérité, j’ai été pris de court par ta mort soudaine et je n’étais point préparer une conséquence pour un tel exercice. Mieux, tout a été dit et bien dit, par des voix plus autorisées et plus éloquentes que la mienne. Finalement, je me suis résolu à coucher quelques imperfections sur le papier, convaincu que je ne saurais me hisser à la hauteur du douloureux événement. Pour deux raisons au moins : d’abord, ton amitié solide et indéfectible avec le Chérif de Nioro, que tu comprendras plus bas ; ensuite, l’estime et le respect que je vous dois, pour votre sens élevé du sinankuya. .

L’homme des mardis fétiches

En effet, l’homme des 3 mardis fétiches et 2 vendredis saints s’est couché, comme le baobab de Sébétou: un mardi, tu as pris le pouvoir en novembre 1968 ; encore un mardi, tu as quitté le pouvoir en mars 1991 ; enfin un mardi, tu as rendu l’âme en septembre 2020. Un vendredi 1936, tu es né à Sébétou, à Kayes-ba DIABATE, donda kilin, ani boda kilin ; un vendredi 2020, tu es inhumé, à Bamako, Banba-NIARE, Sigibaa-NIARE, taabaa-NIARE. Une foule immense t’a rendu les derniers et ultimes hommages, dus à ton rang d’ancien chef d’Etat, d’ancien général d’armées 5 étoiles, mais aussi et surtout, d’homme d’honneur et de dignité, pétri de valeurs sociétales maliennes dont la plus emblématique demeure justement le cousinage à plaisanterie ou sinankuya, évoqué ci-dessus.

En ce qui me concerne, je peux témoigner sur l’honneur, devant Dieu et les hommes, que c’est avec joie, sinon avec félicité, que tu acceptais et t’adonnais, en tous lieux et en toutes circonstances, à cette pratique sociétale de première importance pour nous autres Maliens et même ouest-Africains.

La première fois, c’était à Markala, où tu étais détenu en résidence surveillée après ta double condamnation pour crimes de sang et crimes économiques, peu avant d’être gracié par le Président KONARE, en 2001. Ce jour-là, j’y accompagnais Cheickné Hamalla SIMPARA, fils de Bakoroba SIMPARA, originaire de Banamba, puis élevé dans la famille du Chérif de Nioro du Sahel, et Abdramane TRAORE dit Japa, beau-frère du Chérif de Nioro, oncle maternel de son fils nommé Chikati HAIDARA. Nous nous sommes présentés devant de portail de la ta résidence et après une présentation sommaire, on nous a laissé entrer. Tout de suite, tu as salué SIMPARA que tu connaissais déjà. Ensuite, Abdramane s’est présenté à toi et tu as déclaré à son sujet : « Toi, tu es un des nôtres ». Quant à moi, je n’ai pas décliné mon identité, préférant te serrer la main, une première foi et la seconde fois, tu as vite compris, avant de lâcher : « DIARRA ». J’ai aussitôt répondu par la formule consacrée : « M’baa ». Cette réponse signifie : « J’assume mon nom et mon héritage avec honneur, bonheur et fierté ». Mais, tu as aussitôt enchainé avec les attaques amicales dans le cadre du cousinage qui nous lie à jamais : « Prends place, les fils du petit-fils de mon ami ». C’était une manière pour toi de te mettre sur le même pied généalogique que mon arrière- grand-père. Ensuite, les flèches étaient décrochées de part et d’autre, les unes plus pointues que les autres. Dans cette guerre des tranchées, ma sœur Mariam, ton épouse, a pris fait et cause pour moi, me faisant une révélation fracassante qui t’a mis KO débout : le jardin de ta résidence était transformé en champ de haricot blanc. J’en ai profité pour lancer des piques plus acérées, avec plus d’audace et de témérité. Ta décontraction et ta joie étaient immenses ce jour-là, au point de laisser bouche-bée Founé N’Fa CAMARA, ton griot attitré. Vu le cran que j’affichais vis-à-vis de toi, ce dernier m’a demandé pour savoir d’où est-ce que j’étais un DIARRA originaire. Je lui ai automatiquement répondu : « Nioro du Sahel ». « Fils de qui », m’a-t-il interrogé ? J’ai répondu : « Monzon », communément appelé Tiédian, à cause de sa grande taille. Founé N’Fa t’a ainsi confié : « Son père est le petit-fils en ligne directe de Damonzon ». En effet, Founé N’Fa a personnellement connu mon grand-père Bassériba, à Banankoro (où repose Damonzon) et mon père dans la zawiya du Chérif de Nioro, au lendemain du coup d’Etat en 1968, quand il avait été missionné par Moussa TRAORE pour se confier au Chérif Bouillé HAIDARA. Pour la petite histoire, c’est au cours d’une de ses causeries avec les fidèles hamallistes que N’FA a déclamé la généalogie de mon père, permettant au Chérif de Nioro de connaître davantage mon père au-delà de la filiation religieuse avec le grand Chérif HAMALLA. Aussi, après le décès de mon père, la prière mortuaire a-elle été dirigée par le Chérif Bouillé en personne, une première dans la ville, ce jeudi 11 novembre 1982. C’est dire que ton griot attitré a beaucoup contribué à la respectabilité et à la dignité de mon père à Nioro du Sahel.   

Maréchal vs Général

Après la visite de Markala, je te rendais régulièrement visite, à Djocoroni, où tu résidais jusqu’à ta mort. A chaque visite, je te portais des coups auxquels tu répondais du tic au tac, à commencer par l’entrée. En effet, je me présentais avec l’identité de « Maréchal SOD » que les gardes de faction ne parvenaient pas à décoder parce qu’ils me prenaient pour un « maréchal de logis » de la gendarmerie. Or, pour moi, tu es certes général ; mais, moi, je suis au-dessus de toi avec mon grade de maréchal. Tu décodais parfaitement mon manège et tu donnais l’instruction suivante : « J’attends effectivement la visite du fils du petit-fils de mon ami, nommé SOD. S’il s’agit du fils du petit-fils de mon ami, il peut entrer. Dans le cas contraire, je n’en connais pas un autre ». Pour accéder à ta résidence, j’étais bien obligé d’accepter d’être « le fils du petit-fils de ton ami ». Une fois dans ta résidence, tu me faisais installer à côté de toi, une petite tablette nous séparant, où sont posés un verre et une bouteille d’eau. Mais, comme à Markala, ma sœur Mariam se rangeait systématiquement de mon côté, m’octroyant parfois le titre de « vrai chef de famille » au moment des repas. On causait et tu me régalais avec plein d’anecdotes sur notre cousinage à plaisanterie, confirmées par d’autres connaissances et proches.

Tiens, un jour, en tournée dans la région de Sikasso, une vielle tante KONE te cherche dans la délégation, sollicitant de l’aide pour la mener à toi. Comme elle ne te connaissait pas physiquement, tu lui prends la main pour la donner à un ministre membre de la délégation, après lui avoir dit : « Voici Moussa TRAORE ». La vielle dame remet son panier de haricot à ton ministre KONE, pensant que c’était toi.

La seconde fois, c’était avec feu le général Amadou Baba DIARRA, en tournée à l’intérieur du pays. Vous arrivez dans un village dont le chef est KONE/DIARRA. Le chef de village t’offre, en guise cadeau, un sac de haricot. Discrètement, tu demandes à tes gardes-du-corps d’aller cacher le sac dans le coffre de la voiture appartenant au général Amadou Baba DIARRA. Au moment du départ, pour donner au revoir au village, tu interpelles le chef de village au sujet de ton sac de haricot. Devant le désappointement du chef de village, tu proposes toi-même une solution pour retrouver le sac de haricot : fouiller toutes les voitures avant le départ, afin de dénicher le sac en question. Après quelques fouilles, tu demandes à ouvrir le coffre de la voiture du général Amadou Baba DIARRA, identifiée comme telle et confirmée par lui-même. On ouvre le coffre en présence du chef de village et de Baba DIARRA lui-même. Surprise : le sac de haricot y était caché. Le chef de village et Baba DIARRA sont tous les deux confus. « Tu m’as offert un sac, mais ton frère l’a volé pour s’en approprier », lances-tu à tes deux Tontons.

La troisième anecdote restée également célèbre est celle qui s’est déroulée à Ségou où un DIARRA vous fait une blague, en citant un proverbe bien connu : « Le margouillat profite bien de l’abreuvoir de la volaille ». Tu apostrophes ton père-cadet en ces termes : « Qui est-ce qui est le margouillat dans cette histoire » ? Il te répond : « Moi ! ». « Et qui est-ce qui est la volaille dans cette affaire », enchaines-tu. « C’est encore moi », répond encore ton père-cadet. Tu conclus par ces mots : « Fo tan », c’est-à-dire « bien dit ». No comment !

Tous les TRAORE se délectent de l’histoire du colonel Missa KONE qui tu aurais interpellé un MARDI. Il refuse catégoriquement de répondre à ta convocation, préférant un autre jour au « mardi fétiche », que tu affectionnais tant.

Enfin, le Mali entier est témoin du respect et de la considération que tu accordais à l’association « Sinankuya », portée sur les fonts-baptismaux par Sékou Silamakan DIARRA, à laquelle tu as contribué à donner crédit et prestance, par ta présence physique aux manifestations qui sont organisées dans ce cadre et les propos de sagesse et de rassemblement que tu prodiguais à ces occasions.

Quand la famille KONE/DIARRA a appris ta mort soudaine, elle a commandité une autopsie pratiquée à l’Hôpital mère-enfant du Luxembourg, par le Dr DIARRA, ayant révélé « une intoxication alimentaire, due à une consommation immodérée de haricot blanc et vert ».

Dors en paix, mon général.

I Tarawele Turamakansi !

Oh Sama (grand éléphant) !

Oh Sama (grand éléphant) !

Oh Sama (grand éléphant) !

Par Seydina Oumar DIARRA

Alias Maréchal SOD

Journaliste

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