L’institution a aussi réussi courant 2021, le pari très important du renouvellement de ses organes de gestion et de contrôle pour raison de limitation du nombre de mandat des anciens élus. Ces nouveaux élus ont insufflé un nouveau dynamisme à l’institution. Grâce à tous ces facteurs sus évoqués, en plus de la confiance renouvelée des sociétés et des partenaires techniques et financiers nationaux et internationaux, tous les agrégats ont été à la hausse en 2021.
Le menbership, la collecte de l’épargne, la distribution du crédit ont enregistré des croissances respectives de 2,72 % pour le sociétariat (atteignant 448 milles membres), 12,88 % pour la collecte des ressources, (passant du montant de 41 milliards en 2020, au montant de 46,6 milliards en 2021) et enfin 13,62 % pour le crédit distribué avec le montant passant de 39,7 milliards à 45,2 milliards entre 2020 et 2021. Grâce à ces embellies, l’institution est passée d’un déficit de 291 millions, en 2020, à un résultat bénéficiaire record, en 2021, avec plus d’un milliard de F CFA. Kafo Jiginew entend achever le processus de modernisation de son Système d’Information et de Gestion pour mettre à la disposition de ses membres/clients toutes les commodités de la digitalisation des services.
Mali-Tribune: Après avoir bouclé votre première année à Kafo Jiguignew, quelles sont les grandes notions apprises?
Ibrahima Kéita : Merci ! Permettez-moi d’abord de vous remercier de m’offrir cette opportunité de communication et d’information et de souhaiter le retour rapide de la sécurité, de la paix et de la concorde dans notre pays. Prions pour le repos éternel de l’âme des militaires et civiles tombés sur le champ de l’honneur et pour que le Mali retrouve sa sérénité ancienne, dans l’unité et la prospérité.
Ceci étant, Kafo Jiginew est la plus grosse institution de micro finance au Mali, créée depuis octobre 1987 dans un petit village à Kaniko (actuelle région de Koutiala). Je suis dans cette institution depuis environ 24 ans, depuis juin 1998, mais l’institution même a célébré sa 34è année en 2022. En janvier 2021, je fus nommé par le Conseil d’administration comme Directeur Général dans une situation assez difficile et complexe. En effet, la pandémie de Covid-19 avait atteint son paroxysme, avec tous ses effets néfastes corollaires. Aussi, l’insécurité battait son plein, en plus d’une forte instabilité politique, aboutissant à l’effondrement de toutes les institutions de la république en août 2020. Nous avons pris la destinée de cette institution dans ce contexte très difficile et complexe, à telle enseigne que la croissance même du pays en 2020, s’était contractée de 1,2 %.
En milieu urbain, il y avait un choc économique. En milieu rural, la principale culture de rente du Mali, qu’est le coton, a pris un coup. Ainsi, la production cotonnière du pays est passée de plus de 700.000 tonnes de coton graines en 2019 à 150 000 tonnes environ en 2020. Toutes choses qui ont fait que l’activité de Kafo Jiginew, en 2020, a connu une forte décroissance, en termes de production de crédits qui est la principale source de ses produits financiers. Aussi, la qualité du portefeuille de crédit s’est fortement dégradée à l’instar de l’ensemble des établissements financiers, à telle enseigne que la banque centrale Bceao, à travers la politique des chefs d’états et de gouvernements de L’Umoa avait demandée de procéder aux reports d’échéances des crédits. Malheureusement la micro finance n’a pas eu le même soutien d’accompagnement que les banques. C’est bien dans ce contexte extrêmement difficile que nous avons pris la destinée de l’institution, il fallait rapidement réfléchir à une stratégie pour sortir de cette situation très inconfortable. C’est, ce que nous avons fait avec la nouvelle équipe dirigeante composée des techniciens de la Direction générale et les élus des nouveaux organes de gestion et de contrôle, pour mettre en place une feuille de route qui s’arrimait avec le plan d’affaire qui s’étale de 2019 à 2023. Cette feuille de route a mis en place les grands jalons conformément aux trois axes stratégiques, à savoir :
1er axe : la consolidation des acquis,
2ème axe : le renforcement du contrôle interne, des opérations et de la sécurisation des guichets,
3ème axe : la modernisation du système d’information de Gestion et des services.
Tels ont été notre ligne directrice pour conduire l’exercice 2021 pour arriver au bon résultat ci-dessus évoqué.
Mali Tribune : Comment se porte Kafo Jiginew maintenant, si l’on sait que le Mali a battu le record de la production de coton durant la campagne précédente 2021/2022 ?
IK. : Exactement 2021 a été l’année de la relance de l’économie du Mali.
Toutes les crises que j’ai citées plus haut, et qui avaient atteint leur point culminant, en 2020, avaient trouvé une atténuation en 2021 telles que : la pandémie de Covid-19, l’instabilité politique avec le rétablissement des institutions de la république, le retour de la confiance des partenaires, mais aussi la reprise de la culture du coton, qui est la principale culture de rente et qui occupe une place de choix dans l’économie nationale. Ainsi, le pays est passé de 150 000 tonnes de la production de graine de coton en 2020, pour atteindre à nouveau plus de 700 000 tonnes et a récupéré son premier rang des pays producteurs d’Afrique au Sud du Sahara. La croissance du Mali est passée d’une contraction de 1,2 %, en 2020, à un peu plus de 5 % en 2021. Kafo Jiginew n’est pas resté en marge. Heureusement, l’institution avait lancé une feuille de route en 2021 pour sortir de cette situation très difficile en 2020. La mise en œuvre de notre feuille de route couplée à l’effort conjugué de tous les partenaires techniques et financiers, des sociétaires, des élus et de l’ensemble des techniciens nous a permis d’amorcer une croissance saine et maîtrisée, mais aussi d’améliorer la qualité de la gestion et d’amorcer, en même temps, une modernisation du système d’information, qui est aujourd’hui exécuté à près de 80 %. C’est la combinaison de tous ces facteurs qui nous a amené en 2021, à battre le record dans la rentabilité globale de Kafo Jiginew.
Mali Tribune : Est-ce que la crise sécuritaire affecte vos sociétaires et quels sont les impacts sur la saison à venir ?
I K. : La crise sécuritaire a eu des impacts. Nous avons eu des membres ou des guichets qui sont implantés dans les zones où l’insécurité avait sévi et qui a empêché les gens de travailler, empêchant nos guichets de s’ouvrir à la clientèle par endroit et à certaines périodes. Quelques guichets ont été aussi victimes de braquage en pleine journée. Nous avons su gérer cette situation avec parcimonie et en intelligence avec nos forces de l’ordre et en rapport avec les structures privées de sécurité en plus d’une organisation interne de travail adaptée à la situation. Et c’est d’ailleurs pourquoi, nous sommes en train d’accélérer la modernisation de notre système d’information et de gestion pour aller à la digitalisation, qui va être une solution rationnelle et efficace, adéquate et pérenne pour mieux servir les membres, dans une certaine sécurité. La digitalisation va entraîner une rareté de la circulation de la monnaie fiduciaire. Les clients pourront ainsi avoir d’autres moyens de paiement sécurisé, électronique, et vont échapper à des agressions physiques à cause du port de liquide.
Mali Tribune : Nous sommes à la veille de votre conseil d’administration, quelles sont les grandes annonces attendues cette année ?
IK. : Cette année, je pense que les grandes annonces aux membres, c’est de toujours rester engagés et résilients, car le pays traverse une période difficile. Je profite de cette tribune pour exhorter tous les Maliens à faire montre d’une forte capacité de résilience, d’une très forte capacité d’écoute et de compréhension mutuelle. Je pense que cette situation est certes inquiétante mais passagère, je suis convaincu que si les Maliens renforcent leur cohésion, leur capacité de résilience, nous allons surmonter cette difficulté et voir un avenir meilleur en transformant la menace en une véritable opportunité. Qu’il en soit ainsi.
Mali Tribune : Est-ce qu’on verra dans les années à venir Kafo évoluer pour devenir une banque agricole ?
I K. : C’est une question un peu complexe (rires). Kafo Jiginew est déjà fortement ancrée en milieu rural et aujourd’hui, l’institution a une politique de diversification en termes d’activité mais aussi une diversification géographique. Parce que c’est grâce à cette diversification que nous avons pu établir un vase communicant entre le milieu rural et le milieu urbain. Il est plus facile de collecter de l’argent en milieu urbain pour financer les activités agricoles. Il y a moins d’épargne en milieu rural, mais il y a beaucoup plus de travail, beaucoup d’initiatives, beaucoup plus de besoins de financement en milieu rural qu’on ne puisse collecter les ressources pour les financer.
Pour l’instant, nous travaillons en toute intelligence et en parfaite synergie avec toutes les banques nationales et avec assez de partenaires techniques et financiers internationaux. Ainsi, là où les banques ne peuvent pas aller, Kafo Jiginew se fait financer par elles au niveau national mais aussi au niveau sous-régional et international pour atteindre ces populations cibles vulnérables. Nous estimons que nous sommes une institution de microfinance qui a la mission particulière de s’adresser à une couche vulnérable que les banques ne peuvent pas atteindre. Donc, si on se transforme en banque, est-ce qu’on ne va pas s’éloigner de notre mission sociale. Donc pour l’instant, je pense qu’il faut en tenir compte, c’est une structure de microfinance qui a une mission fortement sociale, qui s’intéresse à l’économie sociale et solidaire mais qui travaille en synergie avec les banques pour atteindre ces cibles et améliorer leurs conditions de vie.
Mali Tribune : De façon générale, comment se porte le secteur de la microfinance au Mali ?
I K. : Le secteur de la microfinance dans notre pays a connu les mêmes difficultés que tous les acteurs économiques, que ce soit le secteur primaire (principalement l’agriculture et artisanat), le secteur tertiaire (principalement les services tels le transport, le tourisme et autres prestations de services) et le secteur industriel (principalement les unités de transformations et de productions). En effet, comme je disais plus haut, 2021 a été un peu une embellie. Parce que toutes les crises, qui avaient atteint un point culminant en 2020, ont été fortement atténuées et, surtout, avec la montée en puissance de l’Armée, que nous saluons tous. Cela a fortement fait baisser l’insécurité mais aussi il y a eu une forte capacité de résilience des Maliens, qui doit se renforcer, pour soutenir les autorités, malgré les difficultés. Il y a des lueurs d’espoir. L’incompréhension actuelle avec la communauté sous-régionale et internationale, à travers les sanctions qui fragilisent le peuple malien, à moyen et long terme, peut affecter tous les acteurs économiques. C’est une crainte qui est là et nous osons bien espérer qu’il va y avoir rapidement une solution pour qu’on sorte de ces sanctions, qui peuvent, à la longue, être préjudiciables pour toutes les activités et pouvant entraîner une paralysie de l’économie nationale. Puisse le bon Dieu nous protéger tous et protéger notre cher Pays.
Mali Tribune : Qu’est ce qui a été fait dans le sens de la modernisation et qu’est-ce qu’elle a apporté comme fruit ?
I K. : C’est une nouveauté et une obligation la digitalisation, soit on y va, soit on va déposer la clé dans un avenir à moyen long terme car, c’est la nouvelle orientation du monde et elle est imposée à tous les acteurs économiques pour survivre. Kafo Jiginew a compris ce message. C’est pourquoi, cet aspect en lui seul constituait d’ailleurs le troisième axe de notre plan stratégique 2019-2023. Avec la Banque Européenne d’Investissement, nous avons bénéficié d’un appui technique et financier pour élaborer une stratégie de digitalisation.
Cette stratégie est aussi conforme à une activité principale de la feuille de route. Ainsi, pour accélérer le processus, nous avons identifié une évolution du système d’information que nous utilisons déjà qui offre toutes les commodités de la digitalisation.
Je m’en vais vous dire que toutes les études ont démontré, avec statistiques à l’appui, que la modernisation du système d’information et de gestion est une activité assez complexe et très exigeante. C’est pourquoi son taux d’échec est de près de 75 % quelle que soit la taille et la capacité financière de l’entreprise. Et les 25 % qui réussissent, ont des dépassements de budget et de timing d’exécution avec une période de perturbation des activités et de stabilisation du système. Dieu merci, ce que Kafo Jiginew est en train de faire est une solution déjà utilisée ailleurs, cela est une grande chance et nous nous sommes inspirés de cette expérience. Par contre, au cours de l’exécution et à l’instar de toute solution informatique, il y a eu quelques impondérables qui ont perturbé l’activité par moment. Nous profitons de cette occasion pour présenter nos excuses aux sociétaires et les rassurer que tout est rentré dans l’ordre désormais grâce à l’engagement conjugué de tous les acteurs et aux financements additionnels en fonctionnement et en investissement pour proscrire les différentes difficultés rencontrées.
Vive Kafo Jiginew (l’institution de microfinance qui vous comprend) dans un Mali Uni et prospère
Propos recueillis par
Alexis Kalambry