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IBK rejoint (enfin) ATT

Humilité ! Le président Ibrahim Boubacar Kéïta doit faire sienne cette vertu cardinale qui fonde toute responsabilité d’Homme d’Etat. Il le doit, d’autant plus que le destin, doublé de l’histoire des faits récents dans notre pays, le rapproche inexorablement de son prédécesseur Amadou Toumani Touré. Depuis quelque temps en effet, IBK, dans ses discours rejoint ATT dans ses convictions pour le Mali. Les deux hommes ont désormais une parfaite identité de vue notamment dans le dossier du nord, plus particulièrement sur la solution par le dialogue, la nécessité de la coopération sous régionale voire internationale, la connexion entre le Mnla, Aqmi et les autres groupes armés (Ançardine et Mujao) et l’appel à éviter l’amalgame. Si IBK reste dans cette dynamique à corriger ses erreurs en se rappelant au bon souvenir des discours d’ATT, alors les Maliens peuvent espérer.

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Arrivé au pouvoir avec une légitimité confortable, Ibrahim Boubacar Kéïta a raté le coche dès ses débuts. Son erreur ? Il a voulu gouverner, d’abord, en faisant table rase sur tout ce que son prédécesseur a dit, fait, conçu et proposé ou en condamnant tous les actes posés par celui-ci ; ensuite, en s’acharnant éperdument sur ATT. Or jusqu’au renversement du régime d’ATT, en mars 2012, les deux hommes entretenaient de bons rapports.
Justice divine
Au lieu de s’occuper aussitôt du problème du nord pour lequel les Maliens l’ont plébiscité, IBK a passé le clair de son temps à se victimiser et à vilipendé le président Amadou Toumani Touré, l’accusant à tort de tous les malheurs (passés et présents) du pays.

Nul n’est utile de rappeler ici ces attaques méchantes à l’endroit d’ATT. Car, l’histoire a rattrapé IBK à petits pas et au fil de la succession des événements malheureux qui meublent le quotidien du pouvoir et de la nation. Justice divine, pourrait-on dire. Aujourd’hui, l’histoire s’est répétée sur plusieurs fronts mettant IBK face aux dures épreuves qu’ATT a du affronter à son ère. Cas concrets : il y a eu Aguelhoc 2012 et Kidal 2014 ; tout comme le 23 mai 2006 et 18 janvier 2012 (respectivement attaque de Kidal et de Ménaka) et le 17 mai 2014 (prise du gouvernorat de Kidal). Hier, IBK a pleuré suite à l’évacuation de Tessalit : Quand Tessalit a été évacué sur ordre supérieur, j’ai pleuré ce jour là sachant moi l’importance stratégique de Tessalit », avait-il confié sur RFI. Et selon lui, une armée ne doit jamais abdiquer : « Je pense qu’une armée doit toujours livrer bataille quand elle est encerclée. Il y a une très lourde responsabilité qui a été prise là et elle doit être assumée ».

Aujourd’hui, l’histoire place IBK devant les faits, avec la débandade de l’armée à Kidal le 21 mai et son appel au… cessez-le-feu.

Toujours est-il que depuis un certain temps, le président s’est résolu à l’évidence et verse invariablement dans les discours tenus à un moment son règne par ATT. IBK est d’accord avec ATT sur toutes les propositions et solutions concernant le dossier du nord.

Le dialogue : arme d’ATT
ATT gère les rébellions depuis 1991, mais il l’a toujours fait par le dialogue et la négociation. En 1992, le 11 avril, il a signé avec la rébellion arabo-touarègue le pacte national. Avec la rébellion de 2006 qui a éclaté le 23 mai, il a aussi signé, le 4 juillet, l’Accord d’Alger. A l’éclatement de la rébellion de janvier 2012, le président Touré était toujours resté dans la logique du dialogue et de ne pas faire la guerre. « Je suis à la retraite mais Officier-Général. J’ai passé par l’école de guerre ; j’ai passé par les académies soviétiques. Je sais de quoi je parle ; lorsque les politiques me parlent, je les écoute, je sais de quoi je parle, lorsque la diplomatie me parle, je comprends ; lorsque les militaires me développent leurs manœuvres, je les comprends. Je pense que le Mali jusque-là, a essentiellement fait de se défendre et protéger nos populations. Nous n’avons voulu nous entraîner dans une guerre que les autres veulent parce que nous ne la voulons pas… C’est mon sens de patriote, c’est mon sens plutôt d’homme d’Etat, d’homme lucide qui me commande. Je ne peux pas écouter les bruits de ville, de gens qui ne savent pas de quoi, ils parlent et pensent qu’il n’y a qu’à faire la guerre. Non, je ne ferai pas de guerre. Nous devons plutôt tout faire pour que la paix revienne au Mali», n’avait-il cesse de répéter. Car selon lui, «Au Mali, on n’a plus besoin de prendre des armes pour se faire entendre. La démocratie offre toutes les voies d’expression à tout citoyen. Et puis, la décentralisation est un statut particulier par lequel les élus peuvent, par différentes voies, – administratives et politiques – transmettre les doléances, les suggestions et critiques aux autorités ».

IBK avait quasiment ignoré la voie du dialogue en alignant des discours va-t-en guerre. Aujourd’hui, il s’aligne sur la conviction de ATT. Il le prouve dans son message à la nation du 19 mai 2014 suite aux événements survenus à Kidal : « Le Mali ne perdra jamais de vue une de ses valeurs cardinales, à savoir le respect de ses engagements.

Nous allons donc au dialogue, convaincus que nous sommes que le salut passe impérativement par là. Le salut si, bien entendu, toutes les parties, le gouvernement du Mali, la communauté internationale, les mouvements armés, s’acquittent de leurs engagements, chacune à son niveau de responsabilité.

C’est à ce prix que sera capitalisé le formidable élan de solidarité internationale dont notre pays a bénéficié et pour laquelle je renouvelle la gratitude de toute la Nation. C’est à ce prix que peut prospérer le fragile processus de pacification et de réconciliation de notre pays ».

Nécessaire coopération régionale
De septembre 2006 jusqu’à son départ de Koulouba le 22 mars 2012, le président Amadou Toumani Touré a sollicité auprès de ses pairs chefs d’Etat africains et de France, auprès de l’Union africaine et des Nations unies, l’organisation d’une conférence internationale sur la paix et la sécurité dans la bande sahélo saharienne. Car pour lui, toute recherche de solution aux problèmes multiformes de la bande passe par là. Il l’a dit en 2010 et l’a confié à RFI en février 2012 : « Les forces terroristes actuelles ne sont pas au dessus de nos capacités. Il faut un plan sous-régional… Je le répète, mon pays est otage et victime. Ces gens ne sont pas Maliens, ils sont venus du Maghreb avec des idées que nous ne connaissons pas… Le problème, c’est le déficit de coopération régionale. Chacun se plaint du voisin, et les actions isolées sont vouées à rester ponctuelles… J’ai appelé en septembre 2006 à une conférence Sahélo-saharienne pour la paix et le développement en présence des chefs d’Etat. Personne ne m’a écouté… ».

A l’heure actuelle, Ibrahim Boubacar Keïta est sur cette même longueur d’onde. En témoigne son discours en novembre 2013, à l’occasion de la réunion ministérielle sur la sécurité dans le Sahel. En présence du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, et de la présidente de la commission de l’Union Africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, IBK a fait le constat que le Mali, à l’instar des autres pays du Sahel, est victime d’une concentration de vulnérabilités, tout en insistant sur le fait qu’aucun Etat de la région ne peut faire face, seul, à une crise qui touche le Sahel entier. « Nous sommes indissociablement liés dans une communauté de destin. Toutes les nations doivent converger vers la matérialisation du triptyque sécurité, développement et paix » a déclaré IBK.
Autre aspect de concordance de vue entre ATT et IBK, c’est la connexion entre les rebelles du Mnla et Aqmi ainsi que les groupes djihadistes. ATT en a toujours été convaincu et l’a à toutes les occasions fait savoir à ses interlocuteurs. Les massacres d’Aguelhoc sont l’œuvre d’Aqmi, au vu de la méthode utilisée, avait-il confié à Alain Foka de RFI.
Depuis le 19 mai dernier, IBK le rejoint dans son discours à la nation : « Il n’est plus permis de douter de la collusion entre les mouvements armés sévissant dans le Septentrion malien et le terrorisme international : samedi dernier (ndlr : 17 mai 2014), les fanions d’Aqmi et d’Ançardine flottaient en effet sur les véhicules des agresseurs, à côté de ceux du Mnla ; Qui plus est, la prise d’otages ainsi que leurs exécutions sommaires, constituent les meilleures illustrations, quoique macabres, de cette collusion ».
Eviter l’amalgame
Un dernier point de convergence entre les deux chefs d’Etat, c’est l’appel à la retenue à chaque fois qu’il y a des attaques d’une localité au nord. ATT et IBK invitent notamment les populations à ne pas faire l’amalgame, c’est-à-dire à ne pas confondre ceux qui attaquent au nord et les populations touaregs et arabes installées ailleurs dans le pays. Cas concrets :
« Je ne me lasserai jamais de rappeler, comme à Diéma en mai 2006 et plus récemment à Dioïla, Barouéli et Touba, que le Mali est Noir, que le Mali est Blanc et d’y ajouter que cette diversité est une force et une richesse que nous devons préserver à tout prix.
J’invite donc l’ensemble de nos compatriotes à garder le sens de la fraternité qui nous a toujours caractérisés, à éviter le piège de la confusion et de l’amalgame pour ne pas faire le jeu de ceux qui ont choisi de troubler la quiétude de notre pays.

Je voudrais convier toutes les Maliennes et tous les Maliens à savoir faire la part des choses. Ceux qui ont attaqué certaines casernes militaires et localités au Nord ne doivent pas être confondus avec nos autres compatriotes Touareg, Arabes, Songhoï, Peulh… qui vivent avec nous, qui vivent nos difficultés, qui ont choisi le Mali, qui ont choisi la République, qui ont choisi la loyauté et qui ont les mêmes droits et les mêmes aspirations que nous à vivre en paix dans un pays dédié totalement à son développement.

Ne les confondez pas avec ceux qui ont tiré à Ménaka, Tessalit, Aguelhoc, Niafunké et ailleurs. Nous avons plutôt le devoir d’aider nos frères et sœurs, de les assister pour surmonter les épreuves du moment. Que personne ne fasse cette confusion dans les quartiers, dans les villages et hameaux, dans les camps militaires, dans les camps de la Garde Nationale, dans les Services de la Douane, et tous les autres Services de l’Etat, Administration publique comme privée. Ne faites pas d’amalgame entre celui qui a tiré là-bas, sur un poste militaire, et un autre malien qui, ici, travaille et s’occupe dignement de sa famille », avait dit ATT dans son discours du 1er février 2012 suite aux massacres d’Aguelhoc.

Après les récents événements de Kidal, IBK l’a répété : « Pour ce qui nous concerne, nous ne faisons pas d’amalgame ; nous ne nous trompons pas d’analyse. Nous savons que, malgré les gesticulations de ces fauteurs de trouble et de guerre, la Région de Kidal compte majoritairement des Maliens qui n’aspirent qu’à la paix, au bien-être et à la considération dont notre politique-phare, la décentralisation poussée jusqu’à la régionalisation, est porteuse.

A ces braves et honnêtes citoyens dont je mesure les difficiles conditions de vie, je réitère mon profond respect. Je leur dis que les tragiques événements de Kidal qui nous endeuillent ne nous feront pas dévier du chemin que nous nous sommes tracés : le développement, le développement rapide et visible dans tout le Mali, sur l’ensemble du territoire malien ».

Au vu de tout ce qui précède, ATT doit-il être poursuivi pour haute trahison dans sa gestion de la crise du nord ? Si oui, et IBK alors ? C’est là, toute la question.

En attendant, l’opinion malienne constate que IBK a rejoint ATT presque sur tous les points concernant la gestion du nord.

Sékou TAMBOURA

SOURCE: L’Aube
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