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IBK : le mythe s’effondre

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Ibrahim Boubacar Kéïta avait conquis l’estime, la confiance, la considération et le cœur des Maliens, de toutes classes, de tous âges. « L’homme de la situation » pour les uns, « L’homme à poigne » pour les autres, « Le prototype de chef d’Etat » pour tous, les qualificatifs laudatifs fusaient à propos de l’ancien Premier ministre du Mali qui était devenu un MYTHE pour ses concitoyens. Mais, il a fallu qu’IBK accède à la magistrature suprême pour que toute cette légende s’effondre comme château de cartes. Plus que les 77% d’électeurs qui l’ont plébiscité, c’est aujourd’hui l’ensemble des 15 millions de Maliens, ou presque, qui voient en lui, non pas cet homme capable de régler tous les problèmes, mais un simple mortel qui change au contact du pouvoir suprême et de son luxe. IBK, président du Mali, a perdu de toute sa superbe, donc de son aura auprès des Maliens.

 

Le président Ibrahim Boubacar Kéïta était très bien parti pour réussir sa mission. Pourquoi ? Pour trois raisons fondamentales.

 

Primo, la nature lui a alloué le meilleur compagnon possible pour un chef d’Etat : le peuple. Secundo, l’homme était précédé de la précieuse réputation d’être, pour ses concitoyens et même pour la communauté internationale, le seul et unique Malien à pouvoir résoudre la crise du nord.

 

Tertio enfin, IBK a fait ses preuves à un moment crucial de l’histoire du Mali.

 

El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta a, en effet, été élu par plus de 77% de Maliens. Quasiment un plébiscite. C’est dire combien la tachea été facilitée pour le nouveau président, pour peu qu’il déchiffrât correctement ce message codé.

 

Cette ruée vers BK se justifiait tout d’abord par le fait que les Maliens n’avaient aucun doute quant à ses réelles capacités à résoudre définitivement le problème du nord.

 

Au sortir d’une crise aussi profonde, le Mali avait besoin d’un homme à poigne, pour consolider, non seulement sa démocratie mise à mal par le putsch du 22 mars 2012, mais aussi les acquis d’un retour à la paix légués par la transition. En un mot, on cherchait quelqu’un qui pouvait « finir la rébellion », ramener définitivement Kidal dans le giron du Mali, bref, faire du Mali un Etat UN et indivisible. Les regards ont convergé vers IBK, élu sans coup férir.

 

Si cela fut, reconnaissons-le, c’est aussi parce que l’homme justifie d’un passé où il avait convaincu plus d’un par sa méthode rigoureuse de gestion.

 

En effet, les Maliens gardent encore à l’esprit que c’est Ibrahim Boubacar Kéïta, nommé Premier ministre de redressement en février 1994, qui a stabilisé le régime d’Alpha Oumar Konaré alors éclaboussé par deux démissions de chefs de gouvernement en moins de deux ans.

 

Il a su restituer l’autorité de l’Etat, en mettant sous l’éteignoir et avec la manière qui sied, les revendications estudiantines (années blanches), syndicales (front muselé) et politiques (enfermement des leaders comme Me Mountaga Tall) qui avaient pourri la vie nationale.

Les Maliens étaient séduits, voire hypnotisés, par sa rigueur et son autorité.

 

Pour IBK, l’Etat est au dessus de tout, et tous doivent s’y soumettre. Certes, on le connaissait comme un adepte du luxe, mais ses dépenses n’avaient jamais franchi les limites tolérables au point d’alarmer la planète entière.

 

Six ans durant, le Premier ministre IBK a captivé l’esprit du peuple, qui va l’aduler encore plus lorsqu’en 2000, il sera débarqué de son poste, « sans préavis », puis de la présidence de l’Adema Pasj. Les Maliens assimilent ce double coup de tête du président Alpha Oumar Konaré à une haute trahison vis-à-vis d’un homme qui a sauvé son règne. Ce qui explique l’engouement suscité autour de Alternance 2002, puis du Rpm (qu’il crée en 2001 avec ses camarades) et enfin de sa propre personne. Résultat : IBK arrive 3è à la Présidentielle de 2002, le Rpm devient la première force politique du Mali et son président élu président de l’Assemblée nationale.

 

C’est donc au bon vieux souvenir de son passage à la Primature et à la tête de l’Assemblée nationale, que les Maliens ont accordé leur confiance à ce septuagénaire, titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un diplôme d’études approfondies en politique et relations internationales, tous décrochés à la Sorbonne.

 

IBK révèle son vrai visage

MAIS, MAIS, MAIS, les Maliens se sont lourdement trompés, ayant sans doute fait le pire choix de leur existence. C’est du moins ce que révèle la pratique des dix mois de gestion d’Ibrahim Boubacar Kéïta. En si peu de temps d’exercice du pouvoir, le mythe qui entoure « l’homme mystérieux » a fondu comme neige. Aux yeux des Maliens, IBK n’est aujourd’hui que l’ombre de lui-même. Les preuves.

 

Le nouveau président a déçu ses électeurs à la vitesse de la lumière et de la manière la plus inattendue possible.

 

En effet, investi le 19 septembre 2014 (après avoir prêté serment le 4 du même mois), IBK a posé un mois plus tard un acte qui a pris de court plus d’un Malien. Alors qu’on s’attendait à ce qu’il mate les rebelles armés qui ont commis toutes sortes d’exactions sur nos populations pendant la crise, le président de la République leur remonte au contraire le moral en accédant à leur requête de libérer leurs camarades et autres complices terroristes. Ainsi, 23 terroristes sont élargis par IBK.

 

Pire, les Maliens n’avaient pas encore fini de digérer cet affront que le président cède à une autre revendication des bandits armés : la levée des mandats d’arrêts des rebelles et terroristes. Au total, 26 personnes étaient concernées par ces mandats d’arrêt dont Bilal Ag Achérif, secrétaire général du Mnla ; Iyad Ag Ghaly chef d’Ançardine ; Oumar Ould Hamaha et Sidi Mohamed Ould Boumama d’Aqmi ; ainsi que Chérif Ould Attaher du Mujao et Alghabasse Ag Intalla chef du Mouvement islamique de l’Azawad (Mia).

 

Cette décision, comme celle de la libération des rebelles et terroristes, a été prise sans en référer à la justice malienne, qui avait pourtant lancé ces mandats d’arrêt le 8 février 2014.

Dans un communiqué lu à la télévision nationale par Daniel Tessougué, Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, on pouvait retenir : «Des poursuites ont été engagées contre plusieurs responsables des mouvements criminels suivants : Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad, rébellion touareg), Ançar Dine (islamiste), Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), des narco-trafiquants, et tous font l’objet de mandats d’arrêt à exécuter tant sur le plan national qu’international». Le communiqué poursuit : «Les faits qui leur sont reprochés sont, entre autres: terrorisme, sédition, crimes portant atteinte à la sûreté de l’Etat, à l’intégrité du territoire national par la guerre, emploi illégal de la force armée, dévastation et pillage publics, crimes et délits à caractère racial, régionaliste et religieux, trafic international de drogue».

 

C’est dire que l’homme à poigne, tant craint et redouté, s’est plié au premier obstacle. IBK commence alors à révéler son vrai visage.

 

L’une des conséquences de la levée des mandats d’arrêt contre les bandits, c’est le retour remarqué de Iyad Ag Ghaly. Iyad aurait joué un rôle prépondérant aux côtés des rebelles du Mnla dans la débandade de l’armée malienne le 21 mai engendrée par la visite inappropriée du Premier ministre Moussa Mara à Kidal. Aujourd’hui encore, le chef d’Ançardine serait très actif dans l’annexion de certaines localités du nord par les rebelles.

 

Le mythe IBK s’est aussi effrité dans le contexte actuel des négociations. A sa prise de fonction, le chef de l’Etat excluait toute négociation avec des rebelles armés. « Nous ne négociérons pas avec des bandits armés», ne cessait-il d’entonner. Mais aujourd’hui, l’homme à poigne est réduit à supplier ces mêmes bandits, lourdement armés, à venir à la table de la négociation. Dans un même discours, il appelle différemment au dialogue, comme dans son message à la nation du 19 mai 2014. Il dit : « On ne peut comprendre, encore moins tolérer que, dans l’environnement sociopolitique qui est présentement le nôtre, largement ouvert au règlement politique des différends, et marqué par l’existence d’accords auxquels les uns et les autres ont adhéré, l’on ne puisse pas entamer un dialogue sincère devant déboucher sur un accord de paix définitif et global ». Et poursuit plus loin : « Nous allons donc au dialogue, convaincus que nous sommes que le salut passe impérativement par là ».

 

IBK a aussi laissé ses plumes dans un autre passage de ce message où il clame la fermeté et prend un engagement solennel devant le peuple : « Plus jamais, une délégation de l’Etat ne sera prise à partie à Kidal…Je ne laisserai pas ces mouvements armés, certains qualifiés de terroristes, d’autres désignés de manière commode comme rebelles, mais tous, réunis et solidaires à nouveau,…continuer à faire la loi, ni à Kidal, ni dans une autre partie de notre territoire ». Qu’en est-il aujourd’hui ? La réalité est dure et très difficile à dire. Deux jours après ce juron, l’armée malienne est défaite à Kidal. Donc, échec de l’option militaire. Le bâton n’ayant pas marché, IBK devient subitement adepte de la carotte. Les mots et expressions les plus courants dans son vocabulaire sont désormais : cessez-le feu, dialogue, négociation, réconciliation.

 

Une image écornée

Même au sud, le président IBK a perdu la face et l’estime de ses concitoyens. A Bamako, les premières mesures prises pour restaurer l’autorité de l’Etat, comme le déguerpissement du centre ville, ont tourné court. Les artères du Grand marché jusqu’au « Rail Da » sont occupées. Le port du casque n’a jamais été respecté. L’occupation des lits du fleuve se poursuit de plus belle. Où est l’autorité ?

 

Autres preuves de l’effondrement du mythe IBK, ce sont les faits et scandales qui jonchent la gestion des affaires publiques et le quotidien des Maliens.

 

L’homme à la forte probité morale d’hier, est devenu peu soucieux des deniers publics, avec notamment l’achat d’un avion à 20 milliards de FCFA et la passation d’un marché d’armement de 108 milliards dans des conditions peu orthodoxes.

 

Les citoyens ont du mal à comprendre que c’est le même IBK qui donnait des leçons d’intégrité aux autres.

 

L’homme intègre et juste est pris en flagrant de nominations, dans les différentes sphères de l’Etat, de parents, amis, alliés et affidés, au détriment de cadres méritants. Le slogan de campagne « Le Mali d’abord » devient « Ma famille d’abord ».

 

Qu’en est-il de l’affaire Michel Tomi dans laquelle le nom du président du Mali est cité. Ce dossier a fortement écorné l’image d’IBK, et partant celle du Mali, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les Maliens retiennent leur souffle depuis la mise en examen la semaine dernière du parrain des parrains corse et de plusieurs autres personnes impliquées dans l’affaire. Et la justice française mène actuellement des investigations sur les relations entre Tomi et le président Ibrahim Boubacar Keïta. Un désastre pour l’image du chef de l’Etat malien.

 

C’est dire combien, le Premier ministre IBK, le « Kankelentigui » (l’homme à la parole d’honneur) est devenu, le président Ibrahim Boubacar Kéïta, le Kantiamantigui (l’homme à plusieurs langages).

 

Sékou Tamboura

SOURCE: L’Aube

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