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Hommage à Me Abdoulaye Garba Tapo : l’ami sympathique des étudiants

En allant à la guerre de Troie, Ulysse confia l’éducation de son fils Télémaque à un précepteur dénommé Mentor chargé de préparer le petit prince à l’exercice du pouvoir.
De là vient l’origine du qualificatif ‘’mentor’’ pour désigner un conseiller expérimenté, attentif et sage auquel on fait entièrement et totalement confiance. Le nom propre est ainsi devenu un qualificatif universel invariable dans toutes les langues du monde pour désigner un homme exceptionnel: le mentor.

 

Je suis l’un des milliers de Télémaque qu’il a connus, Me Abdoulaye G Tapo, le mentor de plusieurs générations de filles et fils dont l’éducation lui avait été confiée.

Et comme Télémaque, je voudrais rendre hommage à mon mentor, celui qui m’a forgé comme tant d’autres, sculptant mon potentiel, non pas pour être comme lui, (djaiguè djalan ni badji, poisson sec et l’eau douce) mais pour devenir moi-même : être, devenir et parvenir par moi-même. Y a-t-il un meilleur cadeau qu’un précepteur puisse offrir à son élève ?

Depuis deux ans, ta voix s’est tue Me TAPO.

Ta bienveillante voix chantonnante et toujours pleine d’humour a rejoint le triste pays des grandes voix qui se sont tues ad vitam eternam.

Avocat malgré toi, enseignant par vocation et par prédilection, politicien par addiction, invité-surprise d’un monde qui te fascine et te repousse, tour à tour, sans jamais aller à la rupture,incapable de prendre le large, ta vie a été faite ainsi, la quête de l’équité que tu préfères à la justice t’a amené sur certains champs de bataille qui ne sont pas le tien, un chevalier blanc hypersensible dans un monde de cuirassiers impitoyables et insatiables.

Tu restes pour ma génération d’avocats, tous ces jeunes juristes que tu as formés à la libre interprétation scientifique du droit, un modèle sur lequel le rideau tombe, une espèce en voie de disparition.

Victor HUGO, lacéré par la perte cruelle de sa fille unique disait : «Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis ».

Juriste de talent, redoutable défenseur sans vanité, sans attaches, professeur ami des étudiants, nous te devons tous le prix impayé des brochures distribuées à l’avance. Tes créances sur toutes ces générations d’étudiants constituent un lustre qui se dresse contre le désert de l’ignorance et de la mauvaise formation.

Comment parler de toi Me TAPO sans être long. Il faudrait dire tout ce que tu fus et surtout tout ce que tu eus fait depuis ton enfance jusqu’à nos jours.

Exercice difficile quand –on sait que l’homme cache, sous son apparence trop simple et trop conciliant, plusieurs vies dédiées à la rigueur au travail et à l’acharnement exemplaire.

Il n’est pas possible pour moi d’évoquer ici tout ce que l’homme a fait. Je voudrais simplement saluer tour à tour les « 4 grand-hommes » qu’il a été pour nous et pour le Pays.

Je salue l’Enseignant que tu as été. Tu éprouvais un plaisir herculéen à la tâche de la transmission du savoir à laquelle tu as dédié ta vie. Même affaibli par la maladie, la voix à demi éteinte, tu trouvais encore les ressources de te tenir des heures durant à professer face aux étudiants. Tu m’as dit un jour, avec un peu de dépit dans ta voix alors que je te demandais d’observer un repos salvateur, « l’enseignement c’est tout ce qui me reste . Je me sens vivre et utile quand je suis avec les étudiants ». C’est ainsi que tu as traîné ta bosse depuis la prestigieuse université Cheick Anta DIOP de Dakar, à l’université de NIAMEY au NIGER avant de revenir au pays apporter ta pierre à l’édifice national.

C’est cet enseignant bourlingueur, ami des étudiants, soutien moral et financier, qui a donné sa chance à chaque étudiant rencontré à qui je rends hommage.

Je salue aussi l’Avocat discret que tu as été, courageux et intrépide par ses prises de positions. À tes obsèques, tes confrères à l’unanimité t’ont rendu un vibrant hommage qui vaut mille fois mieux que les oripeaux du monde politique que tu n’as jamais d’ailleurs voulu. Ce n’est pas de cette reconnaissance factice que tu voulais. Tu rêvais de lumières et de poésies , pas de ténèbres politiciennes qui ôtent aux survivants que nous sommes tout espoir d’un monde juste et équitable. Dans le royaume de Ségou, lorsque les bambaras furent vaincus par les toucouleurs, les survivants à la débâcle s’écrièrent : « Saya diara tabaw la ni baloko djougou yé ».

Je salue aussi le formidable Ecrivain Romancier que tu as été.
Auteurs de plusieurs romans à succès : « l’héritage Empoisonné » « Fantankin » « Les épouses communes », tu as également enrichi la bibliothèque de l’université de tes cours de droit limpides qui servent à la préparation des concours dans toute la sous-région. Le Mali a perdu un très grand auteur, une plume d’or, un doctrinaire talentueux. Il est vrai, tu étais plus à l’aise à l’écrit. Tu disais toujours avec une mine jouissive : « Diop, laisse-moi descendre dans la presse : la plume est plus forte que l’épée. Les paroles s’envolent, la plume est serve ».
Et depuis ton décès, j’ai décidé, à ma façon, avec moins de talent assurément à continuer ton œuvre :m’indigner, sans prétention aucune, chaque fois que cela s’avère nécessaire pour le bien public, rien que pour le bien public.

Je ne voudrais parler de l’homo politicus que tu as été. Mais Comment faire pour taire l’histoire de la bête politique que tu as incarné. Digne fils de Mopti, descendant de la grande famille Garba Tapo, ancien compagnon de feu Almamy SYLLA, de Me Abdoul Wahab Berthe, du professeur Farouk CAMARA, de Mr Oumarou Sidibé, Mme Fatoumata GUINDO, Adama SANGARÉ, du Bâtonnier Kassoum TAPO qui occupèrent tous de hautes fonctions au sein du gouvernement du Mali. Tu as créé un parti politique le RND (Rassemblement National pour la Démocratie) qui avait un brillant avenir que tu as préféré sacrifier en fusionnant dans l’ADEMA pour promouvoir l’exemple des grands rassemblements populaires.

Ton passage aussi bref que fulgurant dans le Gouvernement du Mali comme Ministre de la Justice a été marqué à jamais dans les annales de la justice Malienne par tes prises de position dans la lutte contre la corruption et l’injustice et des réformes courageuses engagées.

Certains t’ont détesté et combattu pour cela, d’autres t’ont admiré mais ce que la postérité retiendra … c’est que tous t’ont respecté pour ta droiture et ta sincérité.

A moins d’être un lâche, la mort n’est rien si elle intervient après un destin rempli. Une vie sans œuvre est une vie perdue. La tienne fut remplie cher Maitre. Tes écrits demeurent. On en ferait des films, des théâtres peut-être, des leçons de lecture expliquée pour les générations futures. Tu entreras dans le panthéon malien des immortels où tu siégeras aux côtés des Amadou Hampaté Bah, Seydou Badian KOUYATE, Ibrahima LY, Demba DIALLO, Fily Dabo sissocko, le hussard noir.

Avant de te quitter, je voudrais chanter comme dans cette sérénade de notre enfance prêtée à la comtesse Lili que je vais adapter à ma prose :
« Au clair de la lune, mon ami Tapo !
Prête-moi ta plume,
Pour écrire un mot en toi nom »

Vas en paix ! Cher Maître ! La relève est assurée, tes petits Télémaques sont devenus grands , ils sont au travail partout dans le pays.

Par celui que tu appelais : Maître Don …. Quichotte qui se bat contre tous les vents.

Me Alassane Aldior DIOP

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