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Gestion des affaires de l’Etat : Ces vieux qui nous gouvernent

« Dieu a abandonné le Mali !», n’hésitent point à affirmer certains concitoyens désemparés par le sort qui semble s’abattre, sinon s’acharner depuis trois ans sur le pays.

 

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En plus de la situation sécuritaire, toujours précaire, l’économie malienne est en lambeau, le tissu social effrité, le front syndical mouvementé, le circuit financier et monétaire déréglé, l’administration morose. Dans l’action, point de vitalité, point d’efficacité ! La raison est toute simple : le pays est gouverné par de vieux retraités. A commencer par les trois premières institutions de la République, occupées par des personnes âgées sur leurs fins physiques et intellectuelles: Ibrahim Boubacar Kéïta (président de la République), Modibo Kéïta (Premier ministre, chef du gouvernement) et Issaka Sidibé (président de l’Assemblée nationale). A ceux-là, s’ajoutent d’autres retraités, président d’institutions, à l’image de Nouhoum Tapily (Cour suprême), Manassa Danioko (Cour constitutionnelle), Abdrahamane Niang (Haute Cour de justice), Boulkassoum Haïdara (Conseil économique, social et culturel) et Baba Hakib Haïdara (Médiateur de la République).

Depuis l’arrivée de Ibrahim Boubacar Kéïta à la tête du pays, en septembre 2013, les Maliens « n’ont pas vu le bonheur de leurs yeux ». Chaque jour que le soleil se lève est pire que la veille, personne ne sachant de quoi demain sera fait. Donc, les Maliens vivent au jour le jour. Et pour cause, le président IBK a choisi de faire gouverner le pays par des personnes du 3è âge, comme lui.

De la première à la dernière institution constitutionnelle, plus le Médiateur, toutes sont dirigées par des cadres qui ont la soixantaine révolue ; certains ayant plus de 70 ans. Le Mali est géré par des anciens serviteurs de la nation, qui ont tout donné à celle-ci et qui auraient eux-mêmes préféré un repos bien mérité.

Ces nobles serviteurs de la nation ont leur avenir derrière eux ; le Mali ne peut donc pas avoir son avenir avec eux. Ils ne peuvent plus rien construire, entreprendre et initier de fiable, de viable, de vital et d’efficace. Avec eux, le Mali ne peut pas aller de l’avant. En tête de proue, le trio IBK-Modibo-Issaka.

 

Un « Kankélentigui » à double langage

A tout seigneur, tout honneur. La revue d’effectif commence par le président Ibrahim Boubacar Kéïta lui-même. Il est arrivé au pouvoir au pouvoir à l’âge de 69 ans ; il en a 71 aujourd’hui ; donc il est largement au-delà de la retraite professionnelle. L’homme avait conquis l’estime, la confiance, la considération et le cœur des Maliens. « L’homme de la situation » pour les uns, « L’homme à poigne » pour les autres, « Le prototype de chef d’Etat » pour tous, les qualificatifs laudatifs fusaient à propos de l’ancien Premier ministre du Mali qui était devenu un MYTHE pour ses concitoyens. Mais, il a fallu qu’IBK accède à la magistrature suprême pour que toute cette légende s’effondre comme château de cartes. Plus que les 77% d’électeurs qui l’ont plébiscité, c’est aujourd’hui l’ensemble des 15 millions de Maliens, ou presque, qui voient en lui, non pas cet homme capable de régler tous les problèmes, mais un simple mortel qui change au contact du pouvoir suprême et de son luxe. IBK, président du Mali, a perdu de toute sa superbe, donc de son aura auprès des Maliens.

Pourtant, Ibrahim Boubacar Kéïta justifiait d’un triple motif de réussir sa mission.

D’abord, le destin lui a alloué le meilleur compagnon possible pour un chef d’Etat : le peuple. Ensuite, il était précédé de la précieuse réputation d’être, pour ses concitoyens et même pour la communauté internationale, le seul et unique Malien à pouvoir résoudre la crise du nord.

Enfin, l’homme avait fait ses preuves à un moment crucial de l’histoire du Mali.

El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta a, en effet, été élu par plus de 77% de Maliens. Quasiment un plébiscite. C’est dire combien la tâche a été facilitée pour le nouveau président, pour peu qu’il déchiffrât correctement ce message qui était loin d’être codé.

Cette ruée vers BK se justifiait tout d’abord par le fait que les Maliens n’avaient aucun doute quant à ses réelles capacités à résoudre définitivement le problème du nord.

Au sortir d’une crise aussi profonde, le Mali avait besoin d’un homme à poigne, pour consolider, non seulement sa démocratie mise à mal par le putsch du 22 mars 2012, mais aussi les acquis d’un retour à la paix légués par la transition. En un mot, on cherchait quelqu’un qui pouvait « finir la rébellion », ramener définitivement Kidal dans le giron du Mali, bref, faire du Mali un Etat UN et indivisible. Les regards ont convergé vers IBK, élu sans coup férir.

Si cela fut, reconnaissons-le, c’est aussi parce que l’homme justifie d’un passé où il avait convaincu plus d’un par sa méthode rigoureuse de gestion.

En effet, les Maliens gardent encore à l’esprit que c’est Ibrahim Boubacar Kéïta, nommé Premier ministre de redressement en février 1994, qui a stabilisé le régime d’Alpha Oumar Konaré alors éclaboussé par deux démissions de chefs de gouvernement en moins de deux ans.

Il a su restituer l’autorité de l’Etat, en mettant sous l’éteignoir et avec la manière qui sied, les revendications estudiantines (années blanches), syndicales (front muselé) et politiques (enfermement des leaders comme Me Mountaga Tall et Almamy Sylla).

Les Maliens étaient séduits, voire hypnotisés, par sa rigueur et son autorité.

Pour IBK, l’Etat est au-dessus de tout, et tous doivent s’y soumettre. Certes, on le connaissait comme un adepte du luxe, mais ses dépenses n’avaient jamais provoqué autant de tollé.

Six ans durant, le Premier ministre IBK a captivé l’esprit du peuple, qui va l’aduler encore plus lorsqu’en 2000, il sera débarqué de son poste, « sans préavis », puis de la présidence de l’Adema Pasj. Il est élu président de l’Assemblée nationale en 2002.

C’est donc au bon vieux souvenir de son passage à la Primature et à la tête de l’Assemblée nationale, que les Maliens ont accordé leur confiance à ce septuagénaire.

Mais, ses compatriotes ne tarderont pas à réaliser qu’ils se sont lourdement trompés, ayant sans doute fait le pire choix de leur existence. C’est du moins ce que révèle la pratique des vingt-trois mois de gestion d’Ibrahim Boubacar Kéïta. En si peu de temps d’exercice du pouvoir, le mythe qui entoure « l’homme mystérieux » a fondu comme neige. Aux yeux des Maliens, IBK n’est aujourd’hui que l’ombre de lui-même. Le Premier ministre IBK, le « Kankelentigui » (l’homme à la parole d’honneur) est devenu, le président Ibrahim Boubacar Kéïta, le Kantiamantigui (l’homme au double langage). Un seul exemple palpable :

A sa prise de fonction, le chef de l’Etat excluait toute négociation avec des rebelles armés. « Nous ne négocierons pas avec des bandits armés», ne cessait-il d’entonner. Mais il y a deux mois de cela, l’homme à poigne était réduit à supplier ces mêmes bandits, lourdement armés, à venir à la table de la négociation. « On ne peut comprendre, encore moins tolérer que, dans l’environnement sociopolitique qui est présentement le nôtre, largement ouvert au règlement politique des différends, et marqué par l’existence d’accords auxquels les uns et les autres ont adhéré, l’on ne puisse pas entamer un dialogue sincère devant déboucher sur un accord de paix définitif et global », disait-il dans son message à la nation du 19 mai 2014.

Pire, le 20 juin dernier, IBK rivalisait en accolades avec les chefs rebelles (au nom de la paix), avant de partager avec eux, autour de la même table, un repas copieux, sur les hauteurs de Koulouba. Où est passé le IBK d’antan ? Il est trahi par l’âge, dans tous ses faits, dans tous ses gestes.

 

Du dialogue inclusif au chef de gouvernement, Modibo tombe…

Le peuple malien « a tapé à côté » en misant sur IBK. IBK aussi « a  tapé à côté » en misant sur Modibo Kéïta à la Primature. C’est dire que les deux premières têtes du pays sont de mauvais choix.

Nommé le 8 janvier 2014 au poste de Premier ministre, Modibo Keita, précédé d’une bonne réputation en qualité de Représentant du président de la République dans le dialogue inclusif inter-malien, arrivait avec un gros handicap : son âge avancé, avec 73 ans révolus.

L’homme a une très forte personnalité et une grande expérience. C’est pourquoi, pour de nombreux Maliens, IBK avait trouvé l’homme idéal, capable de conduire les affaires de l’Etat, et de redresser le trou béat laissé par son prédécesseur, Moussa Mara.

Effectivement, Modibo Kéïta justifia cette réputation dès sa prise de fonction, en posant des actes réconfortants. Le nouveau Premier ministre pose les jalons de la rupture d’avec les méthodes populistes de Mara et même d’IBK. Il entreprend notamment une initiative de concertation et d’implication de l’ensemble de la classe dans la gestion des dossiers d’intérêt national.

Après cela, on attendait du nouveau Premier ministre beaucoup d’autres actions afin de donner vie (enfin) au mandat d’IBK: réconciliation, lutte contre la corruption et la délinquance financière, relance économique, sécurisation du pays, ouverture de chantiers de développement…Mais, l’espoir suscité par sa nomination s’estompe aussi vite qu’il était apparu.  Au contact de la réalité primatoriale, Modibo Kéïta (qui fut Premier ministre) est rattrapé par son âge. Il n’a pas su imprimer un vrai rythme à l’action gouvernementale. Son gouvernement se montre vite incapable de faire face aux préoccupations des Maliens. Le pouvoir d’achat des familles s’érode, les prix flambent, l’administration est sur cale. La machine gouvernementale de Modibo Kéïta semble aujourd’hui définitivement bloquée. A l’image du cerveau du chef du gouvernement. Comme le dit l’adage : « L’âge ne pardonne pas ».

 

Issaka Sidibé et les autres sexagénaires

La troisième institution de la République, l’Assemblée nationale, n’est pas mieux lotie que les deux premières en matière de locataire. Certes, cadet de Modibo et IBK, Issaka Sidibé ne semble pas moins usé par le poids des âges. C’est du moins, ce qu’on peut déduire du comportement du député élu à Koulikoro lors des séances des délibérations à l’hémicycle. L’honorable Sidibé semble toujours absent des débats qu’il conduit, multipliant les bourdes et les propos incohérents à la manière d’un homme fatigué et qui n’en peut plus. C’est pourquoi, certains n’hésitent pas à dire que l’hémicycle n’a plus de maître, Issaka n’ayant ni le charisme, ni la personnalité, encore moins le savoir et le savoir-faire de ses prédécesseurs Ali Nouhoum Diallo, Ibrahim Boubacar Kéïta, Dioncounda Traoré et Younoussi Touré. Toutes choses qui font que la représentation du peuple est gérée dans un laisser-aller déroutant. Et dire que les lois du pays sont votées dans un contexte pareil !

Autre institution, autre personnage : la Haute Cour de justice et son président Abdrahamane Niang. L’homme a plus de 70 ans ; il est sérieusement diminué physiquement pour une institution censée traduire en justice les plus hautes autorités du pays : le président de la République et les ministres. C’est donc une structure qui requiert le maximum de concentration, de lucidité, d’investigations et de mesure afin de réduire les marges d’erreur. Abdrahamane Niang, grand expert en matière électorale, ne semble pas aujourd’hui justifier de ces qualités. A cause de son âge.

Que dire de Boulkassoum Haïdara, le nouveau président du Conseil économique social et culturel ? Nous pensons que la mission de l’institution pèsera lourdement sur l’âge de ce cadre Rpm, imposé au poste. En effet, le CESC, collecte, rédige avec la participation des différentes entités qui le composent, à l’attention du président de la République, du gouvernement et de l’Assemblée nationale, le recueil annuel des attentes, des besoins et des problèmes de la société civile avec des orientations et des propositions. Il est obligatoirement consulté sur tout projet de loi de Finances, tout projet de plan ou de programme économique, social et culturel, ainsi que sur toutes les dispositions législatives à caractère fiscal, économique social et culturel. Le Conseil est en de mauvaises mains.

Comme si cela ne suffisait pas, IBK a du plaisir à placer les retraités à des fonctions vitales « pour tuer » ces services et les rendre improductives. Il en est ainsi aujourd’hui de l’Ambassade du Mali en France où le chef de l’Etat a placé un de ses amis, Cheick Mouctary Diarra, 77 ans. En son temps, votre bi hebdo avait signalé toute l’inopportunité de cette nomination.

Dernier cas qui mérite d’être souligné : la récente promotion de Ahmed Mohamed Ag Hamani comme président du Conseil d’administration de la Bdm Sa en remplacement de Abdoulaye Daffé. Image : la vitalité contre la morosité.

La liste est longue de ces retraités qui occupent et écument aujourd’hui les hautes fonctions et qui tirent le Mali vers le bas.

Sékou Tamboura

SOURCE : L Aube

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