Le président François Hollande était interrogé sur Europe 1, mardi 17 mai, à l’orée d’une nouvelle semaine de grèves et de manifestations contre le projet de loi de réforme du code du travail, adopté au forceps en première lecture à l’Assemblée nationale avec le recours à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution.
S’il se défend d’être entré en campagne électorale, M. Hollande pense manifestement beaucoup à cette échéance en vantant son bilan et en multipliant les signes à l’adresse de l’électorat traditionnel de la gauche et du Parti socialiste.
- « Ça va effectivement mieux pour la France »
François Hollande l’a de nouveau clamé haut et fort : « Ça va effectivement mieux pour la France. » « Quand j’ai eu cette formule, ce n’est pas pour dire tout va bien », a tempéré le chef de l’Etat. Mais « ce n’est pas un propos de circonstance, ou de campagne. C’est une réalité », a-t-il enchaîné. Il a fait valoir le redressement des indicateurs économiques : la croissance qui « va mieux » ; les déficits publics à 3,5 % en 2015, et qui seront « à moins de 3 % en 2017 » ; l’« investissement qui repart » ; la compétitivité de l’économie ;les« créations nettes d’emplois » ; la « progression du pouvoir d’achat ».
M. Hollande s’est posé, sans « se comparer », en héritier de l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder, qui avait réformé de fond en comble le marché du travail au tournant des années 2002 et 2003, avant d’être battu d’une courte tête par Angela Merkel. « Je préfère qu’on garde de moi l’image d’un président de la République qui a fait des réformes, même impopulaires, plutôt que d’un président qui n’aurait rien fait », a-t-il dit. Le président l’affirme désormais : il entend incarner une « social-démocratie à la française », associant l’Etat et les partenaires sociaux.
- Loi travail : « je ne céderai pas »
La « loi travail » passera, « je ne céderai pas », a prévenu M. Hollande, alors que le mouvement contre ce texte se poursuit avec de nouvelles journées de grève et de manifestations mardi et jeudi à l’appel de sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL).
Interrogé sur les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre lors des manifestations, le chef de l’Etat a répondu : « Manifester, c’est un droit, casser, c’est un délit, donc ce sera puni. » Rappelant qu’il y avait eu depuis le début du mouvement « plus d’un millier d’interpellations, soixante condamnations », et « trois cent cinquante policiers blessés », M. Hollande a assuré que « ça ne sera pas accepté » et que « toutes les consignes ont été données : interpellations, interdictions de manifester pour un certain nombre » de personnes, et s’il y a des étrangers, « reconduite à la frontière ».
- Des baisses d’impôt pour les ménages ?
« Oui, à la condition que nous ayons des marges de manœuvre. Nous verrons à l’été », a-t-il répété, se défendant de « multiplier les cadeaux » aux agriculteurs, aux fonctionnaires ou aux forces de sécurité. Les ménages, a-t-il encore souligné, doivent bénéficier tout comme les entreprises de la « redistribution » des fruits de la reprise. « Si la croissance se confirme, il y aura un geste pour les ménages. Nous allons attendre le mois de juillet pour voir ce que nous pourrons faire », a-t-il précisé.
François Hollande a cependant marqué sa différence avec la droite, repoussant l’idée d’un allègement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui, selon lui, ne serait « pas juste ».
- Chômage : « la bataille n’est pas gagnée »
« La bataille n’est pas gagnée » contre le chômage, a-t-il reconnu, expliquant qu’elle ne le serait « que quand on aura sur plusieurs mois une baisse continue du chômage ». « Nous avons depuis le début de l’année cinquante mille chômeurs en moins », a souligné le chef de l’Etat, mais « c’est une bataille, c’est un combat », et « je me bats tous les jours ». « Ce serait tout à fait téméraire, prétentieux et presque mensonger de dire : on a 1,5 % de croissance au maximum en 2016 (…) et on va pouvoir diminuer massivement le chômage », a-t-il ajouté.
« Sous mon prédécesseur, le chômage a augmenté d’un million, depuis mon arrivée, six cent mille », a-t-il rappelé, ajoutant que « six cent mille, c’est trop ». « Les politiques mettent du temps avant de produire leurs effets », a-t-il poursuivi, parlant du « pacte de responsabilité, de l’amélioration de la compétitivité, de l’innovation, de l’investissement », ainsi que du « dispositif PME », par lequel « trois cent mille emplois ont été créés ».
- Macron rappelé à l’ordre : « il n’y a pas d’alternative à gauche »
François Hollande a aussi de nouveau rappelé à l’ordre son ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui serait tenté de se lancer dans la course pour la présidentielle de 2017. Il « peut développer ses idées » mais dans le cadre de la « solidarité gouvernementale », a-t-il averti.
« En dehors du gouvernement qui est aujourd’hui en place, il n’y a pas d’alternative à gauche », a-t-il affirmé. « Il y a une alternative de droite qui existe, et si je ne suis pas… si la gauche n’est pas reconduite, ce sera la droite qui l’emportera ou l’extrême droite », a-t-il ajouté. « Il n’y a pas un mouvement [à gauche] qui aujourd’hui puisse accéder au second tour de l’élection présidentielle et puisse, sans avoir notre appui, conduire les destinées de la France », a-t-il développé. « Il peut y avoir des propositions de gauche, il peut y avoir des idées de gauche, des ambitions de gauche, heureusement, mais il n’y a pas d’alternative en dehors de la ligne que je représente », a-t-il insisté.
François Hollande a mis en garde par ailleurs contre « le risque » que la droite « détruise ce que nous avons fait » en cas de changement de majorité en 2017. « Le risque est (…) qu’elle mette en cause les fondements même de notre Etat. Le risque est qu’elle supprime l’impôt sur la fortune, l’impôt sur les plus favorisés… », a-t-il avancé, évoquant aussi « l’augmentation de l’impôt de tous avec la TVA ».
- Le nucléaire, « c’est l’avenir »
François Hollande s’est dit « favorable à ce que (le) chantier » de Hinkley Point « puisse se faire », alors que le coût du projet suscite des interrogations au sein du gouvernement français. « Je suis favorable à ce que ce chantier puisse se faire, le président d’EDF a demandé aux salariés d’être consultés et il y aura donc une enquête qui sera menée, une expertise qui sera faite et qui, dans les prochaines semaines, donnera sa vérité », a déclaré M. Hollande, pour qui le nucléaire « c’est l’avenir ».