Les Léopards congolais n’ont fait qu’une bouchée des Aigles maliens. Ils les ont battus par trois buts à zéro lors de la finale du Championnat d’Afrique des nations (Chan) qui s’est déroulée dimanche à Kigali, au Rwanda.
« En tout cas, je sais que nous avons une grande équipe ! Moi, je savais qu’on devait gagner, mais pas au score de 3 ! Je croyais que ça pouvait être un ou deux… », lance Ignace-Marien, tout sourire à la fin du match.
Kinshasa félicite l’équipe nationale, qui avait remporté la première édition de la Chan en 2009, avec son entraîneur, Florent Ibenge, et l’encadrement. Elle salue aussi Kigali pour la « bonne qualité de l’organisation » de la compétition et constate avec plaisir que « le stade dans son ensemble a vibré pour les Léopards », commente Lambert Mende, porte-parole du gouvernement. « Cela rapproche vraiment les peuples » de la région, instable depuis plusieurs décennies.
En phase de poules, l’ancienne colonie belge a perdu face au Cameroun (1-3) avant de vaincre l’Angola (4-2) et l’Ethiopie (3-0). En quarts de finale, elle a battu le Rwanda (2-1). Symbolique pour plus d’un : ce pays a été impliqué dans les deux guerres du Congo, entre 1998 et 2003, et est accusé d’avoir appuyé deux rébellions aujourd’hui défaites : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et le Mouvement du 23 mars (M23).
Lors de la finale, dans un petit bar populaire, l’hostilité se faisait sentir dès que le président rwandais Paul Kagamé apparaissait à l’écran. « La coupe a été remise par Kagamé lui-même, quelle bonne gifle ! », se réjouit dans un autre quartier Nina, mordue de football. « RDC championne. Le quatrième but sera la remise du prix par le président Paul Kagamé en personne du trophée aux Léopards », ironise pour sa part un internaute sur Twitter.
La RDC a gagné son ticket pour la finale battant la Guinée aux tirs aux buts (5-4). D’une victoire d’étape à l’autre, les Congolais des grandesvilles – dont Goma (Est), frontalière du Rwanda – étaient de plus en plus nombreux à coloniser les rues pour crier leur fierté. Les voitures et motos-taxis faisaient des appels de phares en signe de joie, tandis que des cris déchiraient l’air, accompagnés de pas de danse, de concerts de klaxons et de casseroles.
Une finale devenue affaire d’Etat
Dimanche soir, la ferveur était décuplée. Les cris frôlaient l’hystérie. Des groupes d’hommes, de femmes et d’enfants trottinaient dans les rues en chantant. Certains couraient même avec en main une fausse coupe dorée. « On a gagné la coupe avec 3-0… On a remporté la coupe, il n’y a plus rien à dire ! », lance Thessy, un tee-shirt de la RDC sur le dos, et les joues ornées, comme beaucoup, des couleurs bleu, rouge et jaune de son pays.
La finale était devenue une affaire d’Etat. Un avion de la compagnie nationale Congo Airways a été affrété pour emmener des supporters au pays des Milles Collines. En outre, alors que les coupures de courant font rage dans des quartiers, Kinshasa a déployé une vingtaine d’écrans géants dans la ville. Plus généralement, l’engouement était fort dans le pays, comme en témoignent ces milliers d’habitants de Goma qui se sont rués au Rwanda.
Représenté au Rwanda par le ministre des sports, Denis Kambayi, le président Joseph Kabila, au pouvoir en 2001, doit recevoirle onze national à son retour, dans un climat qui risque d’être à la fois euphorique et tendu : selon la Constitution, il ne peut pasbriguer un troisième quinquennat lors de la présidentielle prévue en novembre 2016, mais l’opposition l’accuse de vouloirs’accrocher à son poste.
Juste avant la finale, sur la chaîne publique, le chef de la police de Kinshasa, le général Célestin Kanyama, mis en garde contre tout désordre. Dans la soirée, « il y a eu quelques tentatives de pillage vers [l’avenue] 24 Novembre et [la commune de] Bandal », dans le nord de la capitale, et la police a fait « usage de gaz lacrymogène », commente le chef de la police du pays, le général Charles Bisengimana, actuellement en Egypte.
Certaines sources indiquent que ce sont des chants anti-Kabila qui ont provoqué la riposte. Le général Bisengimana affirme ne pas être au courant. Lambert Mende, lui, dément : « Tout le monde est content dans le pays ! (…) Tout le monde est content du président qui a donné tout de qu’il fallait : envoyer un avion, la prime aux Léopards (…) Je ne vois pas qui pourrait envoyer des slogans contre le président. Ça n’a aucun sens ! »
Source: lemonde.fr