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Faits divers : une troublante affaire de viol

  violence conjugale viol femme couple confidence mariage precoceDans le duel des versions contradictoires, le contenu inattendu d’un document médical a fait pencher la balance

Il arrive parfois que la réalité soit plus compliquée que la fiction la plus imaginative. Il arrive aussi que des événements arrivent à leur conclusion sans qu’une vérité acceptable pour tous ne soit véritablement tirée de l’enchaînement des faits. C’est ce type de sentiments ambivalents qu’a suscité dans l’assistance du tribunal l’affaire jugée en fin de semaine dernière par la cour d’assises. Une affaire qui mettait en scène les membres de deux familles liées par des rapports de voisinage quasi exemplaires, un jeune homme de trente ans dont le comportement laisse perplexe et une victime sur la conduite de laquelle subsiste un doute raisonnable.

Récit des faits. Les familles M. et T. vivent côte à côte et en très bonne intelligence dans une des rues du quartier populaire de Sébénicoro en Commune IV du district de Bamako. Les membres des deux foyers se fréquentaient  de manière assidue, surtout au niveau des enfants Il arrivait aux gosses de la famille M. de passer pratiquement la journée chez les T. sans que leurs parents ne s’inquiètent. Les adultes n’avaient pas atteints le même niveau de familiarité dans leurs relations. Mais celles-ci étaient plus que cordiales et empruntes d’une estime mutuelle. C’est donc dire que le drame qui survint brutalement fut vécu comme un vrai traumatisme par les deux foyers. Mais pour des raisons complètement différentes.

Celui qui par qui le scandale est arrivé est Y. un des fils de la famille T. et artisan de son état. Le drame s’était noué il y a un peu plus d’un an par un début de soirée. Il était 18 heures passées ce jour là et nous étions au tout début de la période d’hivernage. Le temps était lourd et la température ambiante annonçait l’imminence d’un orage. Avant même que le crépuscule ne couvre la ville de son manteau, un vent violent avait commencé à souffler sur Bamako. Ce fut cette bourrasque qui avait amené N. (ce n’est pas l’initiale de son vrai prénom), l’une des filles de la famille des M. et âgée à l’époque de 11 ans, à quitter le domicile des T. où elle se trouvait pour regagner en courant sa maison. Puis quelques minutes plus tard, comme le vent semblait s’être calmé, la fille était retournée chez ses voisins.

QUELQUE CHOSE N’ALLAIT PAS. Celui qui sera identifié comme son violeur, à savoir le nommé Y., y était arrivé peu après elle après avoir achevé sa journée de travail. Il y avait trouvé la fille seule dans la cour, ses copines de jeu habituelles étant sorties. D’après l’acte d’accusation, ce fut cette circonstance propice qui encouragea le jeune homme à accomplir son détestable dessein. Le jeune artisan aurait  réussi à attirer sa proie dans sa chambre et après l’avoir fait asseoir sur son lit, il lui aurait lié les mains et les pieds. La petite avait tenté de résister, mais elle avait cédé devant la vigueur de son bourreau. Ce dernier aurait étouffé les cris que poussait N. en lui enfonçant un mouchoir dans la bouche. Une fois sa libido assouvie, Y. aurait laissé repartir sa victime.

La malheureuse petite se serait dans un premier temps abstenu d’alerter ses parents sur ce qui lui était arrivé. Pourtant lorsque la violée avait regagné son domicile, sa mère avait tout de suite compris à sa vue que quelque chose n’allait pas chez elle. Elle avait essayé de faire parler sa fille, mais étrangement et d’une voix calme cette dernière lui aurait répondu que tout allait bien. Pas du tout rassurée, la mère, qui sentait que son instinct ne la trompait pas, revint à la charge quelques minutes plus tard. Mais ce fut pour se heurter à la même réaction évasive. Ce ne fut que longtemps après et de la plus étrange des manières que la vérité se révéla à la pauvre dame.

Toujours selon l’acte d’accusation, Y. s’était comporté ensuite comme s’il avait regretté son acte et comme si ce qu’il avait fait lui pesait sur la conscience. Il s’était rendu de lui-même au domicile des parents de la fillette. Et là, l’artisan se serait directement et discrètement adressé à la mère de la fille en ces termes : « Maman, je vous demande de m’excuser à cause de Dieu. Promettez-moi de ne rien dire à personne de notre voisinage. Je souhaiterait que les paroles que je vous dirai à l’instant même restent une confidence entre nous deux ». Ces propos sibyllins avaient troublé la dame et celle-ci était restée perplexe de longues secondes avant de demander à son visiteur d’être plus explicite. « Je ne sais pas de quoi vous parlez. Dites-moi vite ce qui s’est passé pour que je puisse comprendre », aurait répondu la mère qui avait aussi avoué que son cœur s’était mis à battre à un rythme anormalement élevé, car elle pressentait l’annonce d’une catastrophe. « Il s’est passé quelque chose entre N. et moi, il y a juste quelques minutes », aurait alors déclaré l’artisan.

Pas de traitement social. « Qu’est ce qui a pu se passer ta sœur et toi ? », l’avait interrogé de manière abrupte la mère. Au lieu de donner une réponse claire, le jeune artisan serait resté un bon moment silencieux. Il se serait limité à prononcer une phrase vague en demandant à son interlocutrice de deviner elle-même ce qui pouvait s’être passé. Puis sans  donner à son hôtesse le temps de le relancer, le jeune homme s’était brusquement levé et était reparti à son domicile. Son attitude avait mis dans tous ses états là mère qui était allée attraper N. et qui avait fait savoir à celle-ci que d’une manière ou d’une autre elle obtiendrait ce qu’elle voulait savoir. La fille avait lâché la vérité par bribes avant de se résigner à faire l’aveu que sa mère redoutait d’entendre. « Y. m’a violée dans sa chambre », avait-elle fini par dire.

La mère était demeurée prostrée pendant un bon moment, puis elle avait cherché à joindre les oncles de la fillette (cette dernière est orpheline de père). Elle leur avait rapporté ce qui lui avait révélé leur nièce et leur demandé sur la suite à donner à cette triste affaire. La mère avait aussi indiqué à ses parents qu’elle s’était déjà rendue dans la famille T. pour expliquer à celle-ci le calvaire subi par sa fille du fait de leur fils.

Il est inutile de dire que ce qui est arrivé avait changé du tout au tout les rapports entre les deux familles. Le virage avait été d’autant plus radical que les oncles s’étaient prononcés de manière unanime contre tout traitement « social » de la situation. Pour eux, la faute commise était trop grave pour être gérée à travers un quelconque arrangement. Les oncles avaient donc amené leur fille au centre de santé d’abord pour avoir la confirmation du viol. Les conclusions de l’examen médical furent claires. N. avait effectivement été pénétrée sexuellement. Elle avait subi une déchirure hyménale d’environ un centimètre. Mais le certificat médical avait aussi donné une précision à la fois troublante et étonnante. La déchirure constatée, indiquait le document, n’était pas du tout récente. Elle était ancienne et remontait à plusieurs mois déjà. Autrement dit, si la fille a connu un homme, c’était bien avant l’épisode qui mettait en cause Y.

Seulement quelques minutes. La procédure judiciaire avait suivi son cours et ce fut ainsi que l’artisan s’est retrouvé devant les jurés jeudi dernier. A la barre, le jeune homme avait l’air complètement abattu et donnait parfois la sensation de ne pas comprendre le contenu du dossier d’accusation. Après que son conseil l’eut aidé à saisir les faits qui lui étaient reprochés, le jeune artisan a nié la presque intégralité du contenu de l’acte d’accusation. Il a reconnu avoir effectivement rencontré la fille ce jour là. Mais, selon lui, N. n’était pas seule. Elle se trouvait en compagnie d’une amie de son âge qu’elle avait l’habitue de venir chercher dans leur maison. Y. indiqua qu’il avait demandé à N. et à sa copine de lui faire un massage au dos, car il était revenu très fatigué du travail. Il ajouta que la séance de massage s’était déroulée entièrement en présence de la copine de N. et n’aurait duré que quelques minutes. Rien d’autre, assura l’accusé, ne s’était passé entre sa jeune voisine et lui.

Appelée à la barre pour témoigner, la mère de la victime soutint mordicus que sa fille avait été violée et déflorée par Y. Le ministère public a certes désapprouvé l’acte dont le jeune homme était accusé. Mais, il demanda à la cour de se référer à deux choses qui lui ont paru nécessaires pour clarifier cette affaire. Il s’agit des résultats du certificat médical, mais surtout de la constance des propos dont la mère de la fillette a fait preuve depuis les enquêtes préliminaires.

Le conseil de l’accusé s’est surtout basé sur les résultats du certificat du médecin qui a procédé à l’examen de N. Les conclusions produites sur le document établissaient que la fille a pu effectivement être victime de viol ou d’attouchement sexuel, comme cela ressort de l’acte d’accusation. Mais ces conclusions, selon l’avocat, indiquaient aussi que l’acte indiqué plus haut acte n’incombait aucunement au jeune artisan dont il assure la défense. Auparavant, la cour s’est intéressée à la qualité des rapports qui liaient les deux familles bien avant que ne surgisse cette affaire cette affaire. La mère de la victime avait assuré que tout allait bien entre les voisins. Un tableau différent a été dressé par l ‘avocat de l’artisan. Y. aurait entendu la mère de N. proclamer que le jeune artisan ferait la prison. Plus, elle aurait juré qu’elle ferait tout pour que cela soit. Quelles seraient les raisons de cet acharnement ? La cour na pas pu les élucider.

En fin de compte les jurés ont tranché en se référant au contenu du certificat médical. Donc, en défaveur de la mère de la fillette. Au terme de près de trois heures de débats, la stratégie de défense de l’avocat de la victime a payé. Le jeune artisan a été purement et simplement acquitté. Y. et son avocat se sont retirés, le sourire aux lèvres. Au même moment, N., sa mère et certains de leurs proches s’apprêtaient à quitter la salle en gesticulant. Il était parfaitement inutile de leur demander contre qui s’exprimait cette indignation démonstrative.

MH.TRAORE

 

 

Source : L ‘ Essor

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