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Faits divers: LES VENGEURS SE MUENT EN PILLARDS

La foule disait vouloir exercer des représailles sur les responsables de la mort d’un enseignant. Elle s’est finalement comporté de manière indigne

faits divers incroyable kabako logoL’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. Les prétendus justiciers pourraient faire de ce proverbe leur devise. En effet derrière de nombreux actes de soit disant police populaire, on découvre des réalités peu flatteuses. Comme celles révélées lors d’une expédition punitive menée dans le quartier de Kanadjiguila.

Il faut savoir que Kanadjiguila, qui relève de la commune rurale du Mandé et qui jouxte Sébénikoro, ne diffère pas beaucoup de certains quartiers périphériques de Bamako. Sur son territoire abondent ce qu’on pourrait appeler des bars bas de gamme. C’est-à-dire des débits de boissons sommairement équipés, souvent ouverts à tous les vents et où on sert généralement des boissons alcoolisées bon marché. Ici, on accepte tout le monde sans aucune restriction sur l’âge, pourvu que l’arrivant ait de quoi régler sa consommation. Ici aussi, les bagarres ne sont pas rares et il ne se trouvera aucun videur pour séparer les combattants. Mais assez étrangement, c’est ce laisser faire qui empêche souvent que l’irréparable ne se produise dans ces établissements où la bière de mil communément appelée « N’gna » coule à flot et se vend à des prix défiant toute concurrence.
D’après les témoins rencontrés, tout a débuté dans la nuit du dimanche au lundi avec l’agression subie par un enseignant bien connu dans le quartier. Le malheureux avait été blessé lors d’une agression au couteau. Transporté d’urgence au centre de santé, l’homme a rendu l’âme quelques heures après son admission. Tous les soupçons se sont alors portés sur un certain G. Apprenti chauffeur de son état, le jeune homme est connu dans le quartier comme un délinquant capable de tout et ne reculant devant rien. En outre, il était un tristement célèbre consommateur d’alcool qui après quelques verres se montrait extrêmement agressif. Les personnes que nous avons rencontrées sont catégoriques sur un point : l’apprenti était un vaurien et un récidiviste en matière d’agression. Il aurait par le passé déjà poignardé un autre habitant du quartier et aurait d’ailleurs fait la prison pour cela. L’enseignant décédé avait le malheur d’être son voisin de quartier.

UN SPECTACLE DE DÉSOLATION. Qu’est ce qui aurait pu inciter le jeune délinquant à s’en prendre à l’enseignant ? Sur ce point, nos sources se sont faites plus vagues, se contentant de dire que le supposé assassin et sa future victime s’étaient violemment chamaillés. A quel propos ? Personne n’a pu nous le dire précisément. Par contre, il s’est trouvé des personnes pour certifier que le jour où a eu lieu l’agression, G. était resté un très long moment dans un bar du coin. Il se montrait alors extrêmement agité et donnait l’impression de quelqu’un qui ruminait une affaire qu’il devait liquider. Pour ceux qui connaissent bien le jeune homme, cette agitation ne présageait rien de bon. Sachant le caractère emporté de l’intéressé et ses manières violentes, les témoins avaient même prédit qu’un drame allait survenir.
L’apprenti était, comme on le dit, sérieusement imbibé lorsqu’il quittait le bar. Personne ne peut indiquer où est-ce qu’il s’est rendu en sortant du débit de boissons. Ce qu’on sait, c’est que quelques heures plus tard des passants ont aperçu le corps de l’enseignant gisant dans une mare de sang. Les témoins qui ont donné l’alerte ont pu capter quelques phrases murmurées par la victime. Cette dernière aurait nommément désigné G. comme l’auteur de l’agression. Après commis cet acte terrible, l’apprenti aurait fui et personne ne savait où il avait pu passer.
Le lundi matin, les événements ont pris une tournure assez inattendue. Les funérailles du défunt, organisées au domicile de ce dernier, avaient rassemblé outre ses parents et proches, de nombreux élèves. L’atmosphère était lourde et les visages fermés. Mais le gros de l’assistance ne se doutait pas que des représailles d’un type particulier étaient en préparation. Les vengeurs auto-désignés attendaient juste que le corps soit porté en terre pour lancer leur descente punitive.
Après le cimetière où l’enseignant repose désormais et avant même que la foule ne se disperse, les élèves, accompagnés par des badauds, se sont directement dirigés vers les différents bars et buvettes de fortune du quartier. Avec un projet clair en tête, celui de détruire tout ce qu’ils pourraient. Notre équipe de reportage qui s’est transportée sur place s’est trouvée devant un spectacle de totale désolation. D’après notre constat, ce sont quatre bars restaurants plus ou moins convenablement aménagés qui ont essuyé la colère des casseurs. Nous avons choisi de nous adresser aux tenanciers de l’établissement qui, d’après nos informations, recevait le plus de clients et qui aurait aussi subi les plus importantes pertes aussi bien matérielles que financières.
T. et son époux L., propriétaires de ce cabaret, sont encore secoués par ce qui était arrivé. Ils nous ont dit avoir débuté leurs activités en 2003, mais sans la moindre autorisation. Le couple n’aura le précieux document qui légalise l’établissement que sept ans plus tard. Entretemps, le bar s’était fait une certaine réputation et drainait une clientèle relativement nombreuse. La dame qui gère les lieux nous a expliqué qu’elle paie régulièrement 5 000 FCFA comme taxe aux agents des services d’hygiène. Encore ébranlée par ce qu’elle avait vécu, la propriétaire des lieux nous a assuré que ce lundi qui restera définitivement gravé dans sa mémoire.
Selon elle, aux environs de midi une foule composée des jeunes, de femmes et d’enfants a débarqué dans son bar sans que ni elle, ni son époux ne comprennent ce qui a pu conduire chez eux ce groupe de personnes furieuses. La plupart des casseurs étaient armés. Certains étaient munis de coupecoupes, d’autres de bâtons et de grosses pierres. Beaucoup se contentaient de tenir des objets contondants avec lesquels ils allaient casser tout ce qu’ils trouveraient. La foule était arrivée au bar à une heure de grande affluence. L’ambiance était bon enfant et les consommateurs échangeaient paisiblement autour des tables de fortune bien garnies de bouteilles sans se douter que la journée allait tourner au désastre pour eux.

UNE PANIQUE MONSTRE. Selon notre interlocutrice, les agresseurs avaient donné le ton dès qu’ils eurent franchi le portail des lieux. «Sortez, sinon nous allons vous tuer tous sans exception », auraient crié les plus excités. S’efforçant de garder son calme, la propriétaire du débit de boisson avait demandé aux clients présents ainsi qu’à ses employés de s’en aller rapidement. Ce que les interpelés firent sans demander des explications supplémentaires. « C’est comme ça que nous sommes tous sortis sans oser questionner les assaillants les raisons qui les ont amenées chez nous », a conclu la dame d’une voix abattue. La foule, ayant désormais le champ libre, a pénétré dans l’établissement totalement vidé de ses clients. Les assaillants se sont alors déchaînés.
Ils ont incendié tout ce qui pouvait l’être. La plupart des badauds ne participaient pas à l’entreprise de destruction. Ils se souciaient surtout de ramasser et d’emporter tout ce qu’ils pouvaient. Après quelques minutes de saccage systématique, la foule s’est retirée pour se diriger vers un autre bar, situé à quelques dizaines de mètres du premier établissement. Derrière elle, elle laissait une masse informe de bouteilles brisées, de tables cassées, de chaises renversées et de toiture brûlée.
Sans désigner quelqu’un nommément, la tenancière du bar, qui emploie une dizaine de personnes à plein temps, a d’abord suspecté des mains invisibles derrière les casseurs. Elle a ensuite dressé un bilan financier et matériel très lourd qu’elle a évalué à plusieurs dizaines de milliers de FCFA. En outre, d’après ses explications, les casseurs se sont se sont introduits jusque dans les chambres pour s’y emparer d’une somme d’argent d’environ 800.000 FCFA appartenant à la tontine qu’elle présidait. « Nous ne connaissons ni l’enseignant qui a été tué, ni le présumé auteur de son assassinat. Nous ne sommes que des victimes innocentes dans cette histoire. C’est faire preuve d’égoïsme que de s’en prendre à nous qui ne sommes en aucune façon liés à ce qui est arrivé au défunt éducateur », a déploré l’époux de la gérante. Pour l’homme, qu’un consommateur de boissons alcoolisées tue un innocent ne constitue pas une raison d’indexer les propriétaires de bars comme étant les responsables de cette tragédie.
Notre interlocuteur a commencé à se calmer lorsque nous lui avons expliqué que son établissement n’avait pas été exclusivement ciblé. La foule s’est ensuite divisée en deux grands groupes. Le premier s’était dirigé vers d’autres bars, tandis que le second a fait une descente dans le marché du quartier. Là, les assaillants ont semé une panique monstre et causé d’énormes dégâts. Dans une atmosphère indescriptible, les casseurs se sont attaqués aux vendeuses et autres petits commerçants. Exactement comme dans les bars qu’ils avaient investis de force, ils ont retiré à leurs victimes tout ce qu’ils pouvaient emporter avec eux.
La furie de ceux qu’on est bien obligé d’appeler des pillards a obligé les habitants à se cloitrer dans leurs maisons. Il a fallu l’intervention des forces de police pour que le calme revienne et que les populations reprennent leurs activités quotidiennes. D’après nos dernières informations, le suspect N° Un de la mort de l’enseignant, le nommé G., aurait été mis aux arrêts par le commissariat du 9ème Arrondissement. Mais qu’aurait pensé le défunt éducateur du comportement de ceux qui prétendaient le venger et qui se sont comportés pour beaucoup d’entre eux comme des voyous, pas très éloignés par leur conduite du délinquant qu’ils disaient traquer ?
Mamoudou
KANAMBAYE

source : Essor

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