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Éviter une cristallisation inutile

En ce début d’année 2019, coup sur coup, le Premier ministre Soumeylou Bouveye MAIGA a pris deux décrets : le Décret N° 2019-0015/PM-RM DU 14 JANVIER 2019 Portant création du Comité d’experts pour la réforme constitutionnelle et le Décret N° 2019-0016/PM-RM DU 14 JANVIER 2019 portant nomination au Comité d’experts pour la réforme ; des décrets qui sortent de son imagination fertile comme le lapin d’un chapeau. De quoi mériter le sobriquet de ‘’décret man’’, après celui de ‘’gaz man’’ au plus fort de la contestation postélectorale.

Ainsi, attendu sur le terrain du ‘’dialogue politique national’’, le Chef du Gouvernement déplace le débat sur celui d’un Cadre de concertation national. Naturellement, la méfiance a repris tous ses droits chez une classe politique désabusée qui n’entend plus être mise ‘’devant le fait accompli’’, qui dit ‘’replaçons donc le Peuple au cœur de ce processus. Revenons aux citoyens du Mali’’.

La crise de confiance s’exacerbe lorsque, de facto, c’est le Gouvernement qui se met aux commandes, hypothéquant ainsi les réformes institutionnelles qui sont pourtant irréversibles. Selon le Décret N° 20/PM-RM du 17 janvier 2019, le Cadre de concertation national entre le Gouvernement, les partis politiques et la société civile pour valider les propositions du Comité des Experts est présidé par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

Il faut dire que la classe politique, dans sa majorité, s’accorde sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle après plus de 25 ans de pratique démocratique et au regard de la nouvelle donne de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dont la mise en œuvre effective est tributaire de certains réaménagements législatifs.

Sur une base strictement légale, l’on ne saurait rendre gorge au Gouvernement. En effet, la Constitution du 25 février 1992 est sans ambages lorsqu’elle dispose en son article 118 : ‘’l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux députés.

Le projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres. La révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum (…)’’.

Mais, le Premier ministre ne disait-il pas qu’il faut tirer les leçons des échecs des précédentes tentatives de réformes constitutionnelles, et « d’entamer un processus inclusif » ?

Faisant fi des incantations politiques, le Président d’honneur de l’ADP-Maliba, Aliou Boubacar DIALLO, dans une récente déclaration, montre la voie à suivre aux dirigeants du pays : « si nous voulons avancer sur le chantier de la paix et de la concorde nationale, les réformes actuelles doivent être menées par l’Opposition malienne, en concertation avec toutes les forces vives de la Nation. Dans un pays aussi divisé et fragile que le nôtre, c’est aux autorités de faire preuve d’ouverture et de modestie en laissant les forces politiques de l’Opposition diriger ce Cadre de concertation et présenter au peuple les résultats des travaux. C’est de là que naîtront la légitimité et la force de ces réformes indispensables pour le retour de la paix et de la sécurité ».

Il ne s’agit pas là de violation de la Loi fondamentale, mais au contraire de l’application d’une de ses dispositions qui colle à la situation actuelle du pays avec les plaies d’une crise postélectorale mal cautérisées, un Centre transformé en enfer, alors que la capitale affiche le visage d’un Far West. L’article 117 de la Constitution dispose : ‘’la République du Mali peut conclure avec tout État africain des accords d’association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine’’. Si la République du Mali peut renoncer en partie ou totalement à sa souveraineté pour réaliser l’unité africaine ; les dirigeants ne pourraient-ils pas abandonner une partie de leurs prérogatives pour réaliser l’unité nationale effilochée ? Les folles équipées solitaires sont vouées à l’échec. Quelqu’un disait que la ‘’politique est le cheminement entre les grands principes et les petits arrangements’’. Martin Luther KING, Pasteur et homme politique américain, enseigne : ‘’la véritable grandeur d’un homme ne se mesure pas à des moments où il est à son aise, mais lorsqu’il traverse une période de controverses et de défis’’. Pour le régime, le moment est venu de prouver qu’il peut être grand, qu’il peut tenir la dragée haute au chef de file de l’Opposition qui a annoncé qu’il inscrira désormais ses décisions et ses actions « uniquement dans l’intérêt du Mali, dans le sens de l’avenir de notre pays et du bien-être de nos concitoyens ». Pour le pouvoir, cela suppose « ouverture », « modestie ». Le juridisme et les autres considérations politiciennes ne seront que superfétatoires, sources de vaines cristallisations.

PAR BERTIN DAKOUO

Info-matin

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