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Esclavage par ascendance: les tares de la répression

La prudence et la procrastination remplaçant l’audace et la vitesse d’exécution, des consultations perçues comme factices, des protestations de principe face à un drame qui heurte toute conscience humaine avaient fait dire aux défenseurs des droits de l’Homme, de toutes les consciences éveillées que la réponse apportée par les autorités à « l’esclavage par ascendance » valait presque complicité. Mais à l’évidence, la câlinothérapie faisait le lit à la répression qui gagnerait à être consolidée.

 

Le phénomène de l’esclavage par ascendance dans notre pays ne cesse de faire couler beaucoup d’encre et de salive, mais surtout beaucoup de sang et de larme.
Le 28 septembre 2021, une vidéo montrant des jeunes ligotés et torturés à coups de gourdins et d’armes blanches a fait le tour des réseaux sociaux et soulevé colère et indignation. La scène, pour le moins macabre, se déroule à Tamora, dans la région de Kayes, lors de violents affrontements entre des militants anti-esclavagistes et des soi-disant « nobles ». Le bilan, qui n’a pas été officiellement confirmé, fait état d’un mort et d’une dizaine de blessés. Une trentaine de personnes ont été interpellées et depuis, plusieurs dizaines d’habitants de la région ont fui pour se réfugier à Bamako.
Nonobstant l’émotion suscitée, il ne s’agit là que d’un épisode d’une longue série de souffrance et de maltraitante de personnes humaines par d’autres personnes humaines.
Pendant longtemps, le Gouvernement a privilégié la câlinothérapie pour traiter ce mal qui est une véritable gangrène dans certaines localités de notre pays. Ce choix qui n’est de prime abord pas blâmable semblait cependant relever de postures ou de figures. Parce que ces « maîtres d’esclaves » sont des potentats locaux qui ont une influence sur le vote. Parce que s’attaquer à un ordre établi depuis des lustres comporte toujours des risques que l’on aimerait bien se garder de prendre.
Mais, face aux manifestations les plus horribles de l’esclavage par ascendance, l’Etat se devait de sortir du confort plutôt inconfortable de son exutoire. Dans sa lettre adressée aux Procureurs généraux près les Cours d’Appel, de ce 11 novembre, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mamoudou KASSOGUE, décide de changer de registre.
Il rappelle que « L’esclavage par ascendance », est une pratique dénoncée dans tous les rapports des organisations de défense des droits de l’Homme, constitue un phénomène qui sape les efforts de l’Etat en matière de promotion et de protection des droits de l’homme dans notre pays.
Pour lutter contre cette pratique, poursuit-il, je vous donnais des instructions, suivant ma lettre N°0057/MJDH-SG du 17 décembre 2019, pour prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’engager les poursuites pénales contre toutes les personnes impliquées dans les actes en lien avec les phénomènes et d’engager l’éventualité d’une délocalisation de certaines affaires pour garantir l’efficacité des procédures.
Aussi réitère-t-il les termes de ladite lettre en leur demandant de faire une exploitation optimale de l’arsenal juridique existant. Notamment le code pénal, en vue d’assurer une répression efficace des infractions connexes à la pratique dite de « l’esclavage par ascendance ».
Dans le cadre du traitement des affaires, insiste le ministre KASSOGUE, un accent particulier doit être mis sur la protection des victimes de cette pratique. Aussi, leur suivi, à toutes les phases de la procédure, nécessite une attention constante des Procureurs de la République.
Enfin, la communication autour de ces affaires devra être une pratique connue et respectée de tous afin de renforcer les mesures d’anticipation pour la protection et la préservation contre le phénomène et ses conséquences sur les personnes qui en sont victimes.
Autant cette mesure est salutaire, autant elle a son talon d’Achille. En effet, apprend-on, il n’existe pas de loi spécifique criminalisant l’esclavage par ascendance au Mali, contrairement aux pays voisins, le Niger et la Mauritanie. Ce, quand bien même depuis 2012, une coalition d’organisations maliennes de défense des droits de l’homme plaide pour l’adoption d’une loi criminalisant l’esclavage par ascendance. Ceci explique certainement que le ministre en parlant d’arsenal juridique n’aille pas au-delà du Code pénal.
Pour autant faudrait-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? L’introduction réclamée et assumée de la dimension répression des infractions liées à la pratique de l’esclavage par ascendance représente une avancée qu’il faudrait néanmoins consolider en la protégeant des tentations non seulement de la justice elle-même, mais également de la ringardise d’une partie de la population nostalgique de pratiques qu’on croyait reléguées dans le bazar de l’histoire.
‘’Rien n’est plus dangereux que ces consciences endormies, satisfaites ! Ces consciences raisonnables dont la vie se retire peu à peu’’. Marie-Claire Blais.

PAR BERTIN DAKOUO

Source : Info-Matin

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