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Esclavage par ascendance dans la région de Kayes : L’adieu de 94 personnes chassées de Kaïnera sous l’œil complice des autorités locales

La liberté a parfois un goût amer. 94 personnes dont une trentaine d’enfants, toutes ressortissantes de Kaïnera dans le cercle de Diema, ont été contraintes d’abandonner leur village pour regagner Bamako à cause de l’esclavage dont elles sont victimes. Elles logent, depuis le lundi dernier, au centre Mabilé de Magnambougou dans des conditions précaires.

 

Le combat héroïque de ces « esclavages » qui ont décidé de briser leurs chaines !

Pourtant interdite par la Constitution malienne et toutes les conventions internationales sur les droits de l’homme que  le Mali a ratifiées, la pratique de l’esclavage continue de  faire des ravages dans la région de Kayes. Des chefs de familles ligotés, battus, humiliés devant leurs épouses et enfants pour seulement avoir refusé d’exécuter les ordres de ceux qui se  font appeler « maitres ». Ces personnes dites « esclaves » n’ont pas droit à la révolte ; elles doivent exécuter la volonté des « maitres ». Tous ceux qui refusent de  se soumettre à cette pratique sont confrontés à d’énormes dangers.

En effet, depuis quelques semaines, des centaines de Maliens ayant refusé le statut d’esclave sont contraints au déplacement, surtout dans beaucoup de cercles  de la région de Kayes. Après le déplacement de 1153 personnes qui se sont installées à Mambri dans le cercle de Kita,  d’autres familles ont été contraintes  au déplacement.

94 ressortissants de Kaïnera à Bamako

La pratique a atteint une proportion grave. Le nombre des déplacés s’alourdit. En effet, 94 personnes dont une trentaine d’enfants ont regagné la capitale malienne le dimanche après avoir été contraintes  de quitter le village, sur instruction du chef d’arrondissement et du village.  Toutes les 94 personnes viennent de Kaïnera dans le cercle de Dieman.

Les services rendus par la CNDH

La Commission nationale des droits de l’homme de Aguibou Bouaré n’a pas été indifférente à la souffrance des déplacés. Dès leur arrivée à Bamako, ils ont été accueillis par la CNDH qui s’est aussi occupé de leur nourriture. Ce n’est pas tout, c’est la CNDH qui a saisi le ministre de la Justice, Me Malick Coulibaly afin que ces déplacés aient un logement. « Quand nous l’avons joint, le ministre n’a pas tardé. En collaboration avec son homologue de la solidarité, il a pu  avoir un lieu pour leur  logement», nous a précisé un membre de la CNDH. Pour son président, Aguibou Bouaré, cette pratique est inadmissible. « La constitution malienne interdit l’esclavage. Le Mali a aussi signé les conventions internationales qui proscrivent cette pratique. Elle est donc inadmissible », laisse-t-il entendre. Il  invite les autorités à vite mettre fin à cette pratique d’un autre âge. « Nous allons continuer à attirer l’attention des autorités. Il faut qu’elles prennent toutes les mesures pour mettre fin à cette pratique. Il faut que les gens retournent sur les terres. Tous les Maliens sont égaux », interpelle-t-il  les autorités même s’il a beaucoup salué l’engagement du ministre Malick Coulibaly.

Au centre Mabilé de Magnambougou où  logent ces déplacés,  le constat est amer : des vielles personnes assises les mains sur les  joues, des femmes désespérées, des enfants dans des conditions précaires. Ils   se sentent étrangers dans leur pays. La situation est plus que grave selon ce que nous a confié Marabata Diarra, vice-président de l’Association « Gambana », une association de lutte contre l’esclavage, la discrimination. « Nous sommes au nombre de 94 personnes. Nous sommes de Kaïnera dans le cercle de Dieman. Nous avons été chassés par le chef de village et d’arrondissement parce que nous avons refusé de reconnaitre un statut d’esclavage qui nous est attribué », nous confie-t-il les larmes aux yeux. Selon M. Diarra, même si leurs grands-parents ont accepté ce statut, eux, ils ne peuvent pas l’admettre parce que tous les citoyens sont égaux. « Nos grands-parents ont accepté l’esclavage, mais nous, nous ne pouvons pas l’accepter. Nous avons dit : stop à l’esclavage », entonne-t-il d’une voix sévère. Selon lui, les soi-disant « maitres » ne les considèrent pas comme des humains. « Quand tu refuses de faire ce qu’ils veulent, on te ligote, te tabasse et t’humilie devant tout le monde », se plaint le porte-parole des 94 déplacés.

Les autorités locales complices de la pratique de l’esclavage par ascendance

Selon le vice-président de « Gambana », ces traitements inhumains à l’encontre des personnes dites « esclaves » sont encouragés par le chef de village et le chef d’arrondissement. « Suite à notre refus, les chefs lieu d’arrondissement et de village nous ont demandé de quitter leur territoire », déplore Marabata Diarra. Les autorités locales sont, selon lui, complices de ce qu’ils vivent. « Tout ce que nous vivons se fait sous l’œil passif du juge, du préfet, et du  maire de Diéma », a-t-il laissé entendre.

Le gouverneur de la région de Kayes aurait, selon nos informations, été saisi par rapport à la situation, mais n’a pu  rien faire. En tout cas, ces autorités locales doivent tout faire pour arrêter cette pratique qui risque de conduire notre pays déjà fragile, dans un autre conflit regrettable. La paix tant rêvée par les Maliens passe par l’abolition de toutes les formes d’esclavage. La Constitution notre pays stipule que tous les Maliens naissent libres et égaux.

Malheureusement, pour ces 94 personnes, elles ont, peut-être, pour toujours, dit adieu à Kaïnera, ce village qui les a bercées tout au long de leur vie. Des femmes, des enfants et des hommes, parce que voulant mettre fin à une pratique indigne pour le genre humain, sont chassés sous la complicité des autorités locales, des terres d’où ont vécu leurs ancêtres, des siècles durant. Une nouvelle vie, une nouvelle aventure s’offrent à ces gens-là. Et au bout desquelles, la liberté, enfin !

Boureima Guindo

Source : Le Pays

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