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ENTRETIEN AVEC SAN CHIRFI ALPHA, AUTEUR DE « LA VIE DE TOUS LES JOURS A TOMBOUCTOU SUIVIE DE MAYA » : Un livre de Sagesse au service des sociétés

La littérature malienne s’enrichit de plus en plus avec les apports nombreux sur les cultures et les réalités du pays. On s’est donné pour but d’aller à la découverte de ces publications récentes et non moins importantes qui se trouvent dans les rayons des librairies ou des bibliothèques, mais dont nous ignorons leur existence. C’est dans ce cadre que nous sommes rentrés cette semaine en contact avec San Chirfi Alpha, auteur de « La vie de tous les jours à Tombouctou suivie de Maya ». Un ouvrage publié chez la jeune maison d’édition, Innov éditions. Ce tapuscrit nous évoque de très belles histoires contenant des leçons de sagesse nous permettant de mieux vivre dans ce monde en bravant vents et marées. Lisez plutôt l’entretien !

Le pays : Qui est Monsieur Chirfi Alpha ?

San Chirfi Alpha : Je suis professeur principal d’enseignement secondaire général, spécialité Lettres. Je suis présentement le délégué territorial du Médiateur de la République à Tombouctou.

Pourrions-nous connaitre ce qui vous a motivé à écrire ?

J’ai commencé à écrire depuis ma tendre enfance. Je lis beaucoup parce que j’ai trouvé dans ma famille une tradition d’écriture et une bibliothèque. En outre, je suis fils d’enseignant et j’ai été par la suite moi-même enseignant. Avec les manuscrits qui se trouvaient partout dans la maison, je n’ai pas tardé à avoir le goût de la lecture. Ma curiosité avivée m’a amené à écrire souvent sur ce que je ressens.

Parlons maintenant de votre livre, objet de notre entretien, « La vie de tous les jours suivie de Maya », qu’est-ce qu’il faut comprendre derrière ces pages ?

Maya est le nom d’une grande sœur que j’ai perdue très tôt. J’ai voulu l’immortaliser à travers ma plume. Il faut noter que les écrits dans ce livre ne datent pas de la même période. La vie de tous les jours, essentiellement, constitue le rapportage des histoires glanées par-ci par-là, écoutées par-ci par-là au cours de l’enfance. Ces histoires, j’ai cru bon de les rapporter parce qu’elles peuvent contenir une quelconque sagesse et aider un tant soit peu dans cette vie et ses difficultés. Dans ce livre, il y a un poème intitulé Dodo. Ce poème a une histoire un peu particulière. Quand j’ai quitté le centre Ahmed Baba pour le tourisme, au cours de mon stage à Bamako, j’étais quelque peu nostalgique et d’une plume j’ai pensé à Tombouctou, j’ai écrit et c’est cela qui a donné Dodo. Ce poème, en l’écoutant, nous fait penser à beaucoup de traditions de Tombouctou qui sont en train d’être effilochées.

Vous venez de dire que la vie de tous les jours constitue en grande partie des histoires rapportées. Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de ces histoires ?

Je parlerai alors de l’histoire d’une tribu maure qu’on appelait Yonini, c’est-à-dire le nez du chameau. Leur ancêtre avait égorgé un chameau et dans cette tribu, égorger un chameau est une grande fête. On distribue la viande à tout le monde. Le chef de tribu a partagé toute la viande, mais en oubliant le nez du chameau. Quand il s’est rappelé, c’était trop tard, il ne restait que la tête du chameau. Il a pris la tête et il l’a amené à sa mère. Les gens se sont étonnés parce que trouvant que la tête du chameau n’est que le nez. Donc, il a donné à sa mère le nez du chameau. C’est ainsi qu’on les a appelés le nez du chameau. Un jour, un nez qui a fait fortune a juré de changer ce nom. Il a appelé un griot forgeron pour passer la journée. Celui-ci a reçu beaucoup de cadeaux. Finalement, le griot demande ce qu’on lui veut. Il dit qu’il voudrait que ce nom soit changé. Le griot lui fait savoir que c’est trop tard et que si parmi toutes les tribus arabes eux ils sont le nez du chameau, c’est que tout le reste ne constitue que la queue du chameau. Depuis ce jour, le nom a changé. Par la force de la parole du griot, le nez du chameau renvoie désormais à l’éther.

J’évoque aussi l’histoire de Halil Ibrahima Halil, une icône commune à beaucoup de civilisations. Halil Ibrahima Halil avait un style particulier. Quand il se rasait, il laissait quatre touffes de cheveux, il lance le défi que celui qui arrive à connaitre le sens de ces touffes lui coupe la tête. Le roi qui est son ami a exercé une certaine pression promettant des cadeaux à sa femme et celle-ci lui a apporté la réponse. Le roi lui a alors fait savoir qu’il a réussi à déchiffrer le sens de ses touffes de cheveux. Il lui dit tant mieux s’il le trouve réellement et tant pis s’il le rate. À ces mots, Halil entre dans sa chambre et porte un habit de l’enfant de sa femme qui n’est pas son enfant. Ce dernier court derrière lui en lui demandant d’enlever son habit pour ne pas le tacher de sang lorsqu’on lui coupera la tête. Le roi ordonne qu’on lui coupe la tête. Un vieux qui était là demande d’attendre, puisque de toute façon, un condamné à droit à sa dernière volonté. Alors, le roi confus demande à Halil de parler lui-même. Celui-ci explique en faisant savoir que l’acte du roi vient confirmer ces quatre touffes de cheveux. La première touffe signifie que la femme n’est pas une confidente, la deuxième nous dit qu’une assemblée où il n’y a pas de sages n’est pas une assemblée, la troisième nous enseigne qu’on ne peut pas compter sur l’enfant d’autrui et la dernière, le roi n’est pas un ami.

De très belles histoires. Quelle sagesse trouve-t-on dans celle-ci ?

La première nous enseigne la force de la parole. Grâce à cette force, le griot arrive à changer les choses. La société est faite de la parole. Elle peut construire comme elle peut détruire. La sagesse contenue dans la seconde histoire, c’est tout simplement l’intelligence. Celle-ci nous permet de nous tirer d’affaire comme a été le cas de Halili Ibrahima Halil. C’est l’intelligence qui a procuré à Halil ces quatre leçons de sagesse de la vie.

Propos recueillis par

Source: Le Pays

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