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Entre Nous : Des mises en garde

Un texte de loi intitulé « Ordonnance n°2021-013/PT-RM du 01 octobre 2021 portant création de l’Agence nationale de la Sécurité d’Etat », a circulé sur les réseaux sociaux, il y a quelques semaines. Ce texte est signé par le président de la Transition, Col. Assimi Goïta, le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Col. Sadio Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le colonel-major Daoud Aly Mohammedine et le ministre de l’Economie et des Finances, Alfousseini Sanou. Cette ordonnance abroge la loi n°89-18/AN-RM portant création de la direction générale de la Sécurité d’Etat.

Si cette loi du 1er mars 1989 existe dans les archives du Secrétariat général du gouvernement, l’ordonnance du 1er octobre 2021 n’avait, à la date du 29 octobre 2021, aucune trace au niveau de ce service où l’on peut récupérer gratuitement beaucoup des textes de loi.

Il faut mettre en garde les autorités de Transition contre toute adoption d’une telle ordonnance aussi liberticide que le général dictateur feu Moussa Traoré n’a pas osé à prendre au plus fort de son règne. Ce texte accorde des pouvoirs exorbitants à la nouvelle agence nationale de la Sécurité d’Etat dont la CIA des USA et le KGB russe ne disposent pas. Les articles 3, 4 et 5 de cette ordonnance sont problématiques et méritent d’être analysés avec beaucoup de circonspection. Au-delà des libertés individuelles, ces dispositions constituent des menaces réelles pour l’exercice du pluralisme démocratique.

L’Article 3 : « Cette structure est chargée, entre autres : de mener des recherches et des études de toute nature sur les menaces susceptibles d’affecter ou de porter atteinte à l’intégrité ou à la sécurité du territoire national, à la continuité des institutions de la République et aux intérêts vitaux de l’État ; de développer des stratégies en vue sur les menaces de toute nature, notamment le terrorisme et l’extrémisme violent, l’espionnage, la désinformation ou l’ingérence dans les affaires politiques et stratégiques ; d’anticiper les menaces et les attaques visant les intérêts vitaux de l’État par tous les moyens, y compris les moyens de technologies de l’information et de la communication ; de déceler et neutraliser toute forme de menace provenant des activités d’individus, de groupes d’individus, d’organisations, des zones d’opérations réelles ou potentielles ou des services d’autres pays ; de surveiller des éléments de diversion et de subversion de quelque nature que ce soit, à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national ayant un lien avec le Mali ; d’intervenir pour mettre fin à toute menace grave contre les institutions ou les intérêts vitaux de l’État et conduire leurs auteurs devant les autorités judiciaires compétentes. »

Article 4 : « Pour accomplir sa mission, l’Agence nationale de la Sécurité d’Etat dispose d’un droit de réquisition. Les agents de l’Agence nationale de Sécurité d’Etat peuvent, dans l’exercice de leur mission, requérir directement le concours de toute personne morale ou physique qualifiée. »

Article 5 : « Dans le respect des textes en vigueur, les agents de l’Agence nationale de la Sécurité d’État ont droit d’accès à toutes les institutions publiques et privées dans l’exercice de leur fonction. A cet effet, il ne peut leur être refusé l’accès et la communication d’aucun document, dossier, témoignage ou support. »

Avec des telles dispositions, toute personne qui dérange le pouvoir en place peut être arrêtée. Tout parti politique, tout organe de médias, toute association peut faire être visité ou obligé à remettre ses documents, ses ordinateurs à des agents en dehors de toute procédure judiciaire légale. Cela est inadmissible en République après le sacrifice des martyrs de 1991. Il faut aussi alerter les associations de défense des Droits de l’Homme, les partis politiques et les organisations faitières de la presse sur l’extrême dangerosité d’une telle disposition législative. Il en est de même pour les organisations syndicales notamment les syndicats des magistrats, le Conseil de l’Ordre des avocats.

Il faut exiger dès maintenant le retrait de cette ordonnance avant même son arrivée sur la table du Conseil national de Transition, devenu une caisse de résonnance. Si le CNT donne son quitus à cette ordonnance à l’état actuel, des conseillers épris de paix, de la défense de la démocratie et des libertés publiques doivent prendre leur courage en main pour l’attaquer devant la Cour constitutionnelle, laquelle institution saura, sans doute, censurer les dispositions liberticides.  Même si l’ordonnance passe le CNT, échappe au contrôle des sages de la Cour, il faut continuer le combat après cette transition pour abrogation pure et simple.  Sinon, c’est la fin des libertés et le début du règne de la dictature sous le couvert de la loi.

Par Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger

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