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ECONOMIE ET GESTION : Prévention et traitement des entreprises en difficultés

Rôles de l’expert-comptable

organisation harmonisation droit affaires ohada

(Seconde partie)

Après avoir traité, dans les numéros 1430 et 1441, des « rôles de l’expert-comptable dans la création d’entreprises », nous traitons ici, les rôles de l’expert-comptable dans les traitements des difficultés rencontrées par l’entreprise durant sa vie sociale.

Professionnel de haut niveau qualifié de « médecin généraliste de l’entreprise », l’expert-comptable se trouve au cœur du dispositif de sauvetage de l’entreprise en difficultés, mis en place par les Actes Uniformes originels du 10 avril 1998 et révisé du 10 Septembre 2015, de l’OHADA, portant « Organisation des Procédures collectives d’apurement du passif ».

L’inefficacité des mesures préventives : mise en œuvre des mesures curatives.

Il est rappelé que, beaucoup de grands doctrinaires en sciences de gestion, définissent « la gestion comme l’art de la prise de décisions ». Gérer, c’est donc prendre des décisions. Une décision est un acte que l’on pose à un instant t1 pour produire des résultats qu’on espère à t1+n. Si à t1+n, le résultat attendu se réalise, l’auteur de cette décision aurait pris une bonne décision ; et si cela se produit fréquemment, il serait qualifié de « bon gestionnaire ».

Si, au contraire, le résultat escompté ne se produit pas à t1+n, l’auteur de la décision aurait pris une mauvaise décision et cela arrive fréquemment, cette personne serait qualifiée de « mauvais, voire de piètre gestionnaire ».

Il est donc possible que les mesures préventives (développées dans le précédent article) prises pour anticiper les difficultés ne produisent pas les effets escomptés. Les difficultés surviennent et il faut les solutionner le plus rapidement possible pour éviter tout effet de contagion, comme développé dans le précédent article.

Vous convenez avec moi que les mesures curatives à prendre sont proportionnelles à l’ampleur des difficultés. A un grand malade, il faut des grands remèdes. Il convient de mettre rapidement en œuvre pour sauver l’entreprise. Il est rappelé que les procédures collectives ont pour but premier, de sauver l’entreprise, la création de richesse, les emplois.

L’expert-comptable se trouve au cœur de la mise en œuvre des procédures prévues à cet effet par l’Acte Uniforme du 10 Septembre 2015, de l’OHADA, portant « Organisation des Procédures collectives d’apurement du passif ».

Les procédures collectives prévues par le droit Ohada

Il est important de comprendre par que « mesures préventives » et « mesures curatives » mentionnées ci-haut, il s’agit de tout ce que les gestionnaires mettent en place pour gérer l’entreprise en « bon père de famille », comme développé dans le précédent article, cela comprend tous les outils de gestion mis en place dans le cadre d’un système de gestion normale.

Mais dès que les difficultés surviennent et que l’entreprise saisisse le Tribunal, les mesures d’une gestion normale ne suffisent plus, on passe aux « procédures » que le tribunal va imposer. Les procédures collectives prévues à l’article 2 de l’Acte Uniforme sont de deux types :

Les procédures préventives : la conciliation et le règlement préventif.

Les procédures curatives : le règlement judiciaire et la liquidation des biens.

Les procédures préventives. L’entreprise en difficulté n’est pas encore poursuivie par des créanciers. Avant qu’un créancier ne le convoque devant les autorités judiciaires : police, gendarmerie, tribunal en recouvrement de sa créance, le Chef d’entreprise lui-même saisit, de sa propre initiative, la juridiction compétente avec une «proposition de paiement de ses dettes». Deux procédures permettent de faire cela :

« La conciliation est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise débitrice afin d’effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration s’effectue par le biais de négociations privées et de la conclusion d’un accord de conciliation négocié par le débiteur et ses créanciers, ou au moins ses principaux créanciers, grâce à l’appui d’un tiers neutre, impartial et indépendant, dit conciliateur ».

« Le Règlement Préventif est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif ».

Un mot clé doit être mis en évidence dans ces deux procédures : la « cessation des paiements ». L’Acte uniforme la définit comme « l’état où le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers, lui permettent de faire face à son passif exigible ».

L’expert-comptable, technicien de la comptabilité et des finances, saisi en qualité d’expert dans la procédure va étayer ces aspects très techniques pour mieux édifier le tribunal. Pour faire simple, pour ne pas être en cessation de paiements, il faut avoir suffisamment de moyens dans les comptes bancaires et en caisse, pour payer toutes les dettes arrivées à échéance.

Les procédures curatives. L’entreprise en difficulté est déjà poursuivie par des créanciers, qui réclament paiements devant les autorités judiciaires. Visiblement, cette entreprise n’a pas les moyens pour payer ses dettes échues, puisqu’elle est poursuivie. Mais cela pourrait être due aussi à une « gêne de trésorerie » momentanée, c’est-à-dire qu’à un moment précis, il peut arriver qu’une personne physique, une entreprise, n’ait pas d’argent pour payer une facture, quand bien même, elle a de suffisantes rentrées d’argent attendues. Mais dans tous les cas, le constat est que le créancier la poursuit devant les autorités judiciaires pour se faire payer.

La juridiction saisie pourrait prononcer la mise en œuvre de l’une des deux procédures suivantes :

« Le Redressement Judiciaire, une procédure collective destinée au sauvetage de l’entreprise débitrice en cessation de paiements mais dont la situation n’est pas irrémédiablement compromise et à l’apurement de son passif au moyen d’un concordat de redressement ».

« La liquidation des biens est une procédure collective destinée à la réalisation de l’actif de l’entreprise débitrice, en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement comprise, pour apurer son passif ».

L’expert commis dans la procédure appréciera la situation de cessation de paiements.

Le déclenchement des procédures collectives : la saisine du tribunal par le débiteur

Il est clair que l’entreprise débitrice se situe au départ de toutes les procédures collectives d’apurement du passif. Autant les promoteurs ont eu l’enthousiasme d’aller voir librement un « Notaire » pour créer l’entreprise, autant, les dirigeants du moment doivent avoir le courage de déclencher les procédures collectives à la survenance des difficultés.

Ils doivent saisir, par requête, la juridiction compétente dans les conditions de fond et de formes requises par l’Acte uniforme.

L’article 3 est très explicite : « La conciliation, le règlement préventifs, le redressement judiciaire et la liquidation des biens relèvent de la juridiction compétente en matière de procédures collectives ».

Il est possible que les créanciers et le débiteur demandent conjointement l’ouverture d’une procédure collective. Ce serait par exemple le cas d’une procédure de conciliation qui a échoué. Ensemble les parties à la conciliation verront comment saisir la juridiction compétente.

Le débiteur peut être une personne physique, un artisan, un professionnel libéral  (avocat, médecin, comptable, expert-comptable, notaire, entrepreneur individuel, etc), une personne morale, une personne morale membre d’un groupe de sociétés, la société-mère d’un groupe de sociétés, la filiale d’une multinationale, une société-mère ayant son siège dans un Etat partie de l’OHADA avec des filiales dans des payses non-membres de l’espace économique OHADA, etc.

Une procédure dite simplifiée est prévue pour les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire les entreprises qui emploient moins de 20 employées et en réalisant pas plus de 50 millions de FCFA ou équivalent de chiffre d’affaires.

Au final, aucune activité économique, aucune personne n’échappe aux procédures collectives d’apurement du passif.

La juridiction compétente saisie, par une ordonnance, met fin à toutes les poursuites individuelles. Les créanciers ne peuvent plus agir individuellement contre le débiteur. Les sorts de leurs créances sont réglés collectivement, d’où l’appellation « procédures collectives ».

Mais ils ne peuvent pas attendre indéfiniment, il faut aller vite pour qu’ils entrent rapidement dans leurs droits et faire face, eux aussi, à leurs engagements financiers de paiement de salaires, de remboursement d’emprunts, de paiements de fournisseurs, de dettes fiscales et sociales, circonscrivant ainsi la contamination.

Des délais légaux fermes sont prévus dans lesquels, chaque procédure collective doit être définitivement clôturée.

Le rôle central de l’expert dans la procédure

La juridiction saisie se prononcera sur la procédure applicable au cas de l’entreprise en difficulté au vue du « rapport » d’un expert qu’il a nommé pour étudier la situation économique et financière de l’entreprise.

Cet expert doit être de compétence et de moralité irréprochable. Il devient un « commandant de bord » d’un navire en détresse, avec la vie de tous les passages dans ses mains. Nous avons été nommé expert dans certaines procédures, parfois, sur nomination du Président de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (C.C.J.A) à Abidjan, l’émotion, les regards des employés, l’atmosphère à la Direction générale, sont indescriptibles.

Les erreurs de l’expert ne sont pas tolérables. Par une mauvaise appréciation de la situation économique et financière du débiteur, il peut induire le juge en erreur et fait condamner ainsi à jamais des vies entières, des employés à quelques années de la retraite, qui ne peuvent plus jamais avoir un autre emploi et qui ont des engagements financiers importants pris pour les études de leurs enfants, pour financer la seule maison et qui sert de garantie donnée à la banque, des Dirigeants d’entreprises qui peuvent tout perdre.

A l’audience du Tribunal pour homologuer le « concordat préventif » ou le « concordat de redressement », ou pour prononcer la liquidation des biens, vous avez les larmes aux yeux, fuyant les regards des concernés, un moment de grande conscience professionnelle.

En effet, le débiteur peut saisir le tribunal avec une requête de « règlement préventif », mais au vu du « rapport de l’expert », le tribunal pourrait juger que le « concordat préventif » n’est pas la solution, mais plutôt un « concordat de règlement ».

Un débiteur peut aussi saisir le tribunal pour bénéficier d’un « concordat de redressement », mais l’exploitation du « rapport » de l’expert sur la situation économique et financière, édifiera le juge que le « pronostic vital » du débiteur est engagé. En effet, les recettes d’exploitation et d’autres ressources que le débiteur expose dans sa requête ne permettront pas de faire au remboursement des créanciers suivant l’échéancier arrêté tout en continuant l’exploitation. Devant de telle situation irrémédiablement comprise, le juge pourrait se prononcer en faveur de la liquidation des biens.

Il est très important de noter que toute nouvelle incidence dans une procédure de redressement judiciaire, entraînera systématiquement le basculement vers la liquidation des biens, en vertu du principe de « réalisme du droit des procédures » qui guide le redressement de l’entreprise en difficultés.

A chaque procédure collective, correspondent des aspects comptables et financiers très techniques qui rendent quasiment obligatoire l’intervention d’un expert.

Une des innovations de l’Acte Uniforme du 10 septembre 2015, c’est la mise en place dans chaque Etat-partie, d’un « Ordre des mandataires judiciaires » dont les membres vont être commis par les tribunaux comme « expert au règlement préventif, syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens ».

L’acte uniforme n’indique pas expressément que les experts-comptables sont les seuls professionnels habilités à être désigné en qualité d’expert dans une procédure collective d’apurement du passif.

Cependant compte tenu des hautes compétences en comptabilité et finances que le « métier » exige, ils sont quasiment de fait les seuls.

En effet, il a été constaté que le tribunal nomme quasiment toujours un expert-comptable, mais peut le seconder parfois par une autre compétence.

En conclusion, il est très important de rappeler aux chefs d’entreprise que le recours à une procédure collective ne doit pas être perçu d’un mauvais œil.

Autant une personne physique ne peut pas naître et mourir sans tomber malade, même une fois, dans sa vie, autant le recours à une procédure collective est une étape dans la vie de toute entreprise.

Renseignez-vous sur le parcours de grandes entreprises multinationales qui ont cent, deux cents ans d’existence et que tout le monde admire, elles sont quasiment toutes passées à un moment par une procédure collective, telles que les lois sur les entreprises en difficultés en Allemagne, France, en Europe, et le Chapitre 7 de la loi commerciale aux Etats Unis.

Le recours aux procédures collectives démontre à suffisance, si besoin en était encore, l’engagement, le refus de l’échec, la hargne de gagner du Chef d’entreprise.

On rappelle aux autorités détentrice de pouvoirs, que ce sont les entreprises qui font un pays, l’avenir d’une jeunesse.

A entendre la teneur des conférences données par des « grandes réussites » du continent et des publications sur la gestion des ressources, surtout minières et pétrolières, du continent, il ressort que les Chefs d’entreprises locales ne sont pas souvent aidées par les autorités des pays qui ont généralement une préférence pour les entreprises étrangères.

Et pourtant sans ces entreprises locales, elles-mêmes autorités locales, gouvernements, fonctionnaires, ne seraient pas là./

Siné Diarra

Expert-Comptable,

Certifié aux normes comptables internationales

IAS / IFRS par l’OEC et la CNCC de France.

Enseignant de Comptabilités, Finances et Audit

Tél : 66 89 69 69 / 76 89 69 69.

 

Source: lesechos

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