93 députés sur les 147 ont élaboré et signé, hier mardi, un mémorandum qui traite des aspects de la crise à laquelle le pays est confronté. Le mémorandum est signé par presque tous les groupes parlementaires excepté le groupe VRD. Les députés signataires de ce document, dans un souci de continuité constitutionnelle ou consensuelle de la continuité de l’Etat, demande aux Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, le rétablissement de l’Assemblée nationale. Aussi, considère-t-il la déclaration et le décret de dissolution de l’Assemblée nationale par l’ancien Président de la République nul et non avenu pour deux raisons. D’abord, la dissolution ainsi intervenue de l’Assemblée nationale n’a été ni libre, ni discrétionnaire, ni personnelle, car dépourvue de tout consentement du Président de la République en la matière. De plus, la dissolution de l’Assemblée nationale, soutiennent-ils, annoncée par le Président Ibrahim Boubacar Kéita est intervenue après qu’il ait démissionné.
Voici leur mémorandum
MÉMORANDUM de Assemblée nationale du Mali
Nous, députés de la 6ème Législature élus à l’Assemblée nationale du Mali :
Nous fondant sur la Constitution du 25 février 1992, les valeurs et principes démocratiques tels qu’inscrits dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 de l’Union Africaine et dans le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
Condamnons le coup d’État militaire du 18 août 2020 tout en rappelant l’importance et la nécessité de la stabilité des institutions en démocratie par le respect de la Constitution et ce, conformément au Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance qui interdit toute forme de changement anticonstitutionnel pour accéder au pouvoir ;
Soucieux de la stabilité politique, sociale et institutionnelle du pays ;
Proposons pour la résolution de la crise sociopolitique, ce qui suit :
1. CONCERNANT LE RETOUR À L’ORDRE CONSTITUTIONNEL,
Considérant que le retour à la normalité constitutionnelle au Mali, après le coup d’État militaire du 18 août 2020 suivi de la démission forcée du Président Ibrahim Boubacar KEITA, passe par le respect strict des dispositions de la Constitution du 25 février 1992, dont l’article 36 organise l’intérim du Président de la République dans l’hypothèse de la vacance ou de l’empêchement.
Nous rappelons que cet article dispose que, « Lorsque le Président de la République est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont exercés provisoirement par le Premier Ministre
En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée nationale et le Premier Ministre, les fonctions du Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée nationale.
Il est procédé à l’élection d’un nouveau Président pour une nouvelle période de cinq (5) ans.
L’élection du nouveau Président a lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement.
Dans tous les cas d’empêchement ou de vacance, il ne peut être fait application des articles 38, 41, 42 et 50 de la présente Constitution ».
L’une des conséquences de l’empêchement du Président de la République définitif ou temporaire quelque soit le cas de figure est l’inapplication de l’article 42.
Alors comment comprendre que ce même article voulu inapplicable par le constituant puisse servir à la dissolution de l’Assemblée nationale. Nous pensons que cette dissolution est plus une dissolution de faite qui n’a aucune base constitutionnelle.
C’est pourquoi, nous demandons le maintien de l’Assemblée nationale conformément à l’article 36 qui dispose à son dernier alinéa : « Dans tous les cas d’empêchement, il ne peut être fait application des articles 38, 41, 42 et 50 de la Constitution ».
Dans un souci de continuité constitutionnelle ou consensuelle de la continuité de l’État, l’Assemblée nationale demande aux Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO :
– Le rétablissement de l’Assemblée nationale ;
2. CONCERNANT LA SORTIE DE CRISE,
Au regard des circonstances exceptionnelles que connaît le Mali, l’Assemblée nationale s’engage à respecter tout accord résultant du dialogue ouvert par la CEDEAO avec les militaires pour la résolution de la crise sociopolitique au Mali.
Elle encourage :
– Le rétablissement effectif de la Constitution du 25 février 1992, conformément au Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance ;
– La formation d’un Gouvernement d’union nationale ;
– La poursuite du processus de réformes politiques et institutionnelles suivant les recommandations du Dialogue national inclusif, qui ne peut être effective sans les députés élus à l’Assemblée nationale.
– La nécessité pour l’Assemblée nationale de se saisir du dossier des sanctions contre le Mali par une diplomatie parlementaire.
L’adoption d’un accord politique et social par l’ensemble des forces politiques et sociales du pays et son approbation par l’Assemblée nationale est nécessaire pour réguler la période transitoire, afin de combler le vide institutionnel dans la conduite des affaires publiques, à l’instar de la crise de 2012.
3. CONCERNANT LA DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Considérant que la dissolution de l’Assemblée nationale est une prérogative exclusive du Président de la République qu’il exerce de manière discrétionnaire et personnelle. Le pouvoir discrétionnaire accorde une certaine liberté d’action ou d’appréciation au Président de la République, avant de dissoudre l’Assemblée nationale. Aussi, la décision de dissolution au cas échéant, est confiée personnellement au Chef de l’État. Or, il a été constaté des pressions et des menaces sur la personne du Président Ibrahim Boubacar KEITA pour le contraindre à annoncer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Dans cette hypothèse, la dissolution ainsi intervenue de l’Assemblée nationale n’a été ni libre, ni discrétionnaire, ni personnelle, car dépourvue de tout consentement du Président de la République en la matière.
De plus, la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le Président Ibrahim Boubacar Kéita dans la nuit du 18 au 19 août 2020, est postérieure à sa démission de ses fonctions de Président de la République, « avec toutes les conséquences de droit », selon ses propres termes. En conséquence de cette situation, M. Ibrahim Boubacar KEITA devenu désormais ex-président de la république ne dispose plus d’aucune prérogative constitutionnelle pouvant lui permettre d’exercer un droit de dissolution sur l’Assemblée nationale, conformément aux dispositions de l’article 42 de la Constitution.
A notre grande surprise, trois (3) jours après une simple déclaration de dissolution de l’AN par l’ex-président de la République, est intervenu le décret n° 0345/P-RM du 18 aout 2020, qui acte ou formalise la dissolution.
En conséquence de ce qui précède, le collectif :
– Considère la déclaration et le décret de dissolution de l’Assemblée nationale par l’ancien Président de la République, nuls et non avenus ;
– Réfute toute tentative de dissolution de l’Assemblée nationale en l’absence de règles de fond et de forme, conformément aux dispositions constitutionnelles ;
– Sollicite la CEDEAO à tout mettre en œuvre pour le rétablissement effectif de l’Assemblée nationale ;
– Décide de tout mettre en œuvre pour sa réhabilitation, y compris par voie judiciaire nationale, sous régionale et internationale au cas échéant.
Fait à Bamako, le 1er /09/2020
Pour le Collectif
Le Président Honorable Marcelin GUENGUERE
Groupe Parlementaire ADEMA Groupe Parlementaire RPM
Honorable Sory Ibrahima DAO Honorable Moussa KALIDI
Groupe Parlementaire BENSO Groupe Parlementaire MRD
Honorable Mamadou SIMPARA Honorable Aïchatou CISSE
Groupe Parlementaire MPM – UDD
Honorable Tidiane GUINDO
Source : INFO-MATIN