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Diéma (Ouest du Mali) : Vous avez dit Genre ?

La notion du Genre semble être mal comprise dans le Cercle de Diéma, dans la Région de Kayes, (Ouest du Mali). Seuls quelques lettres savent de quoi il s’agit. Mamadou Diakité, gestionnaire d’une Mutuelle de santé dans la localité, lui, a sa vision de la chose. Il explique que le genre n’est pas fait pour défendre uniquement les femmes. Il prend, aussi, en compte les personnes handicapées, les enfants, les mendiants, les orphelins, les personnes âgées, bref, toutes les couches vulnérables de la société sont concernées.

Dans cette contrée, c’est ancré dans les têtes que la femme n’est jamais l’égale de l’homme. C’est l’homme qui a le pouvoir, prend des décisions, donne des ordres, sanctionne en cas de fautes. C’est le maitre de la maison. C’est à lui que revient le dernier mot. Personne ne peut enfreindre les lois qu’il impose dans sa maison. Pour reprendre les mots de Monzon, réparateur de tamis, « incontestablement, il a droit de vie et de mort sur les membres de sa famille ».

De l’avis de plusieurs interlocuteurs, interrogés en marge d’un atelier de formation axé sur le Genre, initié par l’Union  régionale des mutuelles de santé de Kayes, en partenariat avec l’Agence espagnole pour la coopération internationale et le développement (AECID), et qui pensent comme Monzon, le genre est « une notion fabriquée de toutes pièces par les Occidentaux, dans le but de donner aux femmes, plus de pouvoir et de les conduire sur le chemin du libertinage ». «C’est pour arracher nos femmes de notre pouvoir. Eux, (Ndlr, les Occidentaux), ils sont dominés par les leurs», lance un homme, la cinquantaine révolue.

Malgré les multiples sensibilisations entreprises par l’Etat et ses partenaires, aujourd’hui, à Diéma, si vous interrogez des gens, peu sont susceptibles de vous dire le sens réel du Genre. Ousmane, s’emporte ! « C’est pour que nos propres femmes c… sur notre tête », peste-t-il.

Interrogé sur le sujet, Madiassa demeure ferme sur sa position d’intransigeance. Ce sexagénaire soutient que la femme ne peut être l’égale de l’homme. « Elle doit, à son mari, respect et obéissance. Des exégètes du Coran laissent entendre que, même pour entrer au paradis, la  femme  doit faire preuve de soumission à son époux », dit l’homme.

Intéressé par le débat, un passant, dira que la femme n’est rien qu’une infime partie des côtes de l’homme.  Selon ce prêcheur, égrenant son chapelet, tout le monde est unanime que l’Islam a donné à la femme plus de place, plus valeur dans la société. « Elle ne doit souffrir ni de violence, ni de tortures, Dieu réprimande tout acte visant à rabaisser, à dénigrer la femme musulmane ».

Dans cette localité, la contraception est, aussi, un sujet difficile. Ici, ou l’émigration est une donne culturelle encore vivace, des hommes restent à l’étranger, cinq à dix ans, voire plus. « Il n’y a pas de raison pour que nos brus fassent le planning familial », soutiennent certaines belles-mères. Dans ces conditions, certaines, les plus téméraires, se cachent pour pratiquer le planning familial (PF). Même pour celles dont les maris sont restés sur place, il est difficile d’adopter des méthodes contraceptives, sans autorisation. Le PF est perçu comme un signe de débauche, outre qu’il empêche d’avoir beaucoup d’enfants. D’où la réticence de nombreux hommes.

Le président du Réseau des communicateurs traditionnels pour le développement (RECOTRADE), Alpha Diombana,  flûtiste dans sa vie d’artiste, explique, sans ambages, que dans plusieurs villages, les charges de la maison reposent, principalement, sur les femmes qui ont, souvent, de la peine à joindre les deux bouts. « Le rôle du chef de famille consiste à sortir, chaque matin, du grenier, pour la femme chargée de faire la cuisine, la quantité de céréales destinée au repas, dont les ingrédients de la sauce sont, essentiellement, de la poudre de feuilles de baobab et du sel, auxquels les plus généreux ajoutent quelques cubes de bouillons », dit-il.

« C’est à la femme de se débrouiller pour trouver d’autres ingrédients nécessaires pour relever le goût de son plat », ajoute notre interlocuteur. Dans une maison, quand les mets d’une femme sont appréciés, elle gagne en popularité. Chaque fois que c’est son tour de cuisine, les enfants s’en lèchent les doigts.

« Mais aujourd’hui, le système commence à changer », signale Diombana. Des ressortissants de la localité, en divers endroits du monde, notamment de la France, envoient de l’argent à leurs parents pour acheter des vivres et des condiments qu’ils stockent pour la consommation de leur famille.

La présidente de l’Association Demba Gnouma (Bonne mère) de Gomitradougou, Assa Konaré, n’en dit pas moins. Elle évoque la gymnastique à laquelle les femmes de sa localité sont quotidiennement confrontées. « La majeure partie des dépenses familiales reposent sur les femmes. Elles fournissent, quotidiennement, des condiments à travers leurs petites activités de maraîchage,  partent chercher en brousse du bois de cuisine, assurent l’approvisionnement en eau. Pendant l’hivernage, elles vont, sur sollicitation,  cultiver dans les champs ou participer aux récoltes. Elles produisent et commercialisent du tabac pour alimenter leurs caisses associatives », énumèrent notre interlocutrice.

« Que dire de ces femmes fonctionnaires qui laissent tous les travaux domestiques aux mains de leurs servantes. Même pour arranger le lit du mari ou déposer de l’eau dans la douche, elles ne se décarcassent pas’, fait remarquer, déclare Haoussa, le boucher, sur le ton de la repartie

INITIATIVES – La présidente de la Coordination des associations et organisations féminines (CAFO)  de Béma, Assa Traoré, du haut de ses soixante-dix ans, milite pour le maintien des filles à l’école dans sa localité. Une façon, pour elle, de contribuer à la promotion du Genre. Dès qu’elle apprend que des démarches du mariage d’une fille mineure sont entamées, elle prend son bâton de pèlerin, pour aller sensibiliser les parents de la victime afin qu’ils renoncent à leur projet, afin de permettre à la petite de poursuivre  ses études.

Grâce aux efforts de l’Association Benkady (L’Union est belle) dirigée par Hatouma Wagué, aujourd’hui à Béma, beaucoup de parents ont renoncé à enlever leur fille de l’école pour la donner en mariage. La présidente Hatouma entend créer des Activités génératrices de revenus (AGR) pour de nombreuses femmes de Béma qui portent encore les stigmates du mariage d’enfants dont elles ont été victimes, durant leur jeune âge.

Coumba Dia, avec leadership, contribue à l’émancipation des femmes de Fassoudébé, sa commune natale. « En milieu peul, il est difficile de voir les femmes se mêler aux hommes, de mener ensemble des activités. La femme peule, de nature, est réservée, discrète. Par exemple, elle  n’accepte, jamais, de manger en présence des hommes, ni de hausser le ton. Face à un supérieur, elle évite de le fixer droit dans les yeux », raconte-t-elle.

Cette timidité ou réserve des femmes peules fait que beaucoup ne parviennent pas à s’épanouir. C’est pourquoi, depuis un certain temps, Coumba Dia, organise les femmes, leur sensibilise sur leurs rôles et leurs responsabilités  dans la commune.

Le 2e adjoint au maire de la Commune rurale de Fassoudébé, Iby Kah, soutient ce combat. Il affirme que grâce à la sensibilisation, le mariage d’enfants, qui constitue une violation des droits de la jeune fille, a considérablement diminué dans la commune.

Le directeur de la radio Kingui, Mahamadou Diawara, lui, s’apprête à initier des émissions sur le Genre dans la Commune rurale de Béma et ses environs, avec le soutien de partenaires, afin que tous les acteurs, hommes et femmes, soient suffisamment édifiés sur la notion « pour l’intérêt collectif ».

CRI DU CŒUR – Goundo Keita, membre de la CAFO de Dioumoura-Koussata, se plaint du manque de considération des hommes de leur localité à l’endroit des femmes. Cette femme, d’une cinquantaine d’années, ne mâche pas ses mots. Elle affirme que les hommes de Dioumara-Koussata « foulent au pied » les droits des femmes. « Ils tiennent, parfois, leurs rencontres, sans nous convier, même si le sujet à débattre nous concerne directement. Nous sommes des souffre-douleurs », accuse la dame. Elle invite les hommes de Dioumara-Koussata et du Mali « à accorder aux femmes plus d’attention, à mieux collaborer avec elles, sans quoi, tous les efforts de développement seront réduits à néant », insiste-t-elle.

Comme pour illustrer cette situation, une jeune femme, originaire de Béma, préférant garder l’anonymat, a confié que, dès l’âge de 13 ans, ses parents l’ont enlevée de l’école pour la donner en mariage, contre son gré, à un ressortissant du village qui réside au Gabon. « J’ai rejoins mon mari, mais mon séjour n’a duré que quelques jours. Ma belle-mère ne voulait pas que je parte rejoindre son fils, sous le prétexte, que cela pourrait augmenter les charges de son fils ».

Avec l’insistance de certains proches, la nouvelle mariée a pu rejoindre son mari. Mais, « un jour, à la suite d’une petite dispute, de rien du tout, il m’a mise dans l’avion. Et je suis retournée au Mali », dit-elle. La seule chose que cette femme regrette, aujourd’hui, c’est de ne savoir ni lire, ni écrire.

Pour que la notion du Genre soit bien partagée par tous les acteurs dans le Cercle de Diéma, il faut encore beaucoup de sensibilisation. L’Etat et ses partenaires doivent faire des efforts supplémentaires, en organisant davantage de formations,  en initiant des émissions radio, des conférences débats, des assemblées générales, jusque dans les confins des villages, afin de faire comprendre les avantages du respect du Genre.

Il faut enseigner le Genre dans les écoles pour une meilleure promotion de ce concept qui souffre de pas mal d’incompréhensions, notamment l’idée de faire croire qu’il s’agit de faire de la femme l’égale de l’homme. Perspective qui fait grincer les dents de plus d’un mâle, surtout dans les contrées de l’intérieur du Mali.

OB/MD

Source: Journal l’Essor-Mali

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