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Dialogue avec les djihadistes: le pour et le contre…

Entre légitimité populaire, jurisprudence, nécessité et réalisme, la question du dialogue avec les djihadistes maliens ne peut plus être éludée. Analyse d’une situation complexe.

iyad ag ghali djihadiste leader terroriste islamiste ansar dine

Il n’y a aucun doute que les mouvements djihadistes sont en train de saigner la population malienne. Les victimes civiles comme militaires se comptent à présent par centaines et chaque jour apporte son lot d’attentats. Il est connu que les Forces armées et de sécurité y mettent du cœur pour arrêter le mal, sans jamais véritablement y parvenir parce qu’elles font face à un ennemi invisible. C’est dans ce contexte où l’on peut s’autoriser de parler d’impuissance que des voix se sont élevées pour préconiser une alternative à la guerre qui ne donne que des résultats aléatoires : dialoguer avec les djihadistes maliens.

La nécessité
Cette position est justifiée, dans le plus clair du temps, par les énormes pertes humaines et matérielles que causent les djihadistes. En fait, il s’agit d’une impérieuse nécessité d’arrêter l’hémorragie, par une voie autre que celle de l’usage de la force qui a montré toutes ses limites. Ce, d’autant plus que si la rébellion s’est officiellement rangée du côté de la République, il n’en demeure pas moins qu’elle est taxée d’accointances douteuses avec Ansar Eddine. En effet, en juin 2016, Paris mettait en cause le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) considéré comme étant constitué de dissidents d’Ansar Eddine. Selon les autorités françaises, ce mouvement complique le retour à la stabilité dans le nord du Mali par son « double jeu » avec les djihadistes d’Ansar Eddine. Une accusation que récuse naturellement le HCUA qui affirme n’avoir « aucun lien » avec un groupe djihadiste.
Des sources au sein du ministère français de la Défense ont exprimé les préoccupations et l’agacement des autorités françaises face au « double jeu du HCUA ». Selon ces mêmes sources proches du ministre, le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad « bien qu’étant un des groupes signataires des accords d’Alger, n’hésite pas à afficher une forme de proximité avec Iyad Ag Ghali et Ansar Dine. Cette proximité, constatent-elles, se manifeste tant sur le fond que sur les éléments combattants ».
Il faut rappeler que le président du HCUA, actuel président de la Coordination des mouvements armés (CMA), Algabass Ag INTALLA, était le numéro 2 d’Ansar Eddine qui a par la suite créé le Haut conseil islamique de l’Azawad, avant d’être, par un tour de passe-passe, laïcisé pour les besoins de la cause de l’Accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali, signé à Ouagadougou, le 18 juin 2013.
M. INTALLA est également de la même tribu Ifhogas que Iyad Ag Ghaly.
Dès lors qu’un dialogue est établi avec le HCUA, il ne serait pas objectif d’isoler Ansar Eddine.
Plaidant en faveur de ce dialogue, il y a une jurisprudence. Les États-Unis d’Amérique, nonobstant leur puissance de feu, ont dû se résoudre à dialoguer avec les Talibans en Afghanistan. C’était la voix de la sagesse qui a prévalu, puisqu’ils ne sont jamais parvenus à défaire militairement ces Talibans.
Plus près de nous, les Algériens ont discuté avec leurs islamistes.
Scénario identique au Mali où l’armée, appuyée par des Forces internationales, n’arrive pas à bout des mouvements djihadistes qui, pis est, se métastasent.

L’aspiration générale
Il faut ajouter à cette jurisprudence, la légitimité populaire de la démarche. Le Groupe d’action pour la réconciliation et le dialogue au Mali (GARD) dont est membre l’ancien Premier ministre, Ahmed Mohamed Ag HAMANI, avait un projet dans ce sens. Cela, conformément à sa vocation, en usant des canaux traditionnels qui ont fait leur preuve dans ce pays de grandes civilisations.
Pour sa part, l’Amenokal de Kidal, Mohammed Ag INTALLA, appelle à la recherche d’une solution contre le djihadisme au Mali et pour ce faire, selon lui, il faut un dialogue. Il a déclaré qu’il faut engager des discussions avec les djihadistes maliens : « en retour, ils vont aider le Mali à se débarrasser de djihadistes venus d’ailleurs. Pour avoir la paix définitive, il faut parler avec les djihadistes maliens, leur dire que ce qu’ils font n’a rien à voir avec l’islam ».
Pour discuter, selon lui, la première question sera de leur demander « qu’est-ce que vous voulez ? » Ceux qui répondent qu’il faut appliquer la charia, couper des mains, il faut qu’on leur prouve par la discussion qu’ils sont dépassés.
Tout à son honneur, l’Opposition politique, en particulier, le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) a, depuis deux ans environ, prôné un dialogue avec les djihadistes maliens.
La Conférence d’entente nationale, qui s’est tenue du 27 mars au 2 avril dernier, au Palais de la culture Amadou Hampâthé BA, a abondé dans le même sens, avec deux précisions de taille : négocier avec le prédicateur radical Amadou Koufa à la tête du Front de libération du Macina et Iyad Ag Ghaly ; respecter la forme laïque de l’État.
Même des officiels ont été séduits par la musique. Lors de la conférence-débat de la Caravane culturelle pour la paix, au CICB au CICB, Zahabi Ould Sidi Mohamed, alors ministre de la Réconciliation nationale, déclarait : « pour la paix et la réconciliation nationale, le Mali est disposé à dialoguer avec tous ses fils, y compris Iyad Ag Ghali ».
Il a prévenu : « à titre privé, j’ai reçu les parents d’Iyad, mais ils n’ont pas été en mesure de me fournir la moindre preuve et le moindre signe, pas même un communiqué, venant de lui pour dire qu’il veut s’inscrire dans la paix. Et s’il veut s’inscrire dans cette dynamique, qu’il fasse un communiqué ».
Zahabi est le premier officiel à parler de cette éventualité. Au sein du Gouvernement, d’autres personnalités ont plaidé pour un dialogue avec les djihadistes qui n’ont « pas de sang sur les mains ».

Les réserves
Par contre, la position du Président Ibrahim Boubacar KEITA est beaucoup plus rigide quant à ce dialogue qui fait du chemin. Tout en reconnaissant qu’il sera difficile d’avoir la paix dans le Nord, sans Iyad Ag Ghaly, il a cependant exclu de négocier avec lui.
La conférence d’entente nationale aura-t-elle raison de sa résistance ? En tout cas, lors de la cérémonie de clôture de cet important rendez-vous, il a annoncé : « j’ai parfaitement enregistré les attentes que vous m’avez adressées et j’inviterai rapidement un comité d’experts, de sages pour nous aider à voir plus clair dans deux dossiers : le centre du Mali et cette question de l’Azawad ».
Outre le fait qu’Iyad est placé par les États-Unis sur la liste des terroristes, il y a la question des nombreuses victimes qui se pose. Pour les Parties, elle est tranchée par l’Accord pour la paix et la réconciliation qui stipule : « réaffirmation du caractère imprescriptible des crimes de guerre et crimes contre l’humanité et engagement des Parties à coopérer avec la Commission d’enquête internationale ; non amnistie pour les auteurs des crimes de guerre et crime contre l’Humanité et violations graves des Droits de l’homme, y compris des violences sur les femmes, les filles et les enfants, liés au conflit ».
La logique voudrait que ces mêmes dispositions s’appliquent aux djihadistes, même repentis.
La question de la bonne distribution de la justice se pose également avec acuité. Boukary SANGARE, anthropologue et auteur d’une étude sur la question peule dans le centre du Mali pour le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, révèle :
« (…) Je pense qu’il y a des communautés peules, pasteurs nomades dans cette région qui sont très frustrés et qui ont un problème d’accès à la justice depuis avant la crise de 2012 et qui ont de sérieux problèmes avec leurs propres élites au niveau local. Donc ce sont ces frustrés qui ont eu accès aux armes en 2012 avec l’occupation de la région par le MUJAO, et qui sont en train de régler aujourd’hui leurs comptes dans le centre du Mali… »
Sur le plan de l’équité, un développement équilibré des régions du pays apparaît comme une nécessité mise, du reste en évidence, par la Conférence d’entente nationale.
Enfin, il faut noter que dès lors que des djihadistes étrangers se retrouvent chez vous, c’est qu’ils n’ont ni frontière ni nationalité et que leur dénominateur commun est l’application obscurantiste de la charia qui tranche avec les principes républicains.

Par Bertin DAKOUO

 

Source: info-matin

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