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Destruction des mausolées de Tombouctou: l’excuse et le pardon du Bourreau

À l’ouverture hier de son procès devant la Cour pénale internationale (CPI), le djihadiste Ahmed al Faki al Mahdi a reconnu avoir participé à la destruction de mausolées à Tombouctou avant de s’excuser pour son crime et demander pardon pour tous les préjudices que cela a causés à notre pays. Des morceaux choisis d’une première journée de procès pour vous !

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Pour la première fois dans l’histoire de la Cour pénale internationale, ce n’est pas pour avoir versé du sang qu’un homme est poursuivi, mais pour avoir cassé des murs : le djihadiste Ahmed al Faki al Mahdi est accusé d’avoir dirigé des attaques contre neuf mausolées et une mosquée de Tombouctou, tous répertoriés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, lorsque la Cité des 333 Saints était sous le contrôle des hommes d’Abou Zeid et d’Iyad Ag Ghaly, lors de l’occupation djihadiste en 2012.
Son procès, selon le chronogramme établi, a débuté hier lundi 22 août à la Haye. D’après des sources proches du dossier, le procès devrait durer une semaine tout au plus.
Au sein de la juridiction internationale, l’on explique cet état de fait par deux arguments.
Le premier, c’est que le dossier est assez simple, ainsi que l’illustre le nombre de témoins que le bureau du procureur appellera à la barre : trois seulement.
Le second, c’est que, pour la première fois dans l’histoire du tribunal international, l’accusé a choisi de plaider coupable. Il l’a lui-même déclaré le 1er mars, lors d’une audience à huis clos, mais aussi ce lundi après avoir reconnu avoir participé à la destruction de mausolées à Tombouctou.
Ce procès de Ahmed al Faki al Mahdi devrait durer une semaine. Il s’agit d’un premier procès ‘’pour destruction de patrimoine culturel’’, le premier où un accusé plaide coupable, le premier pour un djihadiste présumé et le premier lié au conflit de notre pays.
« Votre Honneur, j’ai le regret de dire que tout ce que j’ai entendu jusqu’à présent est véridique et reflète les événements », a affirmé Ahmad Al Faqi Al Mahdi, environ 40 ans, après la lecture des charges : « je plaide coupable », a-t-il plaidé. Ce touareg est accusé d’avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre neuf des mausolées de Tombouctou et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia, classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.

Page noire
« Je me tiens devant vous dans cette enceinte plein de remords et de regrets », a-t-il ajouté, demandant à ses compatriotes de le considérer comme « un fils ayant égaré son chemin ».
En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des mœurs, Ahmad Al Faqi Al Mahdi aurait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées.
« Ces bâtiments étaient les plus connus de Tombouctou et faisaient partie de son héritage historique, ils faisaient partie de l’histoire du Mali et de celle du monde », a affirmé la procureure Fatou Bensouda.
« Ce qu’il s’est passé à Tombouctou est une page noire dans l’histoire de la ville », a-t-elle ajouté.
Kalachnikovs à l’épaule, pioches et haches à la main, les djihadistes font tomber les murs en terre crue par pans entiers : l’accusation a diffusé lundi lors de l’audience de nombreuses vidéos des destructions et de l’accusé, reprenant notamment une interview qu’il avait accordée à l’époque à des médias français.
L’accusation a également appelé hier à la barre son premier témoin, qui a notamment expliqué le processus d’enquête menée sur la destruction de ces mausolées. Deux autres témoins devraient être interrogés mardi avant que la défense ne prenne la parole mercredi après-midi ou jeudi.

Neuf à 11 ans de prison
L’accusation affirme que cet homme aux petites lunettes était un membre d’Ansar Dine, qui fait partie des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ 10 mois en 2012, avant d’être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013.
Les personnages vénérés enterrés dans les mausolées valent à Tombouctou son surnom de « Cité des 333 saints » qui, selon des experts maliens de l’islam, sont considérés comme les protecteurs de la ville, susceptibles d’être sollicités pour des mariages ou pour implorer la pluie.
L’accusation va demander une peine comprise entre neuf et 11 ans de détention, a affirmé un membre du bureau du procureur. L’accusé s’est engagé à ne pas faire appel si la condamnation rentre « dans cette échelle », a précisé un de ses avocats.
Ahmad Al Faqi Al Mahdi, qui avait été transféré par le Niger en 2015, a assuré avoir été à l’époque « sous l’emprise d’une bande de leaders d’Al-Qaïda et d’Ansar Dine » : « il me reste à lancer un message à tous les musulmans du monde entier, qu’ils résistent à ce genre d’actions dont les conséquences n’ont pas de limites et pas de bénéfices », a-t-il indiqué.
Si les ONG se félicitent de l’ouverture de ce procès, elles appellent la procureure à élargir son champ d’action : « nous devons nous assurer que justice soit rendue pour les autres crimes commis au Mali depuis 2012, notamment les meurtres, viols, torture de civils », a affirmé Amnesty International dans un communiqué.
D’autres espèrent que ce procès enverra un « message fort » contre le pillage et la destruction de patrimoine culturel à travers le monde, alors que des sites sont détruits régulièrement en Syrie et en Irak.

Versé depuis son plus jeune âge dans l’étude du Coran, cet ancien directeur d’école, né vers 1975, est décrit dans la région comme un homme réservé devenu le « shérif de la ville », intransigeant sur les principes et prônant l’application de la charia.
La procureure Fatou Bensouda a comparé ces actes à la destruction des monuments de Palmyre par l’État islamique et des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan, dynamités par les Taliban en 2001.
Pour rappel, c’est le 24 mars 2016 que la première Chambre préliminaire de la CPI a confirmé la charge de crime de guerre portée à l’encontre d’Ahmad al Faqi al Mahdi. Il est passible de 30 ans de prison, mais les procureurs devraient requérir une peine plus légère au regard de sa coopération.
«L’ouverture de ce procès historique, qui a été déféré par les autorités maliennes elles-mêmes à la CPI à La Haye, constitue un événement important», s’était félicité un porte-parole de l’Union européenne dans un communiqué. «Il favorise la mise en œuvre de l’Accord de Paix et de Réconciliation dont la lutte contre l’impunité fait partie intégrante.»
«Pour l’Union européenne, la culture est non seulement la base de toute société, mais aussi un facteur important de développement économique et social, de réconciliation et de paix durable», ajoute-t-il ajouté.

Par Mohamed D. DIAWARA

 

Source: info-matin

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