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Désobéissance civile: les failles d’un choix

La Plateforme ‘’ An Tè A Banna’’ qui fait planer le spectre d’une désobéissance civile, menée par un professeur jadis admiré de ses étudiants, mais dont, hélas, l’histoire ne retiendra qu’au plus fort d’une contestation, il aura brillé par un tripatouillage éhonté des textes, fait fausse route.

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C’est un palier supérieur qui est sur le point d’être franchi, dans son radicalisme, par le mouvement de contestation ‘’An Tè A banna. Touche pas à ma Constitution’’ qui menace d’observer la désobéissance civile, si le Président de la République ne retirait pas son projet de révision constitutionnelle, tout en préconisant des consultations.

De l’incohérence
En langue nationale bamanankan quand on dit : ‘’an tè, a banna’’, cela veut dire que c’est terminé, la porte est close, il n’y a plus de place au dialogue, nous ne voulons plus rien entendre ou comprendre.
Paradoxalement la même Plateforme, dans son Communiqué de presse du vendredi 23 juin 2017, écrit : ‘’ aussi, à titre de rappel, la Plateforme considère que les préalables à toute consultation référendaire sont : le retrait du texte en sa forme actuelle et l’ouverture d’une large concertation des Forces Vives de la Nation en vue d’aboutir à l’adoption d’un texte consensuel…’’
On le voit, elle souffle le chaud et le froid : radicale et ouverte au dialogue. C’est ce qui s’appelle : nager entre deux eaux.
La même Plateforme, qui feint un radicalisme de mauvais aloi, a pourtant accueilli avec bonheur l’offre de Koulouba de la recevoir pour parler du projet de révision constitutionnelle. Il faut dire qu’elle n’en demandait pas moins. Naturellement, pour sauver les apparences, elle organise un meeting au cours duquel, elle précise à ses militants qu’elle n’est pas demanderesse. Il ne pouvait pas en être autrement, lorsqu’on dit ‘’an tè a banna’’ et qu’on bondit après sur la première offre de rencontre.
En clair, il n’y a pas de cohérence dans la démarche de la Plateforme bigarrée ‘’An Tè A Banna. Touche pas à ma Constitution’’. Et les arguments pour la légitimation de sa position sont également des plus affligeants.

De la volonté populaire
Au niveau de la Plateforme, il est apparu une confusion terrible et terrifiante en ce qui est de la notion de volonté populaire qui est brandie en épouvantail pour amener le Président de la République à reculer par rapport à son projet de révision constitutionnelle.
Selon une définition juridique, on entend par peuple l’‘’ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d’origine, présentant une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d’institutions communes’’..
Par transposition, le peuple malien, c’est l’ensemble des fils de ce pays, vivant sur le 1,24 million de km². Est-ce que ce sont tous ces Maliens qui ont battu le pavé les 17 juin et 15 juillet pour dire ‘’NON’’ au projet de révision constitutionnelle ? Est-ce que quelques milliers de contestataires peuvent se substituer au peuple malien ? Pour y répondre, l’article 26 de la Constitution du 25 Février 1992 dispose : ‘’la souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum.
Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice’’.
De ce fait, le refus de la tenue du Référendum est une violation flagrante de la Constitution que certains prétendent défendre. La preuve : l’article 24 de la Constitution du 25 Février 1992 dispose : ‘’tout citoyen, toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter en toute circonstance la constitution’’. Ainsi les gardes-chiourmes de la Constitution du 25 Février 1992 sont ses premiers violateurs.

De la constitutionnalité
On se rappelle, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt le 4 juillet 2017 au terme duquel, elle déclare la constitutionnalité de la loi référendaire. Cette décision a été publiée au Journal officiel. Le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le président de la Cour suprême et les requérants ont reçu leur copie.
La Plateforme composée de démocrates et de républicains a pourtant trouvé le moyen de remettre en cause cette décision, violant par la même occasion l’article 94 de la Constitution du 25 Février 1992 qui dispose : ‘’les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales’’. En effet, dans son communiqué du 6 juillet 2017, on peut lire : ‘’la Plateforme note avec étonnement l’interprétation faite par la Cour de l’article 118 qui stipule qu’ « aucune procédure de révision ne peut être engagée lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Nous réaffirmons notre conviction que cet article s’applique à cette tentative de révision constitutionnelle’’.

De la mauvaise foi
Parmi les prétextes de la Plateforme pour contester la décision de la Cour constitutionnelle, il y a ces passages de son Arrêt N°2017-04/CCM/Réf. DU 04 JUILLET 2017 : ‘’qu’à cet égard, il convient de signaler que la souveraineté du peuple s’exerce à ce jour par ses élus sur toute l’étendue du territoire national (…)’’; ‘’Considérant que l’insécurité qui prévaut au Mali est résiduelle en ce qu’elle est persistante en certains endroits du territoire national (…)’’.
Pour la Plateforme An tè A Banna, c’est un déni de réalité que de parler d’insécurité résiduelle. Ce qui reflète une compréhension étriquée de sa part de l’adjectif ‘’résiduel’’. En effet, selon le dictionnaire ‘’reverso’’, l’adjectif ‘’résiduel’’ a quatre significations :
• 1 de la nature des résidus, restes inexploitables.
• 2 qui constitue un résidu
• 3 (géographie) qualifie un relief préservé de l’érosion, d’une destruction.
4 qui persiste malgré tout (chômage résiduel).
Il est aisé de constater que la définition n’est pas restrictive de : ‘’qui constitue un résidu’’ comme l’a comprise la ‘’Plateforme An Tè A Banna’’ qui a oublié les subtilités de la langue de Molière.
Mieux, dans son Arrêt, la Cour constitutionnelle soutient : ‘’considérant que si depuis sa signature, certains irréductibles continuent de se comporter en terroristes en posant des actes de défiance dont sont victimes les populations maliennes et celles des pays limitrophes, créant une situation d’insécurité préoccupante, force est de constater qu’il n’a plus été attesté d’une présence de troupes d’occupation étrangères sur le territoire malien, de façon à en compromettre son intégrité au sens du droit international’’. En parlant d’insécurité préoccupante, il est évident qu’elle ne banalise pas la situation sécuritaire. Mais qu’elle ne suffit pas à remettre en cause l’intégrité territoriale.

De l’État de droit
Sur la question du respect de l’État de droit, notre éminent professeur de droit, la lumière dans les ténèbres de la Plateforme, est mal à l’aise quand il justifie sa violation par le fait que l’État l’a fait à maintes reprises.
Primo, ce n’est pas parce que l’État a violé un principe que cela devient la norme. ‘’Nul n’est censé ignorer la loi’’.
Secundo, il est inexact d’affirmer que le régime a violé le principe de l’État de droit au regard de sa définition et de ses caractéristiques.
Selon le dictionnaire la Toupie : ‘’un État de droit («Rule of Law» en anglais) est un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Il est fondé sur le principe essentiel du respect ses normes juridiques (ou «primauté du droit»), chacun étant soumis au même droit, que ce soit l’individu ou bien la puissance publique. Il est donc possible pour un particulier de contester les actions de l’Etat ou d’un dirigeant politique s’il les considère comme illégales.
Au début du XXe siècle, le juriste autrichien Hans Kelsen (1881-1973) a défini l’État de droit comme un «État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée».
L’État de droit est caractérisé par :
• une hiérarchie des normes, où chaque règle tire sa légitimité de sa conformité aux règles supérieures,
• une séparation des pouvoirs, organisée par une Constitution, notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif,
• l’égalité de tous, personnes physiques ou morales, devant les règles de droit,
• la soumission de l’État, considéré comme une personne morale, au respect des règles de droit,
• la responsabilité des gouvernants, face à leurs actes ou décisions’’.
À ce qu’on sache, il y a au Mali une hiérarchie des normes ; une séparation des pouvoirs ; l’égalité de tous devant les règles de droit ; la soumission de l’État au respect des règles de droit ; la responsabilité des gouvernants face à leurs actes ou décisions.
Un exemple du respect de l’Etat de droit : par la requête, en date du 14 juin 2017, signée du sieur Seydou DIAWARA et de dix-huit autres, tous Députés à l’Assemblée nationale du Mali, la Cour constitutionnelle a été saisie aux fins de la déclarer inconstitutionnelle la loi n°2017-31/AN-RM du 02 juin 2017. La requête a été déclarée recevable ; la Cour est même allée dans le sens des requérants par rapport à certains arguments soulevés (la mouture du texte ; la mention de la date du 2 juin au lieu du 3 juin de l’extrait du compte rendu intégral de la séance plénière).
La requête dirigée contre une loi référendaire, initiée par le Président de la République, a été attaquée devant la Cour constitutionnelle qui l’a reçue et a rendu une décision. N’est-ce pas là l’expression d’un État de droit ?
Quand est-ce qu’un principe de l’État de droit a été violé par le Gouvernement et comment ? L’on peut être d’autant plus à l’aise que l’éminent conférencier ne donne pas d’exemple précis de violation, lui et sa Plateforme qui envisagent la désobéissance civile.
De la désobéissance civile
Il s’agit d’un droit consacré par la Constitution du 25 Février 1992 qui dispose en son article 121 : ‘’le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution.
La forme républicaine de l’État ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’État.
Tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien’’.
Mais les partisans du ‘’NON’’ ne peuvent évoquer la désobéissance civile qui, dans le cas d’espèce, n’a pas de base légale. Et pour cause, la forme républicaine de l’État n’est pas remise en cause. Elle l’aurait été si la forme prévoyait d’aller de la république à la monarchie.
Selon WikiPédia : ‘’ une monarchie constitutionnelle (aussi connue sous le nom de monarchie parlementaire) est un type de régime politique qui reconnaît un monarque élu ou héréditaire comme chef de l’État, mais où une constitution limite ses pouvoirs.
Les monarchies constitutionnelles modernes sont le plus souvent des monarchies royales parlementaires avec un système de séparation des pouvoirs où le monarque est le chef symbolique du pouvoir exécutif. Ce pouvoir est en pratique dévolu à un Premier ministre, nommé par le monarque, et devant avoir le soutien du Parlement, envers lequel son gouvernement est seul responsable’’.
Pour ceux qui ont réellement lu la loi référendaire, nulle part il n’est fait mention d’un tel cas de figure. Le projet de révision constitutionnelle ne porte ni sur la forme républicaine de l’État (cf article 25 loi référendaire : ‘’le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale.
Son organisation est déconcentrée et décentralisée.
La République du Mali assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte et protège toutes les croyances.
Son principe est le Gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple’’) ni sur la laïcité, encore moins sur le multipartisme.
Mieux, nous ne sommes pas en présence d’un État illégitime. Les institutions sont démocratiques et républicaines et le droit à la désobéissance civile est reconnu dans des conditions bien précises.
En définitive les arguments soulevés par la Plateforme ne résistent à aucune critique objective. Du moins pour ce qui est de la révision constitutionnelle qui semble servir de prétexte à des règlements de compte politique et à des revendications sociales.

Par Bertin DAKOUO

 

Source: info-matin

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