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Délinquance financière : Plus de 180 millions de francs CFA volés à l’Ambassade du Mali à Washington

La gestion financière de l’Ambassade du Mali à Washington (États-Unis) est sans appel : surfacturations à la pelle, vols et détournements de fonds. Auxquels s’ajoute, l’autoconsommation des recettes de la chancellerie, d’année en année. Autant de pratiques qui selon nos sources ont précipité la représentation diplomatique du Mali à Washington dans l’abîme. Avec à la clé, un trou béat de 181 millions (181 498 020F) de francs CFA dans la caisse pendant les  exercices 2015, 2016, 2017 et 2018 (1er semestre).

 

Élaboré par des experts, chargés de faire toute la lumière sur la gestion calamiteuse de ces fonds, ce dossier épingle Son Excellence l’ambassadeur du Mali à Washington. Mais aussi, le Chef Comptable de la chancellerie.

À l’issue de leurs investigations, les enquêteurs sont tombés, à leur corps défendant, sur des zones d’ombre dans la gestion de ces 181 millions de francs CFA.

La chancellerie à vau-l’eau  

Les faits les plus marquants à la Chancellerie du Mali à Washington sont relatifs, d’une part, à l’utilisation abusive des ressources publiques pour la prise en charge des avantages indus ; et d’autre part, à la permanence des pertes aux changes dont le montant est important. Enfin, l’autoconsommation des recettes en l’absence d’autorisation préalable du Payeur Général du Trésor, constituant ainsi une irrégularité, est devenue aujourd’hui une pratique courante à l’Ambassade de Washington.

En bloc, l’Ambassade du Mali à Washington dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais connu une gestion aussi controversée que ces 4 dernières années. Les caisses ont coulé de source et dans d’autres sources et les détournements n’ont pas été comptabilisés en dizaine de millions. Mais en centaine de millions de nos francs.

L’Ambassade du Mali à Washington n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, ses responsables diplomatiques et leurs sbires n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de cette chancellerie n’ont atteint un tel degré.

Remboursement de frais médicaux indus par l’Ambassadeur

Pour s’assurer que le remboursement des frais médicaux à la chancellerie du Mali à Washington respecte les limites prévues par les textes (80%) les contrôleurs ont examiné les pièces justificatives des dépenses faites par le Secrétaire Agent Comptable (SAC). Ils ont constaté que l’Ambassadeur rembourse des frais médicaux du personnel diplomatique en plus de la couverture médicale souscrite. En effet, en complément de l’assurance maladie, le personnel diplomatique présente des frais médicaux non couverts à l’Ambassade pour prise en charge selon le cas des 80% ou 50% desdits frais. Ces remboursements sont relatifs à des prestations de soins et des achats de médicaments sans prescription d’ordonnances dans les pharmacies de la ville. Cette prise en charge intégrale du personnel diplomatique viole les dispositions du Décret n°96-044/P-RM du 8 février 1996, modifié. Pour la période sous revue, le montant des remboursements indus de soins médicaux s’élève à 15 millions FCFA.

Octroi des frais indus de communication téléphonique et paiement de cotisations indues par l’Ambassadeur

Après l’examen des pièces justificatives des frais de communication, il ressort que l’Ambassadeur accorde au personnel diplomatique, la prise en charge de leurs consommations téléphonique mensuelle et de leurs factures d’abonnement en téléphone, fax, télévision et internet avec un opérateur de téléphonie mobile. En outre, des cartes de recharge téléphonique prépayées sont achetées pour le personnel diplomatique et local. Pour la période sous revue, le montant total des frais de communication pris en charge est de 67 millions de nos francs.

Aussi,  il ressort de l’analyse des pièces justificatives des dépenses du personnel que l’Ambassadeur du Mali à Washington, a indûment payé pour le compte de certains agents du personnel local, des cotisations à l’INPS et à la CANAM. En effet, Son Excellence a inséré dans les contrats de travail de certains employés une disposition contraire à celle de l’instruction. L’alinéa 3 de l’article relatif à l’«engagement de l’Ambassade » desdits contrats de travail stipule que l’agent sera «inscrit, s’il le souhaite au Régime de la cotisation INPS dont la part patronale est payée par l’Ambassade à hauteur de 18,4% du salaire brut et le reliquat soit 3,6% à sa charge ». Également, l’Ambassade paye à la CANAM la part patronale des agents concernés sans contrepartie des prestations. En fait, lesdits agents ne sont pas immatriculés au régime d’Assurance Maladie Obligatoire du Mali. De surcroît, les mêmes agents bénéficient d’une assurance maladie souscrite par l’Ambassade sur le territoire américain. Pour la période sous revue, le montant total des paiements indus de cotisations à l’INPS et à la CANAM est de 69 millions FCFA. Par ailleurs, chaque virement engendre un frais bancaire de 500 USD pour l’Ambassade.

L’Ambassadeur et le Chargé d’Affaires ont irrégulièrement accordé des bonifications à des Agents

Des documents révèlent que l’Ambassadeur du Mali à Washington et le Chargé d’affaires ont accordé des bonifications à des agents pour servir l’Ambassade durant la période correspondante à leur congé. Au cours de l’exercice 2015, l’Ambassadeur a octroyé au Secrétaire Agent Comptable (SAC) des bonifications pour non jouissance de congé. En effet, par décisions n°68/AMW/SAC/2015 et 70/AMW/SAC/2015 du 10 décembre 2015, le SAC et l’agent de ménage ont respectivement perçu 1 394 407 FCFA et 1 314 911 FCFA soit l’équivalent de leur salaire mensuel comme indemnité compensatrice de congé. Aussi, en 2018, le Chargé d’affaires de l’Ambassade a consenti au versement d’une bonification aux mêmes personnes. Ainsi, par décisions n°2018-024-bis/AMW/ SAC et 2018-025-bis/AMW/SAC du 24 avril 2018, le SAC et l’agent de ménage ont respectivement perçu 1 380 897 FCFA et 1 287 577 FCFA en guise d’indemnité compensatrice de congé. Le montant total de ces bonifications est de 5,3 millions FCFA (5 377 792F). Et  ce n’est pas tout. Loin s’en faut.

Même la non-restitution des matériels par les diplomates, au  niveau de la chancellerie du Mali à Washington, n’est pas de nature à tempérer les curiosités. Ainsi, le Ministre-Conseiller et le Conseiller à la Communication en fin de mission n’ont pas restitué les tablettes «Microsoft Surface 3 » qui leur avaient été affectées. Lesdits matériels, achetés sur le budget de l’Ambassade, demeurent les propriétés de l’État malien.

Et comme si cela ne suffisait pas, l’Ambassadeur et le SAC ne respectent pas le principe de la non-contraction entre les recettes et les dépenses. Du diagnostic des documents relatifs à la collecte des recettes de l’Ambassade, il ressort que l’Ambassadeur ordonne et l’Agent comptable exécute les dépenses sur l’intégralité des recettes réalisées dont celles provenant de la vente des timbres fiscaux qui reviennent à la Recette Générale du District. En effet, cette consommation des recettes est faite, sans aucune autorisation préalable du Payeur Général du Trésor. Pour la période sous revue, le montant total des recettes réalisées et consommées par l’Ambassade du Mali à Wanshington, s’élève à 545,54 millions FCFA (545 540 610F). Cette pratique contraire à la réglementation en vigueur s’explique par des retards accusés dans l’approvisionnement en fonds de l’Ambassade par le Payeur Général du Trésor et par le remboursement non systématique des pertes au change.

Le Ministre chargé des Finances a fixé un taux de chancellerie entraînant des pertes au change significatives

Pour déterminer les pertes au change consécutives à l’application du taux de chancellerie, un audit révèle que l’application, par la mission diplomatique du Mali à Washington, du taux de chancellerie fixé par l’Arrêté n°2013-2444 / MEFB.SG du 10 juin 2013 fixant les taux de change de chancellerie dans les missions diplomatiques et consulaires du Mali à l’étranger, entraîne d’importantes pertes au change. En effet, dans le cadre de l’exécution du budget de la mission diplomatique, la PGT (Paierie Générale du Trésor) envoie périodiquement les fonds évalués en FCFA, par virement bancaire au Secrétaire Agent Comptable. Ces fonds réceptionnés sont automatiquement convertis au cours du dollar américain à la date de valeur de la banque. Lorsque ce cours est supérieur au taux de chancellerie, à savoir 491,96 FCFA pour 1 dollar US, la conversion de la disponibilité relative à l’envoi entraîne une perte au change. Pendant la période sous revue, le cours du dollar a été supérieur au taux de chancellerie. Cependant, suivant les données du site « investing.com », sur la période sous revue, le cours du dollar a fluctué entre 635 655 FCFA (le 21/12/2016) et 525 880 FCFA (le 31/01/2018) avec un cours moyen de 587 815 FCFA.  La conversion des fonds envoyés au Secrétaire Agent Comptable par le Payeur Général du Trésor a entraîné des pertes sèches au change pour un montant d’un milliards FCFA (1 015 964 760F).

De plus, il apparaît que les fonds envoyés par le Payeur Général du Trésor l’Agent Comptable et destinés au remboursement des pertes au change des périodes antérieures, sont également évalués au taux de chancellerie, entraînant ainsi d’autres pertes au change. En somme, l’application du taux de chancellerie par la représentation diplomatique du Mali à Washington entraîne des pertes au change de façon récursive. Ces pertes au change importantes détériorent la trésorerie de l’Ambassade car elles ne sont pas systématiquement régularisées par la PGT, obligeant ainsi, l’Ambassade à auto-consommer les recettes pour compenser les pertes au change. Il est à noter que depuis le dernier trimestre de 2016, il n’y a pas eu de remboursement des pertes au change par la PGT.

Le SAC a irrégulièrement utilisé les fonds destinés au paiement des salaires et accessoires 

L’article 70 du Décret n°2018-009/P-RM du 10 janvier 2018 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique indique : « Les opérations de recettes, de dépenses, de trésorerie et de patrimoine […] doivent être appuyées par des pièces justificatives prévues dans une nomenclature établie par arrêté du ministre chargé des Finances après avis de la juridiction des comptes ».

Dans cette optique, il apparaît que le SAC utilise irrégulièrement des fonds destinés au paiement des salaires et accessoires du personnel. Ainsi, sur les états de virement des salaires du personnel de la période sous revue, le compte 0407078564, identifié par le numéro matricule E0225D avec « Amba Mali » et « Washington » comme Nom et Prénom, n’est pas soutenu par des pièces justificatives de paiement de salaire. En plus, l’Agent Comptable ne fourni pas de pièces probantes justifiant l’utilisation de ces fonds. Pour la période sous revue, le montant irrégulièrement utilisé sur ledit compte est plus de 23 millions FCFA (23 838 355F).

À ces irrégularités financières s’ajoutent des irrégularités administratives. Notamment, le dysfonctionnement du contrôle interne ; le refus catégorique de l’Ambassadeur de procéder à la vérification de la caisse du SAC ; la non liquidation par l’Ambassadeur des factures de dépenses effectuées par le SAC ; la non tenu d’une comptabilité régulière par le SAC ; la passation par le SAC des achats fractionnés sans une mise en concurrence des fournisseurs…

Bref, la liste des irrégularités, à l’origine de la disparation de 181,4 millions FCFA, est loin d’être exhaustive. Et le rapport du Vérificateur général a été transmis à la justice afin que les personnes concernées par cette  gestion calamiteuse puissent s’expliquer sur la destination de ce pactole.

Jean Pierre James

Nouveau Réveil

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